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Cultures légumières : les pistes contre la problématique punaises

Différents moyens de lutte contre les punaises phytophages des cultures légumières sont actuellement testés par les partenaires du projet Impulse. Un large éventail de solutions est envisagé.

Protection physique, plantes-pièges, produits de biocontrôle, parasitoïdes... sont évalués pour la gestion des punaises (en photo, larve de Nezara viridula).
© A. Lasnier

Les punaises phytophages sont une problématique ancienne sur cultures légumières, mais leur présence semble de plus en plus marquée ces dernières années. Cette réémergence semble être une conséquence de la disparition de certains usages phytosanitaires ainsi que de l’arrivée de nouvelles espèces par les échanges commerciaux croissants. « Ces ravageurs constituent aujourd’hui un vrai verrou, en lutte biologique intégrée comme en production bio, constate Prisca Pierre, du CTIFL. De nombreuses cultures sont touchées par des dégâts de punaises appartenant à plusieurs genres et espèces. » Face à cette problématique, le centre technique a lancé en 2017 le projet Impulse, qui cible quatre punaises phytophages sur trois cultures : Nezara et Lygus sur aubergine, Nesidiocoris sur tomate et Eurydema sur chou. Le projet implique dix partenaires de la recherche, de l’expérimentation, de l’enseignement agricole et de la protection des plantes (1). Ses objectifs : mieux connaître ces punaises phytophages et l’importance de leurs dégâts, évaluer des combinaisons de techniques alternatives de protection (y compris économiquement) et en mettre au point de nouvelles. Protection physique, plantes-pièges, produits de biocontrôle, parasitoïdes… Un large éventail de méthodes est étudié.

Nématodes entomopathogènes et panneaux chromatiques

Parmi les punaises phytophages, « Nesidiocoris tenuis est une punaise très problématique sur tomate, indique Anthony Ginez, de l’Aprel. Ses piqûres de nutrition peuvent bloquer la croissance des plantes et causent des chutes de fleurs. » L’Aprel a évalué en 2018 quatre méthodes de protection contre Nesidiocoris chez un producteur de tomates hors-sol : l’aspiration, le retrait et l’élimination des bourgeons, les traitements localisés en tête de plante par des nématodes entomopathogènes, et le piégeage chromatique. « Les aspirations, réalisées sur chaque plante au niveau de la tête, ont semblé maintenir Nesidiocoris à un niveau faible jusqu’en juin, avec une efficacité sur adultes et larves âgées. Mais à un moment, cette technique ne suffit plus. De plus, les passages ont été très fréquents, presque chaque semaine, et ont donc pris du temps. » Des applications de Capsanem (nématodes entomopathogènes) en tête de plante ont réduit de 25 à 30 % les populations de Nesidiocoris, sept jours après le traitement. En revanche, cette efficacité est ponctuelle, car une réaugmentation des populations a été constatée rapidement après le traitement. « Attention, ce produit a également un impact contre Macrolophus, auxiliaire utilisé en PBI en serres de tomates, prévient Anthony Ginez. Il faut donc cibler les interventions en tête de plante, là où se concentre Nesidiocoris alors que Macrolophus est réparti sur toute la plante. » Nesdiocoris est également présent au niveau des jeunes pousses. Le retrait manuel des bourgeons qui sont ensuite enfermés dans des sacs plastiques puis sortis de la serre permet d’éliminer des larves, mais la technique a été difficile à évaluer car cette action a été généralisée et continue tout au long de l’essai. Enfin, la comparaison de différents panneaux colorés englués a montré une intensité de piégeage nettement plus importante pour les panneaux jaunes à glu sèche. Ce dernier essai a également été réalisé chez un producteur par la Chambre d’agriculture 47 (voir « Avis de producteur ») et par la Chambre d’agriculture 13. Ces deux années d’essai à l’Aprel montrent des premiers résultats intéressants pour les méthodes testées, qui sont à combiner au sein d’une stratégie « qui demande du temps et de fréquentes interventions », précise Anthony Ginez.

