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Sial : « Il faut récupérer les marchés perdus en Europe », selon Pascale Thieffry, Business France

En amont du Sial qui s’ouvre le 15 octobre, Pascale Thieffry, directrice du département agroalimentaire de Business France, revient pour Les Marchés sur les enjeux de l’exportation en Europe, mais aussi dans les pays tiers, des relais de croissance à ne pas négliger.

Pascale Thieffry, directrice du département agroalimentaire de Business France.
© Business France

Vous allez dévoiler votre livre blanc « Où exporter en 2023 ? » dans le cadre du Sial. Quels sont les grands chiffres à retenir ?

Pascale Thieffry - L’export se porte plutôt bien. En 2021, nos exportations agroalimentaires ont augmenté de 12,5 % en valeur, et de près de 20 % sur le premier semestre 2022 par rapport au premier semestre 2021. Nous sommes à des niveaux inégalés avec un chiffre d’affaires de 70,2 milliards d’euros en 2021 et à 40 milliards d’euros au premier semestre 2022. La répartition entre l’Union européenne et les pays tiers a évolué. Notre part d’exportation vers l’Union européenne a décliné au profit des pays tiers, et cela va continuer avec la sortie du Royaume-Uni. Cela nous a fait perdre 10 points. Néanmoins, l’Union européenne reste majoritaire, puisque 54 % de nos exportations en valeur se font vers des pays européens, contre 46 % vers les pays tiers. La répartition était plutôt un tiers, deux tiers pour l’Europe jusqu’à présent. Pendant la crise sanitaire, ces destinations européennes ont aussi permis à nos exportations de ne pas s’effondrer. Cela étant, le grand export connaît des croissances importantes. Alors que la progression de nos exportations en valeur est de 12 % vers l’Union européenne, elle est de 27 % en Amérique du Nord et de 24 % en Asie.

« L’export se porte plutôt bien »

Les marchés européens valent-ils encore la peine de s’y pencher ?

P. T. – Bien sûr. Il faut récupérer les marchés que nous avons perdus dans ces pays-là. Dans le secteur des fruits et légumes, 70 à 75 % des exportations se font vers l’Union européenne. Le potentiel est aussi important pour les produits laitiers, dont le marché est scindé, entre les fromages principalement plus exportés vers l’Union européenne et les ingrédients laitiers davantage vers les pays tiers. Il ne faut pas perdre de vue, quand même, les forts relais de croissance que représentent les pays tiers, notamment les zones Asie et Amérique du Nord. Ce sont des tendances de fond qui vont perdurer.

« Il ne faut pas perdre de vue les forts relais de croissance des pays tiers »

Quelles sont les principales destinations européennes des produits alimentaires français ?

P. T. – Dans le top 5 de nos clients, il y a quatre pays européens. Jusqu’en 2020, ils étaient cinq, les États-Unis se sont hissés dans le top 3 à la place du Royaume-Uni, grâce au moratoire sur les taxes Trump, sur les vins et spiritueux. Le top 4 de nos clients européens reste la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Et ces marchés ont connu sur le premier semestre 2022 des croissances respectives de 16, 27, 36 et 26 %.

Quelles sont les opportunités, sur quels marchés et pour quels types de produits ?

P. T. - On retrouve les quatre pays que je viens de vous citer bien sûr. Clairement, l’Allemagne et la Belgique sont les principales destinations devant la Chine. Il y a encore du potentiel de croissance sur ces marchés-là.

Avant la crise du Covid et la guerre en Ukraine, vous mettiez en avant les marchés d’Europe de l’Est, en particulier la Pologne, comme débouchés à approfondir. Est-ce toujours le cas ?

P. T. - Malgré la situation, la Pologne reste toujours un marché important à exploiter. Nous avions publié une étude à ce sujet. Même s’il y a une certaine prudence, un certain attentisme au vu de la situation en Ukraine, mais aussi de la conjoncture économique, les opportunités sont toujours là. En Europe centrale et orientale, il y a encore de la marge pour les produits français.

« Malgré la situation, la Pologne reste toujours un marché important à exploiter »

Pour quels types de produits ?

P. T. – Plus particulièrement pour les produits transformés. Les produits de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie ont le vent en poupe. Les produits biologiques progressent aussi davantage que les produits non transformés.

Justement qu’en est-il pour le bio ?

