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Raisin - AOP Muscat du Ventoux
Des ambitions entravées par un manque de moyens

Retour avec René Reynard sur le parcours – parfois délicat – de l’AOC-AOP Muscat du Ventoux.

En août 1997, le Muscat de Hambourg planté dans le piémont du Ventoux recevait ses trois lettres de noblesse : l’AOC. « Cette reconnaissance, explique René Reynard, président du Syndicat de défense des raisins du Mont Ventoux, nous l’avons construite avec les producteurs car le Muscat était la variété dominante dans le Ventoux. La route a été longue puisque nous avons monté le premier dossier dès 1989, retoqué en 1992. L’objectif était une reconnaissance et une protection d’un produit de qualité. Le but a été atteint en 1997 avec l’AOC et dépassé en 1999 avec la reconnaissance de l’UE en AOP. Mais avec le temps, l’objectif est resté le même : faire reconnaître le Muscat dans son territoire. » L’AOP Muscat du Ventoux est cultivé sur un terroir bénéficiant d’un ensoleillement exceptionnel au pied du Mont Ventoux, constitué de coteaux d’altitude supérieure à 200 m. La zone s’étend sur une superficie de 1 200 ha et cinquante-six communes couvrant la plaine du Comtat et la Vallée du Calavon. Deux cent cinquante producteurs ont la possibilité de revendiquer l’AOP en déclarant leurs parcelles avant la récolte.

Un cahier des charges de production très strict
Les vendanges ne peuvent pas commencer avant que l’indice de maturité ait atteint un minimum de 18° Brix. Le cépage doit être uniquement du Muscat de Hambourg. La taille, la densité de plantation et l’irrigation sont également contrôlées. Les grappes doivent peser au minimum 250 g, avoir un taux de sucre de 169,3 g/litre et être bien formées avec des baies libres, d’une coloration bleutée et une pruine intacte (une petite couche de cire que le fruit secrète naturellement pour se protéger du soleil et qui constitue un gage de fraîcheur). Le tri se fait directement à la cueillette. Les grappes sont ciselées (les mauvais grains sont enlevés aux ciseaux) puis disposées dans des barquettes et plateaux portant le logo AOP Muscat du Ventoux, ainsi que le numéro d’identification du producteur. En général, la récolte se déroule de fin août à mi-novembre, mais la commercialisation peut se prolonger avec les techniques de longue conservation. Grâce à une expérimentation dynamique, les raisins du Ventoux – dont le Muscat – sont produits en protection fruitière intégrée. « La PFI est définie comme une production économique de fruits de haute qualité donnant priorité à des méthodes écologiquement plus sûres minimisant l’utilisation et les effets indésirables des produits agro-pharmaceutiques et visant à l’amélioration de la protection de l’environnement et de la santé humaine. »

En 1997, création de la marque “AOC Muscat du Ventoux”
Historiquement, le Muscat était vendu sous la marque “Muscat du Ventoux” tombée naturellement avec l’attribution de l’AOC. Dès lors le produit a été vendu sous la marque “AOC Muscat du Ventoux” déposée à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Un virage douloureux à franchir. « Nous vendions 12 000 t de Muscat du Ventoux. Mais il y a eu un frein au niveau commercial de la part des enseignes. L’une par exemple écoulait 1 500 t de Muscat puis est passée à 120 t d’AOC Muscat. Une autre a préféré vendre du Muscat sous sa propre MDD, avec un cahier des charges copie conforme de celui de l’AOC. Nous visions la continuité mais cela n’a pas été le cas. » Un échec ? « Non, à l’époque si l’on voulait vendre mieux, il fallait faire un produit d’origine. Actuellement, nous produisons entre 1 500 et 2 000 t de Muscat sous AOC. Cela représente 20 % de la production, un niveau identique pour les sept fruits* (hors olives) sous AOC ou AOP. »
Il y a cinq ans, à l’occasion du dixième anniversaire de l’AOC, René Reynard posait déjà la question : « Y a-t-il des démarches via l’interprofession qui puissent nous aider à parvenir à cet objectif ? ». D’où la réponse d’Alain Berger, alors directeur d’Interfel : « La vraie valeur du produit, ses spécificités, les enjeux environnementaux ne sont pas reconnus par le consommateur, par manque de lisibilité ou d’accessibilité. C’est du rôle de l’Interprofession de communiquer pour faire reconnaître ses atouts. »
A l’époque, l’argument massue était le développement de la barquette, outil salvateur de la filière et que l’AOC Muscat du Ventoux n’a pas hésité à mettre en circulation. « Pour développer les ventes, indiquait alors Bernard Bruyère, représentant de la FCD, il convient de procéder avec ménagement, par exemple en développant la barquette. Car le pré-emballé peut se décliner sous MDD ou sous appellation et la barquette est un moyen d’augmenter le facing. » Et de la barquette carrée aux dix spécimens/carton lancés l’an dernier, le Muscat AOP a incontestablement appliqué les conseils de la distribution, recommandations suivies par les GMS elles-mêmes « avec des résultats très hétérogènes », indique René Reynard. Si donc il y a eu des hésitations au niveau des distributeurs, il y en a eu également au niveau de la production.

