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Dossier Abricot : Gérer son rang sans herbicide

Deux solutions de gestion du rang sans herbicide ont fait leur preuve sur abricot : le désherbage mécanique et la bâche tissée. Si leur efficacité contre les adventices est bonne, leur coût reste supérieur à un désherbage chimique.

En abricot, l’utilisation d’herbicides ne compte en moyenne que pour 10 % de l’indice de fréquence de traitement. « Un à deux passages de désherbant chimique sont en moyenne effectués par an », rapporte Agreste dans son enquête sur les pratiques culturales en arboriculture de 2015. Mais avec le potentiel retrait du glyphosate, les alternatives sont urgentes. Dans les réseaux Dephy abricot, 20 % des surfaces ne reçoivent aucun désherbage chimique, 15 % ont un passage, 48 % deux passages et 17 % trois passages. « En PFI, 10 % des surfaces combinent à la fois désherbage mécanique et désherbage chimique », notait Julie Pradal-Meizel en restituant une enquête menée sur la gestion de l’enherbement, lors du colloque national Dephy arboriculture, à Montpellier Supagro, fin janvier. « Deux solutions alternatives sont maintenant reconnues comme efficaces : le désherbage mécanique et la bâche tissée », indiquait Muriel Millan, CTIFL.

 

 

Mais ces deux techniques ont un surcoût. Celui du désherbage mécanique a été évalué en moyenne à 321 €/ha, avec trois outils utilisés dans les deux projets Dephy Ecophyto Cap Red (abricot) et Ecopêche (pêche), contre 225 €/ha en chimique. Les effets du désherbage mécanique sont reconnus, avec des impacts positifs sur la vigueur, la production, la gestion des adventices, « même si la technique n’est pas aussi efficace que l’intervention chimique », reconnaît Muriel Millan. L’arboriculteur doit également faire avec les inconvénients de la technique : repousses à gérer (entre 4 et 6 passages nécessaires), tractoristes qualifiés, suspension de l’irrigation, blessures de racines… « L’option consiste pour certains à enterrer le goutte-à-goutte, ce qui permet de n’avoir plus qu’un seul passage et donc, une économie d’environ 160 € par hectare en moyenne », complète la spécialiste du CTIFL.

Les promesses de la bâche tissée

La bâche tissée est prometteuse. C’est un investissement lors de son implantation mais elle est efficace et sans effets sur la vigueur des arbres. « Il a fallu compter 338 € par hectare en fonction du type de bâche avec un amortissement sur dix ans », indique la technicienne. Son coût à l’achat est de près de 2000€/ha pour une couverture du rang sur 2,1 m et le temps de pose a été estimé dans l’essai du CTIFL à 80 h/ha. « Il faut aussi bien gérer les potentielles repousses d’herbe au pied des arbres ou même sur la bâche si cette dernière n’a pas été bien tendue, voire une mauvaise répartition d’engrais si la bâche n’a pas été correctement posée ou si le sol n’est pas plat », continue-t-elle. L’enherbement du rang est, elle une solution à bas coût. Les différentes études technico-économiques menées auprès des membres du réseau Dephy expé et ferme ont montré qu’en moyenne, le coût d’un enherbement sur verger adulte était de 118 €/ha en moyenne, avec 2 à 5 tontes nécessaires. La concurrence avec le système fruitier adulte nécessite un choix d’espèces semées peu concurrentes. Ces dernières sont d’ailleurs testées dans le cadre du projet « Placohb », mené au CTIFL de Balandran (voir sous-papier). En revanche, sur jeunes vergers, l’enherbement sur le rang dès la plantation est à éviter (sauf dans des sols riches et profonds et très vigoureux) compte tenu de la forte concurrence pour le jeune plant et donc la perte de vigueur généralement constatée. « Cette perte de vigueur est difficile à rattraper par la suite, même si l’intérêt biologique est là, renchérit Muriel Millan. Nous continuons à chercher des espèces peu concurrentielles et adaptées aux jeunes vergers ».

Le coût prohibitif du mulch

Autre technique, le mulch. « Il n’est lui aussi pas recommandé sur jeunes vergers pour la même raison que l’enherbement : la concurrence en éléments minéraux et eau. Et cela peut être relativement cher, puisque l’épaisseur doit être conséquente. » Son coût peut être ainsi prohibitif : il a été évalué pour un mulch de BRF (Bois Raméal Fragmenté) à 1 730 €/ha sur prune d’Ente à l’Inra de Bourran (Lot-et-Garonne), « mais le chiffre peut être très variable en fonction de l’exploitation et de son parc matériel ».

 

Un mulch de foin de luzerne au pied est intéressant pour l’apport d’azote. Mais la technique reste à travailler en vue, notamment, d’en réduire son coût d’épandage manuel (1 085 €/ha) à l’aide par exemple d’une pailleuse autoproduite. « Aujourd’hui, le mulch de foin de luzerne n’est pas assez couvrant et se dégrade vite, la main-d’œuvre est trop chère si l’épandage est fait manuellement », conclut la spécialiste. Enfin, la solution de biocontrôle Beloukha® (désherbant, Jade) n’a pas permis une maîtrise suffisante des adventices et doit également être retravaillée. Pour rappel, il s’agit d’un produit de contact strict, non sélectif, d’origine naturelle (huile de colza) agissant très rapidement à l’endroit de l’impact par dessèchement de la partie aérienne touchée.

Tester des couvre-sols peu concurrentiels

Le projet « Placohb », multipartenarial, vise spécifiquement trois objectifs : définir les plantes couvre-sol adaptées à différents usages ; définir leurs modes de multiplication, d’implantation et de conduite ; et évaluer leurs effets sur les cultures et la biodiversité. Sur le site du CTIFL de Balandran, ce projet s’intéresse à l’utilisation de plantes couvre-sol comme alternative au désherbage mécanique du rang sur un verger d’abricotiers conduit en AB. Concrètement, l’essai compare en particulier trois modalités – mélange de plantes couvre-sol peu concurrentes, mélange de plantes couvre-sol pour l’azote à base de légumineuses et mélange de plantes couvre-sol répulsives pour les rongeurs – par rapport à deux témoins : un témoin de flore spontanée et un témoin sol travaillé (référence en AB).

Le fauchage favorise les graminées

En 2017, le semis sur le rang a dû être fait à la main puisqu’aucun outil mécanique de semis sur le rang n’existe, « ce qui génère des coûts d’implantation important ». Par ailleurs, les résultats montrent une hétérogénéité de levée et de croissance du couvert entre le Nord (meilleure levée) et le Sud de la parcelle notable (haie de cyprès faisant de l’ombre). De plus, des dégâts ont été enregistrés : piétinements de quelques jeunes semis par des sangliers ; prédation des jeunes légumineuses par les lièvres impactant la croissance et générant des pertes de pieds de sainfoin : arrachage des plants d’ail par les corvidés et pies. En 2018, le fauchage a eu un fort impact sur la pérennité du couvert (70 % à 10-20 %) favorisant les graminées spontanées. « Mais il apparaît tout de même indispensable en mai car les couverts montent trop haut (70 cm) dans les arbres, ce qui pose des problèmes de bioagresseurs comme la forficule », note Muriel Millan. De plus, la vesce prend le dessus sur les autres espèces, notamment après plantation au printemps. Après deux ans, un premier bilan par modalité peut être fait : « Nous n’observons pas de différence entre les modalités sur la qualité des abricots, la matière organique, le rendement, ou encore l’indice d’activité microbienne », résume Muriel Millan. Les travaux se poursuivent en 2019.

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