"Mes porcelets sont élevés sans antibiotiques dès la naissance"
À la SCEA de Fontenio, Romain Prodé n’administre plus d’antibiotiques à ses porcelets de la naissance jusqu’à l’abattage. Le bon statut sanitaire de l’élevage et les performances techniques démontrent le succès des actions engagées pour atteindre cet objectif.
À la SCEA de Fontenio, Romain Prodé n’administre plus d’antibiotiques à ses porcelets de la naissance jusqu’à l’abattage. Le bon statut sanitaire de l’élevage et les performances techniques démontrent le succès des actions engagées pour atteindre cet objectif.
À la tête d’un atelier de 230 truies naisseur-engraisseur à Pipriac en Ille et Vilaine, Romain Prodé élève depuis 2017 ses porcelets et ses porcs charcutiers sans utiliser d’antibiotiques de la naissance jusqu’à l’abattage, dans le cadre de la démarche qualité La Nouvelle Agriculture de son groupement Terrena-Porveo.
Une performance qui s’explique par une combinaison de plusieurs actions engagées dès son installation. Elles concernent à la fois la restructuration de son élevage et la mise en place d’une importante stratégie de prévention. La réactivité de l'éleveur est aussi importante pour faire face aux risques de dérive sanitaire en utilisant des solutions alternatives.
Dépeuplement-repeuplement et restructuration de l’élevage
Un an plus tôt, en 2016, l’installation du jeune éleveur avec son père leur a permis d’envisager une augmentation de la taille de l’élevage. Avec Loïc Le Marchand, leur technicien Terrena-Porveo, ils ont décidé de procéder à un dépeuplement-repeuplement du cheptel. "Cette technique est désormais très bien maîtrisée et elle a fait ses preuves chez d’autres adhérents du groupement", affirme Loïc Le Marchand. L’objectif est de travailler avec un troupeau à haut statut sanitaire, dans un ensemble de bâtiments performants, conçus pour respecter le principe de la marche en avant et assurer une biosécurité de haut niveau. L’ensemble des travaux a été étalé sur un an et demi : construction d’un engraissement neuf sur racleurs et de deux nouvelles salles d’un post-sevrage confortable, et rénovation de la partie naissage pour conduire les truies en cinq bandes avec un sevrage à trois semaines.
L’élevage a été repeuplé avec des cochettes Adenia (Axiom) indemnes des germes responsables des principales pathologies respiratoires : mycoplasmose, actinobacillose, rhinite et SDRP. Le seul point noir de l’opération a été les trois mois de nettoyage des bâtiments existants, « un travail exténuant et très dur », souligne Romain.« Les résultats ont été à la hauteur des efforts consentis », estime Loïc Le Marchand. « Quatre ans après, le statut sanitaire du troupeau est toujours très bon ». Des sérologies sont réalisées tous les trois mois dans le cadre de la charte de protection des élevages SDRP négatifs gérée par l’OS porc Bretagne. Elles permettent de confirmer que l’élevage n’a pas été contaminé. « C’est le résultat de la mise en place de mesures de biosécurité externes strictes », explique le technicien. Les locaux techniques et le sas sanitaire permettent d’accueillir les visiteurs en toute sécurité. Le groupement s’est engagé dans le cadre de cette charte à programmer le ramassage ou la livraison des animaux de l’élevage par des camions n’ayant pas été dans des élevages positifs. Cette charte stipule également que les vétérinaires et les techniciens commencent leur journée par les élevages négatifs. « Nous imposons une douche et demandons un intervalle de 48 heures avec la visite d’élevage précédente », détaille Romain. Le matériel est également désinfecté. « Les dépanneurs n’entrent pas avec leurs outils. Ils disposent de tout ce dont ils ont besoin dans l’enceinte de l’élevage ».
