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Melon - Vendée
La gestion de l’eau avec le melon de Vix

L’EARL Le Bas du Moulin dirigée par la famille Chabirand cultive du melon depuis seulement six ans. Elle a d’emblée opté pour une culture sans irrigation et une conduite avec le moins d’intrants possible.

Sur les parcelles de melons de l’exploitation de Sébastien et Mathieu Chabirand, la terre est noire, très argileuse (60 %), très riche en matière organique (5 %) et très profonde (200 mm de réserve utile (1)), une caractéristique des sols du marais poitevin. Basés à Vix en Vendée, les deux frères perpétuent, tout en la modernisant, la culture que pratiquait la centaine de Vizerons du XIXe siècle. Ils commercialisaient déjà leurs melons à des négociants de La Rochelle mais aussi aux Halles de Paris grâce au nouveau moyen de locomotion de l’époque qui était le train. La production de melons à l’EARL Le Bas du Moulin ne date pourtant que de six ans au moment où Sébastien, spécialiste de l’économie agricole financière, a rejoint son père Jean-Louis. Avec Mathieu venu remplacé ce dernier après des études d’économie et un master à l’Esa (Ecole supérieure d’agriculture d’Angers), l’activité s’est rapidement développée. De 5 ha en 2006, le melon est cultivé aujourd’hui sur 30 ha, soit le quart des surfaces de l’exploitation. « Nous cherchons à produire du melon de qualité et de façon artisanale », insistent les deux frères qui se sont inspirés de l’expérience acquise au cours de leurs nombreux voyages, de l’Australie en passant par les Etats-Unis, l’Europe centrale et l’Amérique du Sud. Membres de Farre, Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, depuis 2008, ils pratiquent un mode de culture où les intrants sont réduits au minimum et l’agronomie est au centre de leur préoccupation : « Nous n’avons jamais investi dans l’irrigation. Sans apport d’eau au cours de la saison implique un système de production particulier qui n’est pas forcément transposable. Cela ne serait pas possible dans des terres moins riches et moins profondes. » A l’heure où le manque d’eau se fait sentir dans de nombreuses régions françaises, le challenge de produire sans irrigation peut être un défi que les deux frères relèvent sans inquiétude démesurée. En cette mi-avril, il manque environ 40 mm d’eau au melon pour satisfaire ses besoins alors que l’observatoire départemental de l’eau de Vendée annonce un déficit de 70 % par rapport à la normale. « Nos objectifs de rendement ne dépassent pas les 20 t/ha. A la récolte, les fruits sont plus denses mais de plus petits calibres. Nous offrons plus souvent des plateaux de quinze à douze melons que onze à neuf melons. »

