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Carotte : vers un désherbage combiné

Déterminant lors de la mise en place de la culture, le désherbage de la carotte se complexifie avec la combinaison indispensable de substances actives moins efficaces et l’utilisation de moyens mécaniques en complément.

« Le désherbage de la carotte est une étape clé de la réussite de la culture », a mentionné Maxime Davy, expert Carotte du Ctifl lors de la 2ème journée technique Carottes de France qui s’est déroulée en juillet dernier à Saint-Jean d’Illac (33). Selon l’AOPn, la maîtrise du désherbage est primordiale pour préserver l’équilibre économique de la culture et les surfaces nationales qui représentent près de 12 000 ha. D’où le thème de la journée. De plus, « le contexte réglementaire et médiatique est compliqué. Avec une machine à scratcher les autorisations qui fonctionne à plein sans anticiper les solutions alternatives », a lancé Bernard Guillard, président de l’association, faisant ainsi allusion à la fin d’inscription en 2017 du Linuron, pilier du désherbage post-semis et pré-levée de la carotte dans tous les bassins de production (voir avis d’expert et tableau). Le désherbage de la carotte présente des spécificités. « La carotte est une culture peu compétitive que l’on peut qualifier de fainéante, avec un temps de fermeture des rangs très longs d’environ 50 à 70 jours », précise Maxime Davy. Elle a également un seuil de nuisibilité bas en évitant de dépasser une adventice par mètre carré entre le semis et le stade crayon. De plus, certaines cultures, comme les carottes primeurs, sont implantées dans des conditions de levée difficiles avec l’utilisation de films de protection qui limitent les possibilités d’interventions.

Maxime Davy, Ctifl : « Il faut envisager d’être plus tolérant vis-à-vis des effets phytotoxiques et prendre le risque de perte d’efficacité »

Des stratégies régionales

C’est aussi une culture sensible, délicate à désherber mécaniquement. Enfin, son coût d’implantation est élevé, de 5 à 10 000 euros/ha, conditionnant une réussite impérative. La stratégie de désherbage doit donc être dans un rapport efficacité/sélectivité optimal. Elle s’appuie sur l’application d’herbicides en association à différents stades de la culture principalement post-semi/prélévée (PSPL) et post-lévée (PL) et du désherbage mécanique par binage, voire du désherbage manuel. « Le désherbage chimique de la carotte est un exercice d’équilibre qui dépend de nombreux facteurs », explique le spécialiste, citant notamment la rotation, les paramètres environnementaux (humidité du sol, pluviométrie, température…), le stade de la culture et celui des adventices, le schéma d’implantation du semis (nombre de rangs), ainsi que le spectre d’action de substances actives et leur association. Ainsi, il existe des stratégies régionales (voir tableau) et selon les marchés visés (frais ou industrie). « Mais avec les homologations actuelles, des cas de non réussite des programmes de désherbage apparaissent », a témoigné, photos à l’appui, Bruno Pitrel, Sileban. La table ronde, qui a réuni les expérimentateurs de chaque bassin de production, a fait ressortir l’importance de trouver des alternatives à la disparition annoncée du Linuron et de les combiner avec le désherbage mécanique (voir encadrés). Les nombreux résultats d’expérimentation présentés montrent des résultats très variables. « En PSPL, l’efficacité insuffisante des substances actives qui devraient être prochainement homologuées vont conduire à un usage par association de ces substances actives. En PL, leur efficacité reste insuffisante », résume Maxime Davy. Toutefois, selon le spécialiste, le désherbage des carottes semble possible sans le Linuron si toutefois les AMM attendues de nouvelles substances actives sont autorisées avant le retrait. Mais il sera nécessaire d’affiner les sélectivités des associations et leur équilibre efficacité/ sélectivité en complétant les références sur les différents stades et flores. « Il faut envisager d’être plus tolérant vis-à-vis des effets phytotoxiques des associations, avoir une plus grande technicité dans le positionnement, notamment au stade PL précoce et prendre le risque de perte d’efficacité en cas d’application non optimale », prévient-il. Demain, le désherbage de la carotte sera donc un désherbage combiné et jouant sur plusieurs leviers : chimique, mécanique, agronomique (voir page 40-41) avec à sa disposition de nouvelles technologies comme les capteurs sur les bineuses, voire des robots mais aussi des logiciels de modélisation de l’évolution de la flore adventice (ci-contre).

