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« Il n’y a pas de réflexion stratégique en agriculture »

La cherté des matières premières provoque des troubles dans les pays pauvres ou en voie de développement. Quelles sont les perspectives d’évolution de la situation agricole et alimentaire mondiale dans les mois et années à venir ? L’opinion de Jacques Le Cacheux, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Professeur des Universités à l’Université de Pau et des Pays de l'Adour, Faculté de droit, d'économie et de gestion

Les Marchés : Comment va évoluer selon vous le prix des céréales dans les prochaines années ?

Jacques Le Cacheux : La situation est relativement tendue et il existe beaucoup d’incertitudes à long terme, les problèmes climatiques notamment. Mais la demande est toujours très soutenue, les éléments du dynamisme sont là, qu’ils soient démographiques liés au développement économique tiré par la Chine et l’Asie, sans parler même des biocarburants. Ce que nous avons du mal à prévoir, c’est l’élasticité de l’offre, et tout dépendra de ce facteur. Nous avons une marge en Europe par le jeu de la substitution des productions. Certaines régions mixtes, grandes cultures/élevage seront peut-être tentées de délaisser l’élevage au profit des céréales. Mais c’est limité. Par contre, au Brésil et dans certaines autres régions du monde, il existe une offre de terres agricoles non négligeable. Reste aussi à prendre en compte le facteur prix du fret.

LM : L’Europe vous semble-t-elle préparée à ces évolutions ?

Jacques Cacheux : Nous connaissons une situation curieuse où toutes les productions agricoles voient leurs prix augmenter parce que l’offre est faible. Mais que fait-on pour modifier cette situation ? Rien. On a l’impression que l’Europe est dans cette logique qu’Henri Mendras appelait la « politique du chien crevé au fil de l’eau ». Personne n’a de réflexion stratégique sur l’agriculture et sa politique. Dans le même temps, un pays comme les Etats-Unis qui utilisent l’arme alimentaire ne va pas s’arrêter en si bon chemin. En Europe, nous faisons les frais d’une politique malthusienne en matière d’élevage, ce qui nous conduira à importer plus de viande si on laisse les choses en l’état. Si l’on va vers plus de libéralisation, l’Europe sera en situation de dépendance assez forte, notamment pour les protéines.

LM : Est-ce là, comme on le dit souvent, une sanction de la logique « ultra-libérale » déployée ces dernières années ?

Jacques Cacheux : La logique « court-termiste », purement spéculative, est relativement nouvelle pour les matières premières agricoles. Mais je ne suis pas sûr que cela change énormément les choses. Cela peut perturber, à court terme, oui, et impliquer une variablité plus forte, mais nous sommes dans un secteur ou la décison de produire ou non n’est pas directement influencée par le court terme. Mais je suis absolument convaincu que c’est une hérésie de compter sur le marché pour réguler les marchés de produits agricoles. Il faudrait pouvoir compter sur un minimum de planification, de donner des éléments de régulation.

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