Le paradoxe du café
Alors que George Clooney nous invite chaque jour à prendre avec lui un café expresso au prix unitaire exorbitant, les passionnés d’histoire et d’économie agricole plongeront avec délectation dans « Le paradoxe du café », mise à jour récente d’un ouvrage de référence publié en 2005 en langue anglaise. Disons le tout de suite : la lecture de ce livre à la tonalité très universitaire, bourré de notes et de renvois, est parfois très ardue, en particulier les chapitres théoriques consacrés au commerce des produits agricoles et au développement. Aussi vaut-il mieux, si l’on est non-initié, se diriger directement vers les sections consacrées au destin extraordinaire de cette fève originellement cultivée dans les îles (en particulier à Haïti). Une petite histoire qui croise la grande, celle de la colonisation, de l’esclavage, du développement économique des pays d’Amérique du Sud et d’Afrique mais aussi celle du choc entre sociétés multinationales et producteurs des pays du sud. Une histoire paradoxale, donc, qui voient les producteurs ne jamais toucher les bénéfices de l’engouement pour le café des pays consommateurs, où les prix des produits marketés ne cessent, eux, de progresser. La faute à la surproduction chronique du secteur, à son importante concentration (trois groupes contrôlent 45 % du commerce mondial et deux torréfacteurs -Nestlé et Philipp Morris- disposent de 49 % de parts de marché du café torréfié et instantané) et à la part croissante prise par la valeur ajoutée symbolique et par les services, ce dont atteste le succès d’une chaîne comme Starbucks. Les auteurs décortiquent comme des cerises de café les mécanismes de cette économie, ses forces, ses travers ; étudient l’émergence de nouvelles filières plus courtes et plus « durable », comme le « café d’ombre » œuvrant pour la conservation du couvert forestier ; et estiment les chances de succès des appellations d’origine. Inutile de préciser que leurs perspectives d’avenir, très étayées, ne doivent rien au marc de café.
Le paradoxe du café Benoît Daviron et Stefano Ponte Editions Quae 360 pages, Prix TTC : 25 euros