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Agroforesterie dans le Gers
Le poulet et les arbres font bon ménage

Vincent Blagny a contracté le virus de la plantation depuis 1996. Après avoir abondamment planté ses parcours label rouge, il a décidé de faire pousser des arbres dans ses cultures

« Avec le coût croissant des énergies fossiles et des intrants, l’arbre peut retrouver sa place en agriculture » estime Alain Canet directeur d’Arbre et Paysage 32 et président de l’Association française d’agroforesterie (afaf).
« Avec le coût croissant des énergies fossiles et des intrants, l’arbre peut retrouver sa place en agriculture » estime Alain Canet directeur d’Arbre et Paysage 32 et président de l’Association française d’agroforesterie (afaf).
© x.cresp

 

 

 

 


Ferme céréalière de 110 ha de SAU située à Leboulin dans le Gers, l’exploitation de Vincent Blagny comporte une unité de production de poulets label rouge du Gers depuis 1995. Elle comprend deux poulaillers de 400 m2 construits en 1996 et deux autres datant de 1998. Lorsqu’ils se sont installés, Sylvie et Vincent souhaitaient développer une production qui apporte du revenu sans trop de surcroît de travail et sans bouleverser l’existant. Il importait également de ne pas dévaloriser l’environnement, corps de ferme et paysage, par des constructions disparates. Concernant la mise en place des parcours, Vincent Blagny souhaitait intégrer au mieux ses poulaillers dans l’environnement. Pierre Buffo, le directeur du groupement de producteurs Avigers, menait une démarche dans ce sens. À l’époque, Avigers préconisait déjà plus de plantations que celles qui ont été imposées en 2010 dans le cahier des charges label rouge (20 plants par parcours). À leur création, les parcours ont bénéficié des arbres et des arbustes existants. Ils ont été renforcés par la mise en place d’un kilomètre de haies et d’une cinquantaine de plants par parcours, avec de nouvelles essences (cormier, alisier, poirier franc, merisier, noyer).

 

 

Ne pas perdre son temps avec un espace vide


 

 

Les effets du parcours largement arboré se sont vite fait ressentir. Le bien être animal est incontestable, Vincent Blagny a toujours observé de meilleurs indices de consommation et une croissance plus élevée par rapport à d’autres élevages en parcours traditionnels, peu arborés. De plus, l’absorption des fientes par les plantations élimine le risque de surfertilisation organique des parcours.

Si une telle démarche ne semble pas encore systématique les arguments de Vincent sont convaincants. Son postulat de base est le suivant  : « on perd son temps à entretenir un parcours vide de volailles, et c’est une surface qui ne produit pas ! » . À la performance d’élevage améliorée, s’ajoute l’intérêt de développer un capital financier (valeur du bois ou des productions comme les noix) et transmissible à la génération suivante. S’ajoutent encore l’aspect esthétique et le plaisir à travailler dans un environnement agréable.

 


 

Redécouvrir l’agronomie avec l’agroforesterie

 


 

 

L’expérience concluante des parcours a incité Vincent à engager depuis cinq ans une démarche agronomique associant les arbres et les cultures.

Fixée sur des coteaux pentus, l’exploitation est composée de sols argilo-calcaires peu profonds, sensibles à l’érosion. Suite au remembrement (destruction de haies, suppressions de fossés…), celle-ci a été accentuée par le regroupement et le remodelage des parcelles. Il fallait tenter de remédier à ce phénomène, ainsi qu’aux effets négatifs des vents et à la fragilisation de l’écosystème. Comme pour ses parcours, Vincent Blagny a expérimenté dans quelle mesure une démarche agroforestière pouvait apporter une amélioration et même une plus-value. Depuis cinq ans, un vaste chantier de plantations de haies et d’arbres a été réalisé, sur les bordures de parcelles, comme en plein champ, avec pour premier objectif de limiter les sensibilités à l’érosion et au vent. « Je redécouvre l’agronomie, en m’engageant dans une démarche d’écologie, avec la limitation et l’optimisation maximale des intrants, avec des techniques culturales simplifiées».

 


 

Un bilan bénéfice risque déjà positif


 

 

Les résultats définitifs seront longs à obtenir car il faut compter avec les saisons et les variables de la Nature. Avec une érosion réduite, une meilleure protection du vent, les premiers résultats positifs se dessinent pourtant. Sur le long terme, d’autres impacts sont attendus comme l’augmentation du taux de la matière organique par la production des feuilles et des racines.

Les surfaces plantées (y compris les parcours) représentent 5% de la SAU. Vincent Blagny souhaite encore planter pour préparer l’avenir. En grandes cultures, des groupes agro-alimentaires envisagent des contrats de productions prenant en compte le respect environnemental et la biodiversité. En remettant « l’arbre champêtre » à sa place, les techniques ancestrales se révèlent finalement pleines d’avenir.

 

 

 

 

 


 

 

 

 


Cinq hectares de bois d’œuvre et des haies champêtres

 

Conseillé par Alain Canet, spécialiste de l’agroforesterie et directeur de l’association « Arbre et paysage 32 », l’agriculteur expérimente des solutions simples, alliant cultures industrielles (blé améliorant, blé dur, colza, tournesol) et respect environnemental. L’association assure le suivi technique sur trois ans et garantit la mise en place des plants.

