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Cerise : Trichopria drosophilