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La Corée mise sur les serres intelligentes

Faiblement dimensionnée, l’agriculture coréenne souffre de la globalisation. Les productions légumières et fruitières sont toutefois celles qui s’en sortent le mieux, en particulier les cultures sous serres.

Pays aux trois-quarts couvert de montagnes, la Corée du Sud a perdu plus de 20 % de ses terres arables depuis 1990. Elles ne couvrent plus que 1,46 million d’hectares, soit un maigre 0,03 ha par habitant. La conséquence d’une urbanisation galopante et de la diminution du nombre d’agriculteurs confrontés à une hausse des importations due à l’Uruguay Round et à des accords de libre-échange conclus avec divers pays. Si les productions légumières et fruitières n’ont pas échappé à ce déclin, elles sont devenues les principales cultures du pays après le riz avec 227 804 ha et 171 094 ha. L’accroissement et la diversification de la demande, liés à la hausse du niveau de vie des Coréens, font que ces productions demeurent un débouché rémunérateur pour les agriculteurs. Les spécificités du marché local en légumes portent essentiellement sur des produits frais. Le chou chinois reste ainsi le plus cultivé en plein champ car il est le composant de base du plat national coréen, le kimchi, des légumes pimentés fermentés. Entrant également dans sa composition piment rouge et ail, puis carotte, oignon et poireau. Les cultures sous serres se sont par ailleurs fortement développées dans les années 90 à l’initiative de l’Etat qui a largement subventionné leur acquisition. En effet, la production de plein champ est limitée par des contraintes climatiques. Le pays connaît des hivers secs et très froids avec des températures matinales avoisinant 0°C jusqu’au début avril. Quant à l’été, il est caniculaire et ponctué de fortes pluies, parfois de typhons.

Des serres plastiques automatisées

Entre 1990 et 2000, les surfaces de serres ont ainsi plus que doublé pour atteindre plus de 100 000 ha tous secteurs confondus avant de revenir autour de 85 000 ha suite à l’arrêt des aides. Un tassement qui n’a pas affecté les légumes qui en 2017 occupaient plus de 55 000 ha de serres à 99 % en plastique et pour 20 % automatisées. Les cultures les plus importantes sont les légumes feuilles, tomate, piment vert, mais aussi pastèque, fraise et melon jaune. Initiée il y a 10 ans, la production de poivron ne couvre que 712 ha mais compte pour plus de la moitié des exportations de légumes du pays, essentiellement vers le Japon. Le nombre d’exploitations a chuté de près de 234 000 à 125 000 entre 2000 et 2015, avec une diminution de 60 % de celles de moins de 0,2 ha tandis que celles de plus de 1,5 ha ont plus que doublé. Le contexte très concurrentiel créé par les importations impose en effet une taille minimale pour dégager un revenu décent et de nombreux d’agriculteurs ne trouvent pas de successeurs. Or 40 % ont plus de 65 ans. Pour améliorer leur compétitivité et attirer les jeunes, les autorités misent sur les serres intelligentes prodiguant aux agriculteurs conseils, formations et subventions. A ce jour, 1 235 d’entre eux, totalisant 920 ha, se sont engagés sur cette voie. En tête, 320 producteurs spécialisés dans la culture du poivron ont suivi ce chemin, ainsi que des producteurs de fraises, de tomates.

Des serres dotées de caméras et de capteurs

Electricien venu à l’agriculture il y a neuf ans, Gi-cheol Park cultive des fraises près de Jeonju, au centre du pays. Activité qu’il mène de septembre à juin car en Corée ce fruit se consomme en hiver. « Je plante mi-septembre pour commencer à récolter tous les 3-4 jours en novembre », précise-t-il. Sur les trois dernières années, il a reçu 70 000 € d’aides pour moderniser son exploitation composée de dix serres plastiques de 660 m2 dont deux réservées à la production de plants. Employant deux salariées cambodgiennes, il récolte 24 t/an d’une variété coréenne. Conditionnées en emballages de 1 et 2 kg, elles sont vendues pour 70 % à des grossistes et 30 % à une coopérative à un prix moyen de 7,83 € le kg. Chauffées au gaz, maintenues à 24°C la journée et 8°C la nuit, les serres sont désormais dotées de caméras et de capteurs mesurant températures intérieure et extérieure, luminosité et humidité ambiante. Commandant l’ouverture et la fermeture des serres et des rideaux, les données recueillies sont disponibles sur son ordinateur et son smartphone comme les images des caméras. « Cela ne permet pas une réduction des coûts mais diminue la charge de travail et si les rendements n’ont pas évolué il y a par contre moins de mortalité des plants », constate Gi-cheol Park.

