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Fiche : Retenue d’eau et pratiques culturales

Si l’on ne peut opposer la légalité à l’absence de chiffrage économique, Benoît Grimonprez, professeur d’université à l’Institut de droit rural de Poitiers, estime que la pertinence économique de certains projets reste à démontrer.

  • Le financement de l’ouvrage

    En 2011, le « Plan de soutien à la création de retenues d’eau et à l’adaptation des cultures » prévoyait un soutien par les Agences de l’eau à hauteur de 70 %. S’en est suivi un moratoire, levé en 2013, et l’instruction du 6 mai 2019 est claire : « Pour pouvoir bénéficier d’aides financières des Agences de l’eau, les infrastructures de stockage ou de transfert d’eau doivent avoir été incluses dans une analyse économique du programme d’actions permettant d’en apprécier l’opportunité économique ». L’ampleur des subventions allouées fait débat au moment où les aides MAEC et bio tardent à parvenir aux agriculteurs. Mais les retenues généreraient des services écologiques, en permettant des niveaux plus hauts l’été du fait de la baisse des prélèvements. Toutefois, cet argument n’est recevable par l’ensemble des agriculteurs que si la création de réserves s’accompagne d’un changement de pratiques culturales. Pour le juriste, « un paiement public ne saurait rémunérer que des prestations positives – allant au-delà de la simple substitution — et non le simple respect des volumes prélevables ». Les partisans des réserves soulignent que celles-ci améliorent de l’économie locale en stabilisant le tissu rural. Ce « plaidoyer mérite d’être entendu, même s’il doit être corroboré par une analyse économique beaucoup plus fine du rôle de la ressource hydraulique dans le développement des entreprises et des territoires », suggère Benoît Grimonprez. Ce dernier aimerait qu’il soit admis que l’irrigation « a appauvri certaines régions par des cultures intensives spécialisées à faible valeur ajoutée ».

  • Comment se partager l’eau ?

    La loi sur l’eau du 30 décembre 2006 a organisé les agriculteurs irrigants et les autorisations individuelles de prélèvement sont remplacées par une gestion globale des besoins d’irrigation confiée à des organismes uniques de gestion collective (OUGC). Les clivages traditionnels productivistes/écologistes sont largement dépassés, prétend Benoît Grimonprez : « la majorité de la profession est, sinon hostile, du moins perplexe sur l’intérêt des projets de retenues. Parmi les irrigants, tous n’ont pas fait non plus le choix d’adhérer à une structure (coopérative de l’eau) chargée de porter un projet de stockage. Position qui peut générer, en pratique, des différences de traitement mal vécues ». Et de citer l’exemple d’irrigants utilisant la bassine ayant vu leurs quotas maintenus (au motif qu’ils puiseront l’hiver), quand les autres ont perdu une part de leurs volumes.

    Alors que les projets de territoire pour la gestion de l’eau sont censés impliquer l’ensemble des usagers de la ressource, les retenues ont une vocation exclusive d’irrigation. « Cet « évident hiatus » serait opportunément levé si le stockage était aussi voué à d’autres destinées : le soutien à l’étiage des rivières, la recharge des nappes, la prévention des inondations, ou encore les besoins en eau potable des populations locales ». Il est vrai que le financement d’ouvrages multi-usages est évoqué dans l’instruction du 7 mai 2019, rappelle l’universitaire. Mais, ces bassines sont subordonnées à la recherche de la sobriété des usages. Le texte de l’instruction de mai 2019 insiste sur la transformation des systèmes de cultures et des pratiques bénéfiques (agroforesterie, haies, bonne gestion des sols) mais les engagements ne sont pas précis. Changer de modèle agricole passe par des pratiques agroécologiques innovantes avec production de biens et services environnementaux, la réduction d’usage des pesticides, la complémentarité production animale et végétale, l’autonomie énergétique des exploitations et, insiste l’auteur, « l’on sait que la manière de travailler les sols, et de les couvrir, influence grandement leurs capacités d’absorption et de rétention de l’eau ».

 

A lire aussi : Une retenue collinaire pour sécuriser ses revenus

 

Le remplissage de la retenue collinaire

Pour les retenues collinaires, le remplissage se fait par ruissellement ou gravité. Les prélèvements hors étiage étaient considérés remplacer ceux de l’été comme le prévoyait la notion de substitution dans L’instruction gouvernementale de 2015. L’instruction du 7 mai 2019 « se montre plus souple », avise l’universitaire. La réserve de substitution peut être alimentée pendant l’étiage depuis une ressource qui n’est pas en déficit. De plus, lorsque le milieu le permet, les prélèvements globaux peuvent aller au-delà de la simple substitution. Après le stockage, le volume net des prélèvements dans le milieu pourrait être accru. C’est au préfet « d’approuver, dans le cadre de la législation sur l’eau, le volume de prélèvement estival à partir duquel le volume de substitution est déterminé », précise le juriste.

Les autorisations de remplissage ne pourront porter que sur le trop-plein, une fois les aquifères rechargés, sans oublier l’alimentation en aval. C’est donc à l’administration de déterminer chaque année les seuils de remplissage de sa période. Au vu des changements climatiques, « il n’existe aucune garantie que le remplissage des bassines dans le futur puisse avoir lieu dans les conditions espérées aujourd’hui », d’où l’intérêt de mesurer la pertinence des projets importants, suggère l’universitaire.

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