P. T. – Sur ce secteur, il est très difficile d’avoir des données, car les douanes n’ont pas de code spécifique pour le bio. Mais nous avons de belles entreprises qui présentent une offre toujours plus élargie, notamment lors du salon Biofach. Les pays nordiques sont toujours intéressés par une offre biologique, même si elle reste développée chez eux. Des occasions sont davantage à saisir sur des secteurs innovants, comme les alternatives végétales, par exemple. Notamment sur le circuit de la grande distribution. Les produits qui cumulent le végétal et le bio seront plutôt bien accueillis.

Le bio a-t-il davantage la cote à l’étranger qu’en France actuellement ?

P. T. – En France, le bio est concurrencé par le local. Le consommateur fait plutôt ce choix du local, même si on peut avoir du bio et du local. Le seul label bio ne suffit plus à attirer le consommateur. C’est moins prononcé dans d’autres pays européens.

« Il y a encore de beaux jours pour les produits français au Royaume-Uni »

Parlons du Royaume-Uni. Malgré les incertitudes économiques depuis le Brexit et les contraintes administratives, le Royaume-Uni reste-t-il toujours attractif pour les Français ?

P. T. – Cela reste un pays essentiel. Il n’est absolument pas souverain dans son alimentation, même s’il développe des outils de production, il y a toujours des problématiques de main-d’œuvre. Donc il y a encore de beaux jours pour les produits français. En revanche, là où on pouvait être dans l’amateurisme avant le Brexit, avec la complexité administrative actuelle, même s’il y a eu des reports dans les formalités sanitaires, il faut être plus organisés, plus préparés. On ne peut pas être dans l’improvisation. Les aspects logistiques sont fondamentaux. Il faut savoir les anticiper. Mais quand cela est fait, il y a des opportunités, car le pays n’est pas du tout autosuffisant. Nos exportations vers le Royaume-Uni n’ont, en réalité, pas reculé, mais ont augmenté moins fortement que d’autres, c’est pour cela qu’il ne se retrouve plus dans le top 5. Hormis le vin, les produits transformés de boulangerie-viennoiserie-pâtisserie ou d’épicerie ont une place à se faire.

Exporter de la viande bovine en Allemagne

Face à des concurrents néerlandais, autrichiens, polonais ou encore argentins, la France a des cartes à jouer pour poursuivre son implantation en Allemagne.

Dans l’étude sur les chaînes de valeur commerciales de la filière de la viande bovine en Allemagne, commandée par FranceAgriMer et réalisée par Business France, il est cité un certain nombre d’opportunités pour la filière bovine française. L’Allemagne est un marché stratégique pour la France. Il s’agit de son second marché à l’export avec 39 500 tonnes exportées en 2020 (+3,1 %) et un chiffre d’affaires de 210 millions d’euros (+5,5 %) ; 25 % de la viande bovine fraîche exportée de France vers l’Allemagne sont des pièces désossées (29 000 t de type carcasses, demi-carcasses, quartiers non désossés pour 10 000 t de morceaux désossés). Si le marché allemand est un marché de prix et de volume, la crise liée au Covid a rebattu un peu les cartes et sensibiliser le consommateur sur le « bien manger » et la viande française semble disposer de cette confiance. Par ailleurs, la consommation allemande se réoriente du porc vers la volaille et le bœuf.

Des échanges réguliers nécessaires

Les importateurs-grossistes en viande bovine connaissent la démarche Charoluxe. Certains ont structuré des partenariats parce qu’ils cherchent des produits à forte identification pour le milieu et haut de gamme. En revanche, il faut être vigilants sur le développement de marques qui s’appuient sur les mêmes fondamentaux, notamment de l’Irlande et de l’Autriche qui ont fait de forts investissements promotionnels. Enfin, récemment, Aldi a signifié ne plus vouloir vendre de la viande brésilienne dans ces rayons du fait de la déforestation importée. Le distributeur travaille beaucoup avec l’importateur Delta qui connaît également bien l’offre française. Des occasions peuvent être à saisir. En restauration commerciale, une offre de viandes préparées émerge, du fait du manque de main-d’œuvre et de formation. Les steaks pour burgers, les marinades, les découpes spécifiques intéressent les restaurants. En tout cas, il est nécessaire de se rendre sur place au moins une fois par an, et proposer des échanges réguliers pour renforcer l’interactivité avec les premiers metteurs en marché.

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