Des économies d’eau, d’électricité et de temps de travail

A quelques kilomètres de là, Dae-man Kim va plus loin avec sa serre à tomates en verre de 2 900 m2 construite en 2017. Un investissement de 470 000 € subventionné à 50 %. Sont également mesurés la teneur en CO2 de l’atmosphère ainsi que le pH et l’humidité du sol. « Des données qui permettent de commander aussi la ventilation, le chauffage, pour avoir une température oscillant entre 15°C la nuit et 27°C la journée, ainsi que l’irrigation au goutte-à-goutte via laquelle sont apportés les fertilisants », précise Dae-man Kim qui a pris la succession de ses parents il y a dix ans. Les 6 700 plants sont récoltés deux à trois fois par semaine d’octobre à juillet, pour une production totale de 85 t... que « j’espère augmenter ». La commercialisation se fait de deux manières. Via des grossistes, à 1,95/2,35 € du kg, et en direct, à 2,35 €/kg, via le site de e-commerce Gmarket. « J’expédie par la poste et livre moi-même les acheteurs proches si j’ai le temps », explique Dae-man Kim qui emploie trois salariés thaïlandais car il cultive aussi 3 600 m2 de pastèques sous serres plastiques. « Je vais les remplacer par la tomate qui est plus rentable. Surtout qu’avec la serre intelligente, je fais des économies d’eau, d’électricité, de temps de travail et via mon smartphone je peux tout contrôler à distance ».

Thierry Joly

Des fruits variés

Si l’on excepte l’île de Jeju, les fruits les plus cultivés en Corée sont la pomme, dont une partie de la récolte est exportée en Asie du Sud-est, le kaki avec plus de 7 % de la production mondiale, le second rang derrière la Chine, le raisin et la pêche. Jadis très populaire, la poire Shingo ne cesse de décliner car était historiquement cultivée près des villes, des terres grignotées par l’urbanisation. Sa culture demande en outre plus de travail et les agriculteurs âgés, peinant à trouver de la main-d’œuvre, s’en détournent au profit de la pêche, de la prune et du kiwi. Jouissant d’un climat subtropical, l’île méridionale de Jeju a depuis des siècles une importante production de mandarines. Un nombre croissant d’agriculteurs la produit hors saison pour obtenir de meilleurs prix. Elle est devenue la principale culture fruitière sous serre du pays avec 4 000 ha sur un total de 7 800 ha. Le reste est occupé par le raisin (2 240 ha), la banane (environ 500 ha), et une myriade d’autres fruits tropicaux et exotiques tels que le fruit de la passion, la goyave, la mangue et la figue. Des cultures qui se développent à Jeju mais aussi dans d’autres régions en raison du réchauffement climatique. En particulier près des grandes villes, ce qui facilite la commercialisation de ces productions de niche.

Serres intelligentes de 3e génération

Chapeautant recherches et développement des nouvelles technologies, la RDA (Rural Development Administration) poursuit ses travaux sur les serres intelligentes. Prochaine étape, le pilotage par ordinateur de la fertilisation et des traitements grâce à des capteurs mesurant la vitesse de croissance des plantes, détectant et identifiant les maladies ou les attaques d’insectes. « Le système marche en labo mais la commercialisation se heurte à un problème de coût car pour une surveillance efficace il faut des caméras mobiles », révèle Ji-eun Cha, du département diffusant ces technologies sur le terrain. « Des agriculteurs de tous âges s’y intéressent mais les jeunes sont plus nombreux car il faut savoir se servir d’un ordinateur ».

A savoir

En chiffres

Légumes en 2017

56 217 ha, 2,414 Mt de légumes sous serre

171 587 ha, 6,24 Mt de légumes en plein champ

180 M$ exportés

683,5 M$ importés

Fruits en 2017

10 258 ha, 266 000 t de poire

23 355 ha, 545 000 t de pomme

21 667 ha, 600 000 t de mandarine

172,9 M$ exportés

1,24 Mds $, 834 000 t importés

Source : MAFRA (Ministry of Agriculture, Food and Rural Affairs)

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