Truffe : « les études doivent être pilotées par les producteurs… »
LM : Vous avez obtenu un rendez-vous ce jeudi à Bruxelles avec la Commissaire européenne chargée de l’Agriculture, Mariann Fischer- Boel. Qu’allez-vous lui demander ?
Jean-Charles Savignac : Cette rencontre est l’aboutissement d’un long processus débuté en 2002-2003. Nous allons à Bruxelles afin de demander l’amélioration de l’efficacité des plantations en place, la création d’un label distinctif pour l’Europe, et la mise en place d’une prime d’aide à la plantation et d’attente. Il faut un an de préparation du terrain avant plantation puis attendre 10 ans avant les premières récoltes. Un financement annuel de 500 000 euros permettrait au CRETT (Consortium en réseau européen truffe et trufficulture) d’actualiser des axes de recherche-expérimentation à destinations des agriculteurs. Nous souhaitons également des études à but agricole, pilotés par les producteurs, et non par les chercheurs.
LM : Quelle est la situation de la truffe en France et en Europe ?
J-CH. S. :En un siècle, la France est passée de 1 000 t de truffes par an à environ 28 t. Le marché de la cueillette a quasiment disparu, aujourd’hui la majorité de la production se fait en pépinière. En France, le Sud-Est (Drôme, Vaucluse, Gard), le Sud-Ouest (Dordogne, Périgord, Lot) et le Centre Est (avec la truffe grise de Bourgogne) sont les régions les plus actives, avec des agriculteurs diversifiés. Chaque année, 400 000 plants sont consacrés à la truffe en France, et seuls 15 % d’une plantation donne des résultats, avec des récoltes qui varient selon la météorologie. Le marché est structurellement déficitaire avec toutefois de la truffe à 1 000 euros le kilo avant Noël. L’Europe ne produit plus que 60 t de truffes par an, dont plus de 20 t proviennent de France. Il nous faut progresser sur les méthodes de culture de la truffe et planter efficacement.
LM : Souffrez vous de la concurrence ?
J-CH. S. :La Chine produit 20 à 25 t de truffes (type Tuber indicum ou Tuber Himlayense) de qualité inférieure à la truffe noire (Melanosporum) ou autres truffes européennes (Italie, Espagne, Hongrie). On retrouve ces produits importés chez Metro, et les prix bas (19 euros le kg) encouragent certains restaurateurs à utiliser ces produits certes peu coûteux, mais sans aucun rapport gustatif avec la vraie truffe noire. Nous sommes conscients de l’impossibilité d’empêcher ces importations, mais nous souhaitons obtenir un label distinctif européen, pour guider le consommateur hors de ces leurres, tels les « arômes truffes » utilisés dans vrai flou juridique, et sauver cette exception culturelle, synonyme de qualité et d’activité économique riche.