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Création de valeur: « l’implication des éleveurs laitiers dans les démarches de différenciation est déterminante »

Entretien avec Benoit Rubin, de l’Institut de l’élevage, suite à une étude menée sur les stratégies de différenciation développées par les acteurs de la filière pour mieux valoriser les produits laitiers.

Combien de démarches de différenciation produit ont été recensées ?

Benoit Rubin - Une soixantaine de démarches de valorisation ont été repérées par Mathilde Barbée l’été dernier, dans le cadre d’un mémoire de Master de géographie. Ce recensement n’est pas exhaustif ! On constate une nette accélération du nombre de démarches depuis 2017. Elles traduisent la volonté de répondre aux attentes des consommateurs, et en valorisant souvent le local. 20 % d’entre elles sont tout de même déployées à l’échelle nationale.

Plus de la moitié de ces démarches (57 %) portent sur le lait liquide alors que celui-ci était il y a encore 4 ou 5 ans un produit basique. On sort de la logique historique du lait apte à toute transformation avec une différenciation faite en aval. La différenciation amont est entrée dans la création de valeur et devient un élément de plus en plus important. Que Lactalis s’y soit engagé en lançant un lait de pâturage est un signe !

En quoi votre travail est-il original ?

B. R. - Plus qu’à la définition des produits (non-OGM, pâturage…), nous nous sommes intéressés aux relations entre les acteurs impliqués (éleveurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs). Nous avons cherché à voir les gains et les intérêts/motivations de chacun pour rejoindre la démarche. Pour cela, nous avons mené des enquêtes qualitatives auprès des opérateurs de 17 démarches représentatives, et effectué des relevés de prix en magasins. Mathilde Barbée a aussi analysé de plus près sept d'entre elles par rapport à une liste de onze objectifs, en regardant comment chacun des acteurs s’impliquait par rapport à ces onze objectifs(1). Les démarches sont issues de relations différentes entre les opérateurs, notamment entre l’amont et l’aval. Par exemple, dans le cas de « C’est qui le patron ? », on observe une implication forte et à parts égales des quatre acteurs ; en revanche, la démarche de Bel  n’impliquait pas l’aval (distributeurs et consommateurs) au moment de l'enquête.

Que font ressortir vos relevés de prix en magasin ?

B. R. - Nous avons été étonnés par l’étendue de la fourchette de prix sur le lait de consommation des différentes démarches : de 0,65 €/l à 1€/l. Les échanges avec les responsables de GMS montrent qu’il n’y a pas de relation évidente entre le niveau de prix et le cahier des charges amont, et que le prix stagne pour certaines démarches. Les caractéristiques des produits sont une condition nécessaire mais pas une condition suffisante pour créer de la valeur. D’autant plus qu’on assiste à une standardisation progressive des démarches de différenciation.

Qu’est-ce qui donne alors de la valeur à une démarche ?

B. R. - Le consommateur se positionne certes par rapport aux allégations notées sur l’emballage (pâturage, non-OGM, juste rémunération des producteurs…) mais aussi par rapport à la perception qu’il a du produit (proximité, communication des éleveurs…). Et on sent bien que l’implication des producteurs dans les démarches est devenue un élément déterminant. Il y a une évolution très forte du packaging des produits pour leur donner de la visibilité. La question de la rémunération des producteurs est entrée récemment dans la communication (par exemple l’évolution pendant l’été 2019 sur les produits Lactel). Tout se passe comme si l’enjeu est de convaincre le consommateur de la sincérité de la démarche.

Mais au-delà de la valeur, l’intérêt de ces démarches est aussi de créer des liens spécifiques entre producteurs et laiteries, de tisser des relations apaisées avec les grands groupes. Le cas de Bel, pionnier dans les démarches de différenciation, en est une belle illustration. 

(1) Avec un système de notation de 0 (pas d’implication) à 3 (acteur majeur).
 
                        Créer de la valeur et en faire profiter les agriculteurs

Les objectifs identifiés

° Produits : alimentation des vaches sans OGM, augmenter le temps de pâturage, améliorer le bien-être animal.
° Territoire : valoriser le local/proximité, améliorer la traçabilité des produits.
° Relations : favoriser le dialogue entre les acteurs, favoriser le lien éleveurs/consommateurs, répondre aux attentes sociétales.
° Filière : rationaliser la collecte, développer des produits avec plus de valeur.
° Producteurs : promouvoir une meilleure rémunération.
 

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