La piste des plantes-pièges

Sur chou, la gestion des punaises Eurydema par des plantes-pièges est testée au Grab depuis les débuts du projet Impulse en 2017. Leurs piqûres sur feuilles provoquent un ralentissement de la croissance du chou, tandis que celles sur apex empêchent le développement de l’inflorescence (chou borgne). Les essais du Grab en 2017 ont consisté à semer deux rangs de plantes-pièges, de chaque côté d’une culture de chou cabus plantée un mois après le semis. Les rangs de plantes-pièges étaient constitués de patchs de chou chinois, colza et moutarde brune. L’objectif était d’attirer les punaises sur des plantes attractives pour elles, puis de les éliminer pour ne pas qu’elles pénètrent dans les choux. « L’essai a montré que les plantes-pièges ont un potentiel intéressant pour attirer les punaises », indique Jérôme Lambion, du Grab. Des aspirations hebdomadaires en tête des plantes ont ensuite permis de neutraliser de nombreuses punaises présentes sur les plantes pièges. « Mais les punaises se sont reproduites sur les plantes pièges, précise l’expérimentateur. Les aspirations ont peut-être débuté trop tard dans la saison, ou leur fréquence n’était pas suffisante au vu de la pression des punaises et des altises ». De plus, l’essai n’a pas permis de mettre en évidence un effet des plantes-pièges sur les populations et les dégâts de punaises sur choux. En 2018, les plantes-pièges (colza et moutarde brune) ont été intégrées plus fortement à la culture de choux. « L’essai a mis en évidence que la moutarde ne constitue pas une plante-piège intéressante, constate Jérôme Lambion. Sa durée de vie est trop courte. Par contre, le colza a un cycle plus long et a montré une bonne attractivité pendant tout le cycle de culture du chou ». A partir du 12 septembre, les dégâts de punaise étaient moins importants dans les parcelles comportant du colza. En 2019, le Grab associera des bandes de colza à des lâchers de parasitoïdes Trissolcus basalis (voir aussi encadré).

(1) Projet financé par l’Agence française pour la biodiversité et le Casdar avec pour partenaires le CTIFL, l’Inra (UMR ISA-RDLB et UMR CBGP), l’Aprel, le Grab, Invenio, les Chambres d’agriculture 13 et 47, le lycée agricole de Sainte-Livrade et Koppert.

Trois punaises phytophages des cultures légumières

Lygus spp

Les piqûres de cette punaise sont effectuées par les larves comme par les adultes. Elles se font principalement sur boutons floraux et les boutons néoformés, mais toutes les parties aériennes des plantes peuvent être touchées. Les boutons piqués se dessèchent puis cassent avant de tomber. Les adultes mesurent de 5 à 6 mm, leur couleur varie de beige à brun ou vert. Les œufs sont déposés dans les tiges et les boutons floraux. Deux générations par an peuvent être observées en extérieur, bien plus sous serre. Parmi les cultures les plus sensibles, on trouve l’aubergine, le concombre, la tomate, le poivron ou la salade.

Nezara viridula

Cette punaise de la famille des Pentatomidae provoque des dégâts sur aubergine, mais aussi sur de nombreuses autres espèces maraîchères. Ses piqûres sur boutons floraux causent un dessèchement des boutons, qui cassent à leur base avant de tomber. Elle peut aussi provoquer un dessèchement et un flétrissement de l’apex, des décolorations ponctuelles et des trous sur les feuilles… La durée du cycle est d’environ trois semaines à 30°C et de deux mois à 20°C. On compte 3 à 4 générations par an. Les adultes mesurent de 12 à 16 mm, ils sont de couleur verte au printemps et prennent une teinte brune en automne-hiver.

Nesidiocoris tenuis

Cette espèce prédatrice de la famille des Miridae (comme Lygus ou Macrolophus) est utilisée en protection biologique intégrée en Espagne. Elle a aussi été introduite dans des serres de tomate du sud de la France pour lutter contre les aleurodes. Mais N. tenuis est également phytophage en complément de son activité prédatrice et elle provoque des dégâts importants en France, notamment en culture de tomate. Ses piqûres en tête de plants créent des zones de fragilité pouvant entraîner des cassures. Les autres parties aériennes, tiges, pédoncules floraux, pétioles, fleurs et fruits peuvent aussi être touchées.