« Il n’y a jamais d’invendus en AOC Muscat »
« Nous partîmes nombreux, mais arrivés, nous l’étions moins, commente René Reynard. Depuis quinze ans, nous assistons à la diminution de la population agricole et à la perte d’exploitations qui ne sont pas reprises. C’est une des raisons qui font que le potentiel d’AOC n’augmente pas. De plus, il faut prendre en considération l’AOC qu’à partir du moment où les lots sont vendus. Il n’y a jamais d’invendus en AOC Muscat. » Mais d’autres aléas sont venus contrarier la production. « La réforme des AOC, explique Louis Bonnet, consultant, nous touche aussi car on nous a appliqué les mêmes méthodes et contraintes que pour le vin. Après la réforme, des charges supplémentaires sont apparues : contrôles des habilitations, contrôles des parcelles, etc. Pour les grandes AOC, ce sont des charges fixes. Pour les petites AOC, ce sont des charges très lourdes. C’est ce qui fait que les petits producteurs de Muscat préfèrent rester sur du générique plutôt que de proposer de l’AOC. Indéniablement, la lourdeur de charges nous a fait perdre des adhérents. »
L’argument est repris par René Reynard : « S’il est une chose qui reste perfectible, c’est la simplification administrative qui n’en a que le nom et qui, au contraire, se complique toujours plus. Au début les contrôles effectués par l’INAO étaient gratuits. Aujourd’hui, nous devons faire appel à des bureaux extérieurs qui facturent leurs prestations. Elles sont très onéreuses et ne changent rien au produit fini. En revanche, ces charges supplémentaires pèsent considérablement sur les producteurs. Et au final, le Muscat de 2012 présente les mêmes qualités que celui de 1997. La différence, c’est que l’argent investi dans ces contrôles a été pris sur les budgets qui auraient pu être dédiés à la communication. »

Les aides à la rénovation du verger boostent les plantations
De fait, la promotion collective avec le Chasselas, qui entrait dans le cadre d’un programme Leader +, est terminée, et le programme européen fraise, asperge, kiwi, raisin de table renvoyé aux calendes grecques. Néanmoins, René Reynard considère que l’aide à la rénovation du verger est un point très positif : « En France, 80 % des nouvelles plantations sont réalisées avec du Muscat de Hambourg. Je suis persuadé que les aides à la rénovation du verger vont booster les plantations puisque les producteurs peuvent en bénéficier. La Région, qui est susceptible d’apporter un complément d’aides en cours de négociation, doit considérer le produit à sa juste valeur et apporter un soutien efficace. S’il n’y a pas de sérieux coup de fouet pour l’AOC, l’appellation peut en souffrir car on ne fait pas du bon raisin de table avec de vieilles vignes. Il nous faut de nouvelles plantations avec des vignes vigoureuses, à fort potentiel qualitatif et répondant aux critères du cahier des charges en termes de grosseur de grains, aspect de la grappe, couleur des baies, etc. » Si le constat est en demi-teinte, René Reynard fomente encore des projets pour l’appellation : « La première ambition est que le commerce puisse développer les ventes et que nous trouvions des débouchés pour l’AOC. Ce serait un ballon d’oxygène pour la production, qui pourrait devenir une montgolfière. Mon second souhait, c’est que l’AOC soit reconnue sur son territoire, par le consommateur mais aussi par les instances professionnelles agricoles du département. »

* Chasselas de Moissac, Figue de Solliès, Muscat du Ventoux, Noix de Grenoble, Noix du Perigord, Pomme du Limousin, Châtaigne d’Ardèche.

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