Une culture sans irrigation
Pour se soustraire de l’irrigation, les deux frères soignent particulièrement la structure de leur sol. Ils pratiquent souvent ce que l’on appelle un sous-solage, c’est-à-dire une restructuration du sol sans le retournement en surface et ce juste avant le labour. Cette technique favorise l’enracinement. Les racines ne rencontrent alors guère d’obstacles pour puiser dans ce sol très profond, riche en matière organique et très humide. En cas de sécheresse, les plants de melon s’alimentent grâce à leur système racinaire développé en profondeur : « Il y a quelques années, s’étonne encore le père Jean-Louis, nous avons réalisé un profil dans le sol. Nous nous sommes aperçus que les racines colonisaient jusqu’à 1 m, voire 1,20 m, de profondeur. »
Normalement l’irrigation est nécessaire au melon, surtout pour un plant encore faible et incapable de puiser dans les réserves du sol. Un apport d’eau est donc effectué à l’implantation à raison de 0,5 litre d’eau pour chaque plant. Pour pallier ensuite l’irrigation, les semences de melons de l’exploitation sont toutes plantées dans des mottes et élevées sous abri. Les producteurs qui irriguent le font aussi mais pour les trois premières semaines d’implantation seulement. Ensuite, avec le sol qui se réchauffe, ces derniers sèment directement les graines de melons dans les parcelles pour les dix à douze semaines suivantes. « Nous fabriquons nous-mêmes les mottes qui servent de support aux semences de melons. Au moment de l’implanter, la plante qui a poussé dans les mottes est déjà bien vigoureuse pour résister aux attaques d’insectes comme la mouche grise ou des champignons qui provoquent la fonte de semis. Nous faisons donc abstraction de traitement insecticide et fongicide au sol. De par sa vigueur et une faible exubérance, la plante par la suite est moins sujette à certaines maladies comme le sclerotinia. »
Par ailleurs, toutes les méthodes pour réduire les pesticides sont employées comme le faux semis avant la mise en place de la culture pour réduire le stock de mauvaises herbes. L’option de fongicides de contact comme la bouillie bordelaise a été retenue pour la pleine saison en lien avec l’apiculteur local qui installe ses ruches en bordure des parcelles de l’exploitation. Pas de Cruiser ni de Gaucho dans les céréales. Ces pratiques ont-elles un réel impact sur les abeilles ? Sébastien se garde bien de toute réponse, l’impact étant très difficile à mesurer. Au final, le choix de ces techniques plus respectueuses de l’environnement et du confort des applicateurs se traduit par un rendement moindre, 20 t/ha au lieu des 25 t en moyenne d’après Laurent Giordano. Le conseiller du Groupe de développement maraîchers (GDM 85) assure un suivi technique pour l’exploitation de la famille Chabirand comme pour neuf autres producteurs spécialistes du melon. Avec ce groupement, les melonniers tentent de nouvelles techniques pour limiter encore davantage les pesticides. Mais le défi n’est pas simple, surtout en plein champ : « Le lâcher de larves de chrysopes – en attendant que la faune auxiliaire naturelle prenne le relais pour ralentir le développement des pucerons – n’est pas efficace tous les ans, regrette Sébastien. Tout va dépendre du climat. Un temps chaud au printemps est un bon point pour la lutte dite intégrée. » Les expérimentations de GDM 85 dont le programme dépend de l’Arelpal (Association régionale d’expérimentation légumière des Pays de Loire) en lien avec l’Acpel (Association Charentes-Poitou d’expérimentation légumière) s’effectuent donc dans les exploitations comme celle qui a été menée l’an passé avec le lâcher de chrysope à l’EARL Le Bas du Moulin. Outre la vingtaine de nouvelles variétés testées chaque année, les travaux du groupe portent essentiellement sur ces méthodes alternatives. « Jusqu’à présent, commente Sébastien, nous n’avons pas opté pour le greffage, une technique coûteuse qui ne se justifie pas dans nos types de sol. En revanche, nous avons testé les produits stimulants. Le résultat est souvent décevant et conduit à multiplier les passages dans la culture, ce qui est loin d’être satisfaisant. »
Actuellement, la gestion des déchets fait partie de leur réflexion en vue d’optimiser davantage la valorisation du melon. Déjà, les emballages utilisés pour le transport des melons sont récupérés dans la limite du possible chez leur client.

Une récolte à maturité
La production artisanale n’est pas un vain mot chez les deux frères. Les 650 t potentiellement récoltables sont toutes cueillies à maturité. « Nous travaillons en flux tendu avec une récolte par jour sauf le dimanche. Les melons sont expédiés dans les 24/48 heures dans notre zone de chalandise à savoir le Poitou, les Pays de Loire et Rungis plus marginalement. » L’exploitation qui livre sous la marque Paniers des Champs commercialise ses produits dans les GMS à raison de 70 % de sa production totale : « Les conditions de vente sont difficiles, reconnaît Jean-Louis. Tous “nos œufs” ne sont donc pas mis dans le même panier. Nous voulons rester maîtres de la commercialisation. La livraison régulière concerne donc trois enseignes. Mais il nous arrive aussi d’en approvisionner d’autres au moment des pics de production. Nous avons d’autres circuits comme des détaillants et des grossistes. L’aménagement d’un magasin et d’un gîte à la ferme est une occasion supplémentaire de diversifier nos circuits. » Sébastien et Mathieu Chabirand souhaiteraient communiquer davantage qu’ils ne le font actuellement sur leur mode de culture auprès de leurs clients et du grand public. « Avec le développement rapide de notre production, le temps réservé à la communication se résume pour l’instant à la pose de nos affiches dans les GMS et dans notre magasin. Mais nous consacrons aussi un temps d’explication aux vacanciers qui le souhaitent et qui occupent notre gîte. »
En attendant, les premières cueillettes devraient commencer vers le 20 juin et se terminer à la fin septembre. Espérons un climat propice !

(1) La réserve utile d’un sol correspond à l’eau utilisable dans le sol exprimé en millimètre. Certaines parcelles peuvent avoir moins de 50 mm de réserve utile.

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