Le kiwi de l’Adour : le dossier IGP passe au vert
Le kiwi de l’Adour mettait déjà en avant une qualité supérieure. Aujourd’hui, il peut la lier à l’origine. Cette reconnaissance a traîné en longueur. Pourtant la région des Gaves et de l’Adour s’enorgueillit d’être le berceau du kiwi européen qu’Henri Pédelucq a su y acclimater, suivi par des producteurs de plus en plus nombreux et spécialisés (environ 350 aujourd’hui).
Les atouts du bassin de l’Adour sont multiples : un microclimat idéal, ni trop chaud, ni trop froid, avec des arrière-saisons ensoleillées, le savoir-faire de pionniers de l’introduction de la plante en France, l’absence de tout traitement en végétation et en stockage. La zone s’étend sur une quinzaine de km de rayon autour de l’Adour, en tout moins d’un millier d’hectares, à cheval sur les Landes et les Pyrénées-Atlantiques.
1990, âge d’or du kiwi : les producteurs du bassin de l’Adour obtiennent le Label Rouge, un signe de qualité rare dans le secteur des fruits et légumes. La crise de 1992-1993 met un coup d’arrêt à la démarche collective. Sur fond de crise de la vache folle, la relance du label 35-90 est engagée en décembre 1996, avec la création de l’Association de promotion des kiwis des pays de l’Adour. L’organisme certificateur Qualisud accompagne la démarche.
En octobre 1999, l’association dépose une demande d’IGP et obtient l’avis favorable de l’Inao en décembre 2002. Elle obtient la CCP Kiwi de l’Adour en août 2006, « le préalable à l’obtention de l’IGP Kiwi de l’Adour, en cours d’examen à Bruxelles », rappelait alors Pierre Lesparre, chargé de mission qualité à la chambre d’agriculture des Landes.
« Ce dossier a vu passer trois présidents », souligne Jean-Marc Poigt, actuel président de l’Association de promotion des kiwis des pays de l’Adour.
Si la reconnaissance européenne n’est intervenue qu’en mai 2009, les premiers tests grandeur nature et le lancement auprès de la distribution remontent à 1998. Le message n’a pas changé : un fruit récolté à maturité optimale, sain et savoureux. Simplement, les producteurs insistent sur la mise en avant de la zone de production : le pays d’Orthe, la région des Gaves et de l’Adour.
Un positionnement haut de gamme
Avec le Label Rouge, les producteurs avaient communiqué sur un kiwi sain, garanti sans traitement, plus sucré, de qualité gustative supérieure, très nettement préféré par les consommateurs. Les premiers tests, il y a plus de 10 ans, avaient mis en évidence des notes supérieures au produit standard sous tous les aspects, avec des seuils de signification élevés. Ces caractéristiques « résultent d’une récolte tardive à maturité du fruit, ce qui permet un développement optimal des qualités gustatives des kiwis (chargement en sucre ou en minéraux, sur l’arbre, etc. ), et une très bonne tenue à la longue conservation des fruits en frigo ».
Comme le Label Rouge, le produit sous IGP constitue une référence complémentaire, sur un positionnement de haut de gamme. Pour le kiwi de l’Adour, on évoque souvent le chiffre de 10 % de différentiel de prix par rapport au kiwi standard.
Alors que le Label Rouge n’était sélectionné que sur la catégorie extra, le produit IGP concerne les fruits jusqu’à 75 g. La commercialisation peut commencer lorsque le taux de sucre est à 12° (9,5 pour le kiwi standard). Pour mettre l’accent sur la maturité, élément de différenciation stratégique pour cette production.
« Aujourd’hui, l’IGP Kiwi de l’Adour a un potentiel de 5 à 6000 t – déjà en production sous cahier des charges de l’IGP – sur les 20 000 t produites sur la zone géographique délimitée », évalue Jean-Marc Poigt. Les six entreprises adhérentes à l’ODG rassemblent 90 % de la production de la zone. « Nous avons donc les volumes nécessaires pour éventuellement faire une grosse opération de lancement. Mais le marché et les orientations de la grande distribution commanderont ».
Une IGP qui tombe à pic
« Cette reconnaissance arrive véritablement au meilleur moment,explique Jean-Marc Poigt. Autant le kiwi était particulièrement bien organisé au plan mondial, autant beaucoup de choses bougent en 2009 ». Il évoque la crise financière qui tire les coûts du fret maritime à la baisse. « Quand les premiers bateaux ont quitté la Nouvelle-Zélande cette année, au lieu des 5 000 à 6000 palettes de kiwi habituelles, ils en transportaient jusqu’à 26 000 ». Tout est déstabilisé et cette offre importante pourrait entraîner une chute des prix. Face au colosse néozélandais Zespri, « qui a franchisé en Italie, en Espagne, a des vues sur notre territoire et fait signer des engagements aux acheteurs », les motifs d’inquiétude ne manquent pas dans la zone de l’Adour.
La disparition de certains grossistes, une grande distribution « qui se pose beaucoup de questions, tout ça va bouger des lignes ». Jean-Marc Poigt observe qu’il est rentré 6 000 tonnes supplémentaires de kiwis italiens, « du premier prix. Et cela, nous, nous ne savons pas faire. Nos producteurs sont habitués à faire de la qualité avec des coûts de production beaucoup plus élevés que les leurs ».
Face aux risques « d’appropriation de nos territoires par une marque étrangère » ou par des MDD auxquelles « on ne peut pas se permettre d’abandonner le nom de nos produits », les producteurs de kiwis de l’Adour veulent jouer la carte du partenariat avec la grande distribution « pour remettre les choses à leur place ».
Sur les marchés d’exportation où le Label Rouge est peu reconnu, l’IGP est un atout. Mais, regrette Jean-Marc Poigt, la situation change : l’Espagne, qui représentait le premier marché du kiwi de la zone Adour, est un marché qui s’est effrité en trois ans, en partie à cause d’une crise ibérique mémorable et surtout à cause des contrats d’exclusivité Zespri avec du kiwi italien.