Un parasitoïde contre Nezara

« Au cours d’un essai mené au CTIFL en 2018, Trissolcus basalis s’est montré un candidat intéressant pour le contrôle de Nezara viridula sur une culture d’aubergine hors-sol », explique Benjamin Gard, du CTIFL de Balandran. La culture a été infestée artificiellement avec Nezara viridula à raison de 0,24 couple par plante en moyenne. Puis différentes doses et fréquences d’apport de T. basalis ont été testées. L’essai n’a pas permis de déterminer une fréquence et une dose idéales d’apport, mais il a montré que ce parasitoïde arrivait à trouver les pontes de N. viridula et qu’il parasitait les ooplaques à plus de 90 %, dans la majorité des cas. « Le parasitisme s’est accompagné d’une réduction significative des dégâts en culture, jusqu’à cinq fois moins de dégâts sur apex et boutons floraux comparé au témoin », constate Benjamin Gard. Ces essais seront reconduits cette année.

Avis de producteur

Kévin Queille, chef de culture en tomate hors sol en Lot-et-Garonne

« Des panneaux de couleur pour piéger les ravageurs »

« Nous avons évalué quatre pièges chromatiques en 2018 dans le cadre d’un essai pour le projet Impulse avec la Chambre d’Agriculture 47. Les quatre types de pièges étudiés, fournis par la société Koppert, étaient des panneaux avec glu humide, en bleu, jaune et blanc et des panneaux avec glu sèche en jaune. Nous les avons installés sur deux rangées de tomate juxtaposées et juste au-dessus des têtes avec un espacement d’environ 2 m entre panneaux. La disposition des différents panneaux a été faite de façon aléatoire avec quatre répétitions (deux par rang). Les notations ont eu lieu avant chaque renouvellement de panneaux environ tous les 15 jours de fin mai à fin août. Un comptage a été effectué pour les insectes présents : l’auxiliaire Macrolophus et les ravageurs Nesidiocoris, aleurodes et Tuta absoluta. Globalement, les panneaux jaunes se distinguent, avec un avantage pour le panneau jaune à glu sèche concernant Nesidiocoris : 382 individus piégés au total sur les panneaux jaunes à glu sèche, contre 195 sur les panneaux jaunes à glu humide et 223 sur le panneau blanc à glu humide. Le panneau blanc à glu humide piège un peu plus de Nesidiocoris par rapport au jaune à glu humide, mais l’inconvénient du blanc est qu’il est extrêmement difficile de dénombrer les aleurodes. Le panneau bleu ne semble en revanche pas apporter de résultats satisfaisants pour aucun des insectes notés. Les divers panneaux testés dans cette étude seraient à ré-évaluer sur plusieurs campagnes pour valider ces premières observations. »

Propos recueillis par Cécile Delamarre, Chambre d’agriculture 47

La pose de filets en alternative

Invenio conduit des essais depuis 2015 pour évaluer l’utilité des filets vis-à-vis des punaises phytophages de l’aubergine. La technique semble très efficace : en 2017, aucune punaise n’a été retrouvée dans la partie avec filet (TIP 1000 de Texinov), au contraire de la partie sans filet où les dégâts étaient importants. En 2018, le niveau de population des punaises était nettement inférieur sous filet, sans être complètement nulle. Des adultes de Nezara ont été retrouvés ainsi que quelques Miridae. Les dégâts sont apparus à partir de mi-juillet sous filet (contre fin juin sans filet). Sur toute la saison, 7 % des boutons ont été touchés sous filets, contre 21 % sur la partie sans filet. « La pose de filets nécessite quelques préalables pour être efficace sans compromettre le résultat agronomique », prévient Henri Clerc, responsable de l'essai. Il faut ainsi que l’abri soit nettoyé de tous les ravageurs hivernants et qu’il soit parfaitement étanche. Attention, le filet réduit aussi les entrées des auxiliaires, ce qui peut provoquer un développement de certains ravageurs comme celui des pucerons et les acariens, constaté lors de l’essai. Autre inconvénient, il réduit l’entrée de l’air dans l’abri, d’autant plus si la maille est faible et la zone peu ventée. Il est donc essentiel de poser des filets sur des abris possédant une surface d’aération importante. Ainsi, un test en production réalisé par la Chambre d’agriculture 47 en 2017 n’avait pas été concluant : sous un tunnel 9,3 m avec aération par écartement de bâche, non muni d’aération latérale, le climat était devenu plus chaud et humide et le rendement final était décevant.

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