La méthode reste très pragmatique. Des bandes enherbées de 10 m de large ont d’abord été réalisées en rupture de pente afin de tester s’il était judicieux d’y planter une haie. À l’issue des premiers tests, 2,5 kilomètres de haies champêtres ont été plantés. La bande enherbée a été rétrécie à 2 mètres pour limiter l’emprise. Chaque année, depuis 2007, un programme de plantation est élaboré. Il permet une montée en puissance progressive, sans provoquer de surcharge de travail.

De plus, une parcelle arbustive complète d’environ 5 ha a été créée. Composée avec des essences feuillues de bois d’œuvre (merisier, alisier, cormier, tilleul chêne, érable, poirier) elle est conduite en taille haute, chaque arbre planté tous les 5 mètres. Les lignes d’arbres sont espacées de 38 mètres afin de laisser un passage au pulvérisateur de 36 mètres. Compte tenu des essences sélectionnées, la valeur du « capital bois » n’est pas à sous-estimer.

 

 

 

Combien ça coute ?


Environ 17,5 euros par plant

 

D’après Emilie Bourgade, technicienne d’Arbre et Paysage 32, il faut compter environ 17,5 euros HT par arbre planté. Ce coût se répartit en 7 euros de fournitures (environ 2 euros de plant), 5,2 euros de travaux et 5,3 euros pour la gestion sur trois ans. « Pour les parcours de volailles (pintades en particulier), il est recommandé de renforcer la protection (grillage individuel avec 3 à 4 piquets), ce qui  alourdit le coût de 6 à 7  € » ajoute la technicienne. Les financeurs se basent sur un montant de 12,25 euros, considérant que les travaux sont pris en charge par l’agriculteur.

 

 


 

 

En savoir plus : www.agroforesterie.fr et www.arbre-et-paysage32.com

 

 

 

 

 


 

 

 

Cinq questions à Alain Canet, de l’association Arbre et Paysage 32

 

« L’agroforesterie : un champ d’action pour l’agriculture de demain »

 

Quelles sont les limites de l’agroforesterie ?

Elles sont difficiles à évaluer, tant ses possibilités de développement sont nombreuses. L’agroforesterie apporte des solutions techniques aux nouvelles orientations agricoles qui cherchent à optimiser les facteurs de productions (eau, sol, climat, carbone, biomasse, biodiversité) avec des applications à grande échelle. Le champ d’expérimentation est tellement vaste …

 

Les pommiers normands avec les vaches est-il un système agro forestier réussi ?

Oui. Ce cliché connu de tous peut convenir à la mémoire collective. On pourrait ajouter les parcours à volailles agroforestés. Ils sont aussi une bonne façon d’aborder de façon concrète les bienfaits de l’agroforesterie.

 

Est-il réaliste de penser associer arbres et cultures de rente ?

Non seulement c’est réaliste, mais cette technique va s’imposer avec les nouvelles données environnementales. Celles-ci ne sont pas simplement dictées par la volonté politique, mais aussi par une demande croissante de l’industrie agroalimentaire qui va en faire sa stratégie commerciale. Associer Nature et Production sans modifier le coût de production, sauf à le diminuer, risque d’être un enjeu marketing puissant. L’agroforesterie est une alternative intéressante pour se situer dans cet équilibre.

 

Est-ce une démarche basée sur des faits scientifiques ?

Les laboratoires Inra de Montpellier travaillent sur l’agroforesterie depuis ses débuts, développent des projets avec nous, et démontrent de plus en plus d’intérêt  pour  cette activité.

 

L’agroforesterie est-elle de plus en plus prise au sérieux ? Et pourquoi ?

Le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll a souhaité visiter des parcelles agro forestées lors de sa visite estivale à Marciac (1). Communiquer sur l’agroforesterie démontre non seulement sa prise au sérieux, mais l’intérêt que l’on lui porte aujourd’hui. On ne peut plus se passer d’une démarche qui n’associerait pas l’usage économique des terres et la prise en compte de l’urgence environnementale. L’agroforesterie permet de combiner plusieurs productions en fournissant de nombreux services  aux agriculteurs et à la collectivité. N’est-ce pas suffisant pour être pris au sérieux ?

 

Propos recueillis par Xavier Cresp

(1)  dans le cadre des manifestations agricoles et environnementales jointes au Festival de jazz de Marciac.

 

Un parcours marqué par la volaille

 

Issu d’une famille d’agriculteurs du Tarn et Garonne, dès son enfance Vincent Blagny a côtoyé l’élevage du poulet fermier, à l ‘époque avec transformation et vente à la ferme. Il s’est naturellement orienté vers des études agricoles, option productions animales, complétées par un certificat de spécialisation avicole au centre de formation de Ploufragan (22). En 1990, le jeune technicien devient responsable de la production des dindes fermières pour le groupe Bourgoin en Bretagne du nord (22 et 29). L’année de ses trente ans sera décisive. En 1995, l’opportunité de revenir vers sa région d’origine, lui est donnée par son épouse Sylvie, avec la reprise de l’exploitation agricole de ses beaux-parents, située aux portes d’Auch (Gers). Naturellement, la production de volailles label rouge du Gers y a été introduite dés 1996.

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