Des mauvaises herbes préoccupantes

La matricaire est une plante très couvrante, la réussite du désherbage vacille entre efficacité et sélectivité des désherbants utilisés.

Le datura est un problème montant, notamment dans les rotations de cultures basses, du fait de ses émergences échelonnées. Sa toxicité accroît les risques liés à sa présence.

Le souchet comestible est une plante envahissante se propageant et se conservant dans le sol sous forme de rhizome et tubercule. Aucun traitement autorisé sur carotte ne permet son contrôle.

La morelle pose problème surtout dans le Sud-Ouest où le stock semencier des sols est très important, 300 plantules/ m2. La disparition du Linuron accroît le risque de développement de cette plante toxique.

Avis d’expert

François Villeneuve, Ctifl

Plus de produit pour la même efficacité

Le désherbage de la carotte est une « longue histoire » que François Villeneuve, Ctifl, connaît bien. A la fin des années 1990, le non-soutien du Dosanex (métoxuron) puis le retrait du Potablan (monalide) en 2000 ont été à l’origine des premiers essais officiels des techniques alternatives. En 2006, la ré-évaluation du Linuron l’a classé dans les 47 substances à éliminer. Et sa fin est annoncée en 2017. En revanche, plusieurs homologations ont été registrées depuis 2009 : Sencoral (métribuzine), Agil (propaquizafop), Centurion (cléthodime)… « Depuis 1998, on compte quatre retraits de substances actives pour sept inscriptions. Le bilan est donc positif en nombre et en travail d’expérimentation mais pas en efficacité », relève le spécialiste. En effet, l’IFT (indice de fréquence de traitement) du désherbage de la carotte n’a pas cessé de progresser avec la disparition des substances homologuées. Ainsi, il était de 2,5 avec l’usage du Dosanex, il est de 4,5 avec celui du Linuron et sera de 5,2 sans ce produit. « L’augmentation du nombre de substances actives va de pair avec celle des doses et des interventions pour aboutir à une même efficacité », commente François Villeneuve.

Table ronde d’expérimentateurs : ils ont dit

Stéphane Plas, Invenio

Les cultures Primeurs du Sud-ouest créent des conditions particulières avec des semis d’automne et d’hiver bâchés jusqu’en avril, et le développement de pâturin, stellaire et séneçon sans intervention possible après la pose du film de protection thermique. Nos objectifs sont donc de renforcer les moyens utilisables en PSPL pour se passer des spécialités de rattrapage et trouver une alternative au Linuron. Des essais sont en cours avec des spécialités homologuées ou encore en expérimentation. Ceux-ci montrent l’inefficacité des nouvelles molécules utilisées seules et une meilleure efficacité des mélanges triples.

Table ronde d’expérimentateurs : ils ont dit

Mickael Legrand, Unilet

Les problèmes d’enherbement en carotte industrie sont souvent liés à la présence de matricaire mais aussi de repousses de pomme de terre pour lesquelles nous sommes dans une impasse de solution chimique avec, comme seul recours, le désherbage mécanique. Nos préoccupations se portent aujourd’hui sur la morelle avec la disparition annoncée du Linuron. Les expérimentations en cours donnent de plus en plus de place au désherbage mécanique, jusqu’à 75 % des parcelles de jeunes carottes désherbées mécaniquement dans certaines OP, en le combinant avec le désherbage chimique, notamment en pré-levée sur le rang.

Table ronde d’expérimentateurs : ils ont dit

Bruno Pitrel, Sileban

En Normandie, les trois zones de production sont caractérisées par des sols différents et une flore adventice difficile à maîtriser comme le pâturin, le panic, la morelle ou la matricaire. S’y rajoute la problématique du souchet, plante invasive très difficile à juguler. Nos essais 2010-2015, représentant 162 modalités, ont porté sur deux tiers de programmes PSPL et un tiers de programmes PL. Un tiers de ces modalités testait le Métobromuron, substance active non encore homologuée.

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