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«L’automatisation en élevage laitier n’en est qu’à ses débuts»

Selon Stéphane Charles, ex-dirigeant de Lely(1) et expert auprès d’organismes officiels, l’automatisation devrait, dans les quinze prochaines années, gagner de multiples domaines. De nombreuses recherches sont en cours.

« LE FREIN PRINCIPAL
À L’AUTOMATISATION n’est
pas le coût ; c’est plus
un problème d’acceptation »,
affirme Stéphane Charles.
« LE FREIN PRINCIPAL
À L’AUTOMATISATION n’est
pas le coût ; c’est plus
un problème d’acceptation »,
affirme Stéphane Charles.
© D. Reserve

■ Vous affirmez que l’automatisation va se développer très vite dans les élevages. Pourquoi ?

Stéphane Charles - La production laitière française va augmenter de façon considérable parce que la demande sera forte, et la taille des élevages également. D’ici quinze ans, elle devrait en moyenne se situer autour d’un million de litres, j’en suis persuadé. L’automatisation permettra de produire ce volume de façon humainement viable - les éleveurs aspirent à mener une vie « normale », et de façon rentable - la main-d’oeuvre coûte cher.

Derrière l’automatisation, il y a un enjeu de compétitivité pour la France : l’automatisation est une chance pour repartir sur une base plus dynamique. Elle n’en est qu’à ses débuts. Je suis convaincu qu’à moyen et long terme, elle se développera dans de multiples domaines. D’autres solutions que les robots de traite commencent d’ailleurs à apparaitre. Tout va aller beaucoup plus vite compte tenu de l’expérience que les robots de traite ont permis d’accumuler: des progrès énormes ont été réalisés sur les capteurs, les logiciels peuvent être adaptés à de nouvelles problématiques…

■ Quels domaines vont être automatisés ?

S. T. - Les premiers robots d’alimentation sont apparus il y a deux -trois ans : ils vont se développer dans les élevages, dès 100 vaches. Énormément de solutions sont actuellement à l’étude. Ces robots feront demain beaucoup plus de choses. On s’oriente vers l’individualisation de l’alimentation pour tirer le meilleur parti de la génétique. Un des enjeux importants de ces robots sera la sécurité. Aujourd’hui, ils se déplacent sur des chemins très balisés, demain quand les machines iront se charger à un silo situé à 150 mètres, la sécurité devra être parfaite.

L’automatisation du nettoyage des logettes devrait être opérationnelle d’ici cinq ans. On devrait disposer également, au grand maximum dans 4-5 ans, de robots racleurs pour les sols pleins (ils existent pour les caillebotis). Il reste à régler quelques difficultés (patinage, sécurité, capteurs sur les chemins, intervention ou non du robot, perte d’énergie…).

D’ici une dizaine d’années, nous aurons certainement aussi des robots pour gérer le pâturage, même si la première tentative n’a pas été concluante. Les Australiens et les Néo-zélandais, pour qui l’enjeu est très important, y travaillent. Ces robots assureront la gestion des clôtures, l’observation de la pousse de l’herbe, la fréquentation des animaux, le repérage des zones où les vaches ne veulent pas pâturer, etc., et toutes ces données seront transmises et analysées par un ordinateur central.

Quant aux drones, ils sont déjà utilisés en grandes cultures ; il n’y a pas de raison pour qu’ils n’arrivent pas en élevage pour surveiller les vaches au pâturage ou dans les bâtiments.

L’automatisation se développera au niveau de la climatisation des bâtiments (comme en porcs), mais aussi pour la collecte du lait pour avoir un suivi très précis. Les transformateurs sont demandeurs. Des réflexions sont actuellement menées autour de la réfrigération, et sur une première transformation du lait à la ferme.

Tous les outils de détection des chaleurs, de surveillance de la santé et d’analyse du lait sont également appelés à se développer, ainsi que leur pilotage à distance, et le benchmarking (analyse comparative en continu).

■ Comment voyez-vous l’avenir de l’automatisation de la traite ?

S. T. - Aujourd’hui, le nombre de robots de traite installés en France se situe autour de 6 000 stalles pour 4 000 élevages, ce qui est très faible comparé au Danemark (près de 30 % d’élevages robotisés) ou aux Pays-Bas. Si on se base sur les ventes actuelles (1000 stalles par an) en tablant sur une augmentation des ventes de 10% tous les ans, l’automatisation de la traite devrait concerner 70-80 % des élevages dans quinze ans.

Les robots vont évoluer énormément. Ils vont être capables d’analyser de plus en plus de données. Il ne faut surtout pas se limiter à ce qui existe. Le champ d’investigation est loin d’avoir été complètement visité. On peut aller jusqu’à imaginer des robots qui fassent des injections, des inséminations ou posent des bolus; techniquement ce n’est pas impossible. Des recherches sont en cours sur des petits robots qui se déplacent pour aller traire: des brevets sont déjà déposés.

Les salles de traite automatisées vont aussi probablement se développer. Des recherches menées en Nouvelle-Zélande et en Israël laissent entrevoir des solutions plus simples et moins coûteuses que celles que l’on connaît aujourd’hui. Elles sont une solution intéressante pour les élevages de 300-400 vaches qui vont se développer en nombre assez important en France. Elles peuvent fonctionner trois fois par jour avec une personne qui surveille, en levant la contrainte de la pose des griffes. L’avantage par rapport au robot est de ne pas devoir être disponible 24 h sur 24 ; même si les alertes nocturnes sont très rares, elles sont une épée de Damoclès au-dessus de la tête des éleveurs.

■ Tout cela sera freiné par le coût ?

S. T. - Je ne pense pas que le coût soit réellement un problème. Soit l’automate trouve sa place dans le modèle économique de l’exploitation, soit il ne voit pas le jour : les recherches sont faites autour d’un cahier des charges. Si un robot racleur arrive sur le marché à 12-13- 15 000 euros, même s’il est un peu plus cher qu’un racleur à chaîne ou à cable, s’il évite des infrastructures, des dépenses en énergie…, il trouvera sa place.

Le principal frein est plus d’ordre psychologique : c’est plus un problème d’acceptation. On l’a vu avec le robot de traite : les débuts ont été difficiles. Mon inquiétude, c’est que peu d’entreprises françaises font des recherches sur l’automatisation. Le risque est pour notre compétitivité si l’automatisation arrive avec un temps de retard sur le marché français.

(1) Directeur général Lely France et membre du conseil d’administration Lely jusque fin 2013.

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