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Vaches laitières : « Les lactations longues, c’est rentable ! »

En Haute-Marne, depuis six ans, Vincent Lartillier a allongé la durée moyenne de lactation de ses vaches et pratique des lactations de plus de 1 000 jours. Bilan : un gain de temps et une gestion facilitée de ses deux troupeaux laitiers et allaitants.

« Les frais vétérinaires ont beaucoup diminué », assure Vincent Lartillier.
« Les frais vétérinaires ont beaucoup diminué », assure Vincent Lartillier.
© V. Bargain

« La principale raison qui nous a amenés à allonger la durée de lactation est le gain de temps que cela permet en ayant moins de vêlages, explique Vincent Lartillier, associé du Gaec Dacevin en Haute-Marne. Nous sommes quatre associés pour 110 vaches prim’Holstein et 100 blondes d’Aquitaine, ce qui représente aujourd’hui 200 vêlages par an. »

Pour réduire le nombre de vêlages, Vincent Lartillier n’insémine plus ses vaches à 80-90 jours après vêlage comme auparavant. « On nous a appris qu’il faut inséminer au plus tard 80 jours après vêlage, souligne-t-il. Le contrôle laitier nous le rappelait systématiquement. Nous tarissions des vaches qui produisaient encore 30-35 litres de lait par jour. Une lactation était en moyenne de 12 000 litres. Aujourd’hui, nous tarissons à 20-25 litres, ce qui est plus rentable, et les lactations sont de 17-18 000 litres. »

Inséminer à 150-200 jours

 
Nurserie veux laitiers et allaitants avec igloo
« Les frais vétérinaires ont beaucoup diminué grâce aux lactations longues », assure Vincent Lartillier. © V. Bargain

Pour y parvenir, pendant six ans, l’éleveur a retardé de 10-15 jours chaque année la mise à la reproduction sur tout le troupeau. Aujourd"hui, au lieu d’inséminer 80 jours après vêlage, il le fait plutôt à 150-200 jours. « Nous avons actuellement 15 vaches à plus de 450 jours de lactation sans re-vêlage, de toutes les parités », indique-t-il.

Vincent Lartillier ne pratiquant pas de suivi de la reproduction, ni de synchronisation, la décision d’inséminer une vache dépend d’abord de la période. « L’objectif est de ne pas avoir plus de 15 vêlages par mois, pour des raisons de travail et de place en nurserie, car nous logeons les veaux en niches. Nous n’en voulons pas non plus beaucoup au moment des vêlages des allaitantes, de mi-septembre à début novembre, ni en avril à cause des semis de printemps et de la mise au parc des allaitantes, ni en juillet à cause des moissons. » Le choix d’inséminer ou de réformer se fait au jour le jour.

240 jours de lactation en moyenne

« Avec le robot de traite, il est facile de voir la production d’une vache. En général, nous réformons une vache quand elle est tombée à 16-17 litres par jour. Mais nous avons par exemple choisi d’inséminer une primipare qui faisait encore 37 litres de lait par jour à 600 jours après vêlage, car nous voulions la garder. Elle aura fait une lactation de plus de 33 000 litres avec zéro frais véto et seulement 200 litres de colostrum détournés. »

L’élevage est désormais à 240 jours de lactation en moyenne, parfois 270 jours, et descend rarement sous 220 jours, soit 7 mois moyens de lactation. « Toutes les vaches sont au même régime, quelle que soit la durée de la lactation, précise l’éleveur. Mais nous ne lésinons pas sur l’alimentation qui est à base de maïs, pulpe surpressée, ensilage d’herbe, enrubannage de trèfle et maïs humide, avec tous les compléments nécessaires. » L’éleveur pare aussi toutes les vaches au moment du tarissement, ce qui évite les boiteries et permet un bon départ en lactation.

