Conjoncture
Les industriels subissent (toujours) la hausse des matières premières
Pour l’heure, ce sont surtout les industriels qui doivent assumer la hausse des matières premières agricoles, la répercussion au consommateur ne s’est pas encore totalement faite, notamment sur les produits transformés.
À l’heure du goûter, laissons-nous tenter par un quatre-quarts acheté en grande surface. La liste d’ingrédients est courte : œufs, beurre, farine de blé et sucre. Tout d’abord, les œufs. La TNO, établie par Les Marchés pour les œufs destinés à l’industrie, s’affiche à 1,04 €/kg en semaine 48. C’est 72 % de plus que l’an dernier, même date. Pour le beurre, la cotation spot du cube de 25 kg s’affichait à 5 870 €/t mi-novembre, soit 70 % de progression en un an. Pour la farine, la hausse est d’environ 30 % par suite de l’envolée des prix du blé. Pour le sucre, les tarifs ont augmenté de 25 % sur la période si l’on prend en compte le prix du sucre blanc à Londres.
Pour le fabricant industriel, la facture à l’achat des ingrédients qui ne sont pas sous contrat est salée. Pour le consommateur, actuellement, rien à signaler. Le prix de la barre de quatre-quarts Ker Cardélac de 500 g est passé de 2,35 € en début d’année à 2,20 € la semaine dernière à E.Leclerc Drive, et de 2,56 € à 2,41 € à Intermarché Drive, selon l’observatoire du drive aimablement communiqué par Olivier Dauvers. Tout devrait changer après les prochaines négociations commerciales.
La loi Egalim 2 ne protège pas les plats cuisinés
Car beaucoup d’opérateurs les attendent avec impatience après avoir vu le prix de leurs ingrédients s’envoler. On peut ainsi citer les fabricants de lasagnes qui en plus de voir les pâtes augmenter sont confrontés à la hausse du haché de bœuf. Les cours des vaches laitières P ont ainsi progressé de 26 % sur un an pour atteindre des sommets historiques. La loi Egalim 2 garantit la répercussion de cette hausse dans le cas du steak haché ou des viandes piécées. Mais c’est plus complexe pour les produits transformés, dont les ingrédients ont néanmoins augmenté, sans compter la hausse du transport routier et de l’énergie.
Les industriels disposent de quelques leviers, comme le changement de packaging (la shrinkflation), de recette ou d’origine d’approvisionnement, mais qui restent des armes à double tranchant, au risque de perdre un consommateur déçu. Consommateur qui est néanmoins très vigilant sur les prix, puisque seulement 48 % des Français jugent qu’ils pouvaient manger tous les aliments qu’ils veulent en 2021, contre 50 % en 2016, selon une étude de Crédoc qui précise aussi que 7 % d’entre eux n’ont pas toujours mangé à leur faim (5 % en 2016).
Toutes les hausses ne sont pas répercutées
Les Français achetaient leurs œufs en moyenne à 22 €/100 œufs en octobre, rapporte le panel Kantar publié par FranceAgriMer, c’est 0,2 % de moins que l’an dernier, même date, alors que, dans le même temps, les coûts liés à l’alimentation des poules se sont envolés : +25 % pour l’indice Itavi. Pour les professionnels de la filière, cette stagnation des prix s’explique par la marge que s’était assurée la GMS sur le rayon œuf, notamment après avoir augmenté les prix pendant le premier confinement. La distribution est donc en mesure d’absorber ces hausses sans jouer sur les tickets de caisse.
L’offre a aussi évolué, des plus grands conditionnements sont apparus en alternatifs (plateau de 20 œufs plein air, par exemple) qui affichent un prix à l’unité inférieur aux boîtes de six.
L’avis de Christophe Bonno, directeur général de Maïsadour et rédacteur en chef invité des Marchés
Les secteurs agricoles et agroalimentaires subissent de plein fouet cette flambée de l’ensemble des coûts de production. On note par exemple avec l’indice Itavi, une augmentation de 28 à 35 % des coûts de l’alimentation animale sur la volaille selon les espèces en 1 an, et de 12 à 50 % des coûts des emballages selon les matériaux en 1 an. L’énergie et le transport sont également des postes budgétaires qui ont atteint des sommets records dans la production. L’indexation que la coopérative a mise en place sur l’aliment ne suffit plus pour maintenir la rémunération de nos éleveurs de volailles et de palmipèdes. Les conséquences sont énormes au vu de la violence de cette envolée des coûts de production. La répercussion dans nos tarifs doit être rapide et ne peut pas attendre la fin des négociations en mars 2022. Nos filières sont fortement fragilisées, et nous comptons sur nos clients pour faire preuve du discernement nécessaire. Le modèle coopératif peut amener la transparence nécessaire pour prouver que ces hausses permettent de préserver strictement la rémunération des éleveurs et leur permettre d’investir dans le bien-être animal et la biosécurité.