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Le Grand Ouest ambitionne de devenir la « Milk Valley » européenne

Donner de la valeur ajoutée aux produits laitiers issus du Grand Ouest via les protéines laitières : tel est l’objectif de l’ambitieux projet Profil annoncé au Space en septembre 2013.

Technologie à membrane de filtration pour le fractionnement des protéines du lait.
Technologie à membrane de filtration pour le fractionnement des protéines du lait.
© STLO

Les protéines laitières sont loin d’avoir livré tout leur potentiel. À en croire les chercheurs et les industriels, elles sont à même de remplacer la plupart des additifs dans les produits laitiers, mais aussi de générer de nouveaux produits aux textures et propriétés culinaires inédites. Ces perspectives séduisantes sont à portée de main, affirment-ils, à condition de capitaliser la masse de connaissances accumulées par les laboratoires de recherche et de raccourcir le délai entre les résultats de cette recherche fondamentale et leurs applications industrielles.

Les laboratoires de recherche et les industriels laitiers du Grand Ouest ont donc décidé d’unir leurs forces dans un projet baptisé Profil (Protéines fonctionnalisées pour l’industrie laitière) qui a été présenté en septembre dernier au Space. La filière laitière du Grand Ouest affiche clairement, avec ce projet, l’ambition d’être à la pointe de l’innovation laitière européenne. Bref, de devenir, à l’instar de la Silicon Valley en Californie, la « Milk Valley » européenne. Ce sera pour elle le moyen de se démarquer sur le marché mondial et de profiter du développement exponentiel du marché des ingrédients laitiers, un marché à très forte valeur ajoutée. Profil est la première pierre de l’édifice, d’autres projets devraient voir le jour dans la « Milk Valley ».


Un projet porté par les industriels laitiers et la recherche publique

Le projet Profil a donc pour but d’exploiter les propriétés multifonctionnelles des protéines laitières. Il est porté par BBA, une association regroupant des industriels laitiers présents dans l’Ouest représentant 80 % de la collecte française(1), et la recherche publique(2). La coordination scientifique est assurée par l’Inra. D’une durée de six ans, son coût total est de 18 millions d’euros. Il est financé à hauteur de 8 millions d’euros par les partenaires industriels, et à hauteur de 10 millions d’euros par la recherche publique qui bénéficie pour ce projet d’une subvention de 4,3 millions d’euros des régions Bretagne et Pays de la Loire.

« Profil repose sur la création d’une plate-forme pilote qui permettra d’élaborer des itinéraires de fabrication des assemblages protéiques, a expliqué Joëlle Leonil, coordinatrice scientifique du projet (et directrice de l’UMR STLO-Inra). Les fonctionnalités sur lesquelles travailleront les chercheurs répondront à quatre types de problématiques ciblées par les industriels : antifongique (pour assurer la bonne conservation des produits), vectorisante (pour le transport de molécules d’intérêt comme les arômes), texturante (pour intervenir sur la consistance), et émul-sifiante/moussante. »

Construire des assemblages protéiques de taille et de forme différentes (filamenteux, fibrillaire…), les chercheurs savent le faire. « Il reste à maîtriser ces assemblages dans des matrices complexes (fromage, crème dessert…) : le plus difficile est de les stabiliser/déstabiliser en jouant sur la température, la pression, la concentration, le pH, etc., pour qu’ils soient fonctionnels (mono ou multifonctionnels). Nous avons des pistes ; les résultats sont prometteurs. Nous aurons des appplications à court et moyen terme », lance avec enthousiasme Joëlle Léonil.


Des produits 100 % lait sans additifs et des produits complètement nouveaux

Côté industriels, on mise aussi beaucoup sur ce projet de recherche fédérateur. « L’objectif est de créer de la valeur ajoutée », affirme Luc Castillo, président du comité scientifique de BBA (et directeur recherche et développement Sodiaal et Entremont). Avec à la clé pour les producteurs des retombées en terme de prix du lait qui contribueront à « rendre le métier attractif » face à la concurrence des céréales et de la viande. « Nous voulons que nos produits deviennent plus compétitifs que les produits concurrents avec en toile de fond du « clean label » (zéro additifs industriels) et des produits 100 % lait. Nous voulons aussi avec ce projet trouver de nouvelles circonstances de consommation et créer de nouveaux produits. » Tous les industriels de l’association BBA y vont avec conviction. « Chacun a des intérêts personnels à développer les quatre axes de fonctionnalité. »


Des promesses de retombées sur le prix du lait

Mais pourquoi limiter ce projet, capable de tirer toute la filière française vers le haut, au Grand Ouest ? Et pourquoi ne pas y avoir associé les producteurs ? Ce n’est pas une volonté délibérée, affirment les différents partenaires. Le chemin pour aboutir à ce projet a été un vrai parcours du combattant. « Nous avions, au départ, déposé un projet multifilières dans le cadre d’un appel d’offre d’Etat qui a été refusé, explique Jean-Luc Millécamps, délégué général du pôle agronomique Ouest. Le projet a été recentré sur la filière laitière à la demande de l’État. Les producteurs laitiers (et les industriels laitiers) ont alors été sollicités mais le délai de réponse était extrêmement court ; nous avons retenu le projet le plus abouti. Il a lui aussi été rejeté. Ce sont finalement les régions Bretagne et Pays de la Loire qui ont débloqué la situation en prenant en charge financièrement la part de l’État. »


« Notre intention est de travailler aussi avec la production »

Au-delà de la problématique laitière, c’est l’avenir de leurs régions que les deux conseils régionaux veulent assurer en s’engageant dans ce projet. « Le lait reste le socle principal de l’agriculture en Bretagne. Nous savons qu’il y aura des fermetures de laiteries et arrêts de production dans d’autres régions ; ce lait se reportera sur l’industrie de l’Ouest. Il est important de savoir ce que l’on fera de ce lait », argumente Michel Morin, vice-président du Conseil régional de Bretagne.
Reste que la porte n’est pas définitivement close pour les entreprises des autres régions et pour les éleveurs. « Nous allons créer des comités d’intérêt. Les entreprises qui le souhaitent, qu’elles soient ou non de la filière laitière, auront par ce biais accès à nos travaux, rassure Joëlle Léonil. Et notre intention est bien de travailler de l’aval jusqu’à la production. Il a fallu faire vite pour être dans le temps de la recherche face à la compétition internationale sur la fonctionnalisation ; on ne pouvait pas attendre. D’autres projets, notamment avec la production, suivront. »

(1) Sodiaal, Bongrain, Lactalis, Coopérative d’Isigny, Bell, Sill, Maîtres laitiers du Cotentin, Laïta, Laiterie de Montaigu et CF&R.
(2) Inra, Agocampus Ouest, Oniris, Universités, Actalia…

Des atouts par rapport aux protéines végétales

L’un des objectifs du projet Profil est aussi de faire face à la concurrence protéique des protéines végétales.
« Les protéines laitières offrent beaucoup d’avantages concurrentiels, affirme Joëlle Léonil, coordonnatrice du projet. Elles sont supérieures par leur valeur nutritionnelle grâce à la présence d’acides aminés indispensables et l’absence de facteurs antitrypsiques
(que l’on trouve dans les protéines végétales et qui ont un impact sur la digestion). Leurs fonctionnalités sont plus faciles à extraire. Et nous connaissons bien leur structure,
ce qui permet plus facilement de conceptualiser. »

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