Moins de frais vétérinaires et de reproduction

Outre le gain de temps de travail, Vincent Lartiller voit beaucoup d’avantages à cette nouvelle conduite. « Les vaches, qui produisent en moyenne 40 000 à 50 000 litres de lait en trois lactations, sont moins fatiguées, estime-t-il. La reproduction se passe mieux. Nous sommes à 75 % de réussite en première IA. Les vêlages se passent bien. Il y a très peu de casse. »

Les frais vétérinaires ont beaucoup diminué. « Il n’y a plus de problèmes liés aux vêlages, très peu de non-délivrances, aucune métrite à soigner et seulement cinq à huit mammites par an. Les veaux sont aussi plus vigoureux, sans doute grâce à un très bon colostrum et au fait qu’il y a moins de concentration en nurserie. » Les vaches sont aussi plus en état en fin de lactation et il n’y a plus besoin de les ré-engraisser avant la réforme.

Les frais de reproduction ont également diminué. Alors qu’il achetait 200 paillettes pour 100 vaches, il n’en achète plus que 140-150. Les frais de tarissement (antibiotiques et obturateurs) ont aussi baissé.

« Ces économies sont difficiles à chiffrer, car je suis aussi passé en insémination par l’éleveur depuis deux ans. Mais les vaches font plus de lait par jour de vie. Et quand une vache dépasse 42 000 litres en une lactation de 1 500 jours, sans aucun frais vétérinaires, c’est rentable. »

Regarder le revenu par UTH

Vincent Lartillier admet que la production moyenne de lait a légèrement diminué. De 36-37 kg/j/VL en moyenne, la production est tombée à 33-34 kg mais les taux ont augmenté. « Et il y a une meilleure persistance, assure-t-il. Le pic dure jusqu’à 150 jours. » Au final, l’éleveur assure qu’allonger les lactations est rentable. « L’important est le revenu par UTH, qui est très correct », assure-t-il.

Fiche élevage

4 associés

110 vaches prim’Holstein et 100 blondes d’Aquitaine

1,250 million de litres produit au robot

12 000 l/VL/an

AOP brie de Meaux

Lire aussi : Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre en élevage laitier ?

Avis d’expert : Luc Delaby, chercheur à Inrae

« Les lactations longues, une solution face aux problèmes de reproduction et de santé des vaches laitières »

 

 
Luc Delaby, Inrae
Luc Delaby, Inrae © V. Bargain

« Les lactations longues, d’au moins deux ans, peuvent présenter de l’intérêt en élevage bovin. Elles simplifient la vie de l’éleveur, car il n’y a pas de reproduction et moins de vêlages à assurer. Elles peuvent ainsi être une des solutions aux problèmes de reproduction et de santé des vaches, étant donné que la majorité des problèmes sanitaires se concentrent au vêlage et en début de lactation. Elles évitent aux éleveurs de tarir des vaches qui produisent encore beaucoup de lait à une période de bonne efficacité alimentaire. Et cela peut permettre de produire moins de veaux mâles, dont la rentabilité n’est pas toujours assurée.

Comme les lactations longues sont déjà assez pratiquées en élevage caprin, Inrae et VetAgro Sup ont décidé de s’intéresser aux lactations de plus de deux ans en élevage bovin dans le cadre du projet LoLa (Longo Lacta). Un premier travail a consisté en une enquête menée en 2023 auprès de 45 élevages de toute la France, de 30 à 150 vaches, de niveaux de production très variés, qui pratiquent des lactations longues sur une partie du troupeau. L’idée est de connaître les motivations des éleveurs et leurs pratiques. Les premiers résultats montrent que les élevages qui pratiquent des lactations longues le font en moyenne sur 4 % du troupeau. Les lactations longues peuvent être voulues ou le plus souvent résulter d’un échec de reproduction. Comme la vache continue à produire du lait, elle n’est pas tarie.

Un autre travail, débuté en fin d’été 2023, est d’analyser les données du contrôle laitier pour évaluer l’impact des lactations longues sur les performances laitières des vaches et du troupeau, la moyenne de lait par jour, la composition du lait. Sur les données des cinq dernières années, nous avons identifié plus de 23 000 lactations de plus de 700 jours et plus de 28 000 lactations de plus de 600 jours, ce qui n’est pas négligeable. Les résultats seront connus fin 2024. »

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