Un volet préventif important basé sur les vaccins
Malgré ces précautions, des contaminations accidentelles pourraient survenir puisque l’élevage n’est pas sous filtration. « C’est pourquoi le vétérinaire sanitaire de l’élevage, David Peroz, a préconisé la vaccination des truies contre le mycoplasme et le PCV2 », explique Loïc Le Marchand. Les passages de grippes se font rares. Le dernier qui date de janvier 2021 et qui a touché tout l’élevage a simplement été traité avec de l’aspirine et de la vitamine C, suivis d’un expectorant. En maternité, la principale pathologie digestive a concerné les porcelets issus de cochettes, avec l’apparition de diarrhées colibacillaire. Elles ont été maîtrisées par la vaccination des truies, avec un vaccin inactivé contre les colibacilloses et les clostridioses (Suiseng). Si des cas de diarrhée apparaissent en cours de lactation, Jeanne Guinard, la salariée de l’élevage, distribue un mélange d’asséchant et d’argile bentonite, complété par un réhydratant (Résorb). « L’argile bentonite est consommée par les porcelets. Elle est moins pulvérulente que le kaolin qui provoque des éternuements », constate-t-elle. En maternité, les mesures invasives sur les porcelets qui pourraient constituer des portes d’entrées aux germes pathogènes sont réduites au minimum. L’arrêt de la castration des mâles mis en place dans le cadre de La Nouvelle Agriculture l’a bien aidé en cela. Le fer oral a remplacé le fer injectable. Les dents sont meulées au strict minimum.
Des aliments de sevrage sans antibiotiques
Les porcelets reçoivent un programme alimentaire composé de trois aliments avant de passer au 2e âge : un préstarter très riche qui leur permet de s’habituer à consommer; un aliment de péri-sevrage distribué jusqu’à trois jours après le sevrage, et pour finir un aliment 1er âge dont les quantités distribuées sont gérées par la règle des 13 (6,5 kg d’aliment pour des porcelets sevrés à 6,5 kg par exemple). « Ces aliments sont conçus pour être utilisés sans supplémentation antibiotique à visée digestive », précise Loïc Le Marchand. Jusqu'à l'année dernière, les diarrhées de post-sevrage étaient généralement maîtrisées rapidement par l’acidification de l’eau de boisson. Une mesure désormais devenue inutile, avec l’acquisition d’un nouveau système de potabilisation de l'eau à base de dioxyde de chlore, associé à une déferrisation et une démanganisation, et complétée d’une légère acidification. Par ailleurs, les porcelets sont depuis peu vaccinés par voie orale contre l’iléite hémorragique (Entérisol) suite à l’apparition de cas en engraissement. « La maladie était contenue par l’acidification de la soupe. Mais sa forme subclinique dégradait les croissances en engraissement », constate Loïc Le Marchand. « Depuis que les animaux sont vaccinés, nous constatons que la croissance est améliorée ». Une impression confirmée par Romain « Aujourd’hui, les porcelets expriment pleinement leur potentiel de croissance jusqu’à l’abattage. Deux tiers des porcs charcutiers partent à l’abattoir à moins de 160 jours », conclut-il.
« Il faut beaucoup de rigueur et de réactivité »
Loïc Le Marchand, technicien Terrena-Porveo
Chez Terrena-Porveo, nous disposons de toutes les solutions nécessaires pour faire face à l’arrêt de l’antibiothérapie préventive dans les aliments 1er âge et accompagner les éleveurs dans une démarche de démédication. Mais ces mesures doivent être accompagnées de rigueur et de réactivité face aux risques sanitaires. Romain fait partie de cette nouvelle génération d’éleveurs qui ont mis en place des outils de production performants et d’un haut statut sanitaire, grâce à un dépeuplement-repeuplement couplé à une réorganisation totale des bâtiments. C’est une aide précieuse à toute action de démédication. Ensuite, les vaccins constituent la composante incontournable du volet préventif, en accompagnement d’une conduite d’élevage adaptée. Malgré tout, les solutions curatives doivent toujours être envisagées, notamment face aux pathologies digestives. Pour cela, il ne faut pas hésiter à s’engager sur des voies alternatives, à condition qu’elles soient appliquées avec toute la rigueur nécessaire pour qu’elles expriment leur pleine efficacité.
Jean-Charles Besnard, chef produits aliments porcs Terrena
« Nos solutions alimentaires peuvent sécuriser 95 % des élevages »
Terrena-Porveo est précurseur dans la démédication des aliments 1er âge. Partie d’un seul aliment « blanc » en 2011, la gamme en compte aujourd’hui trois, qui se différencient sur leur potentiel de croissance. " En 2020, seulement 10 % des aliments 1er âge fabriqués par la coopérative étaient supplémentés", affirme Jean-Charles Besnard chef produits aliments porcs. « Nos solutions alimentaires peuvent sécuriser 95 % des élevages », estime-t-il. Pour cela, trois axes de travail sont pris en compte :
Jean Charles Besnard souligne aussi la nécessaire synergie entre la nutrition et les services et vétérinaires. « La maîtrise de la conduite d’élevage et de la santé des porcelets est une composante essentielle de la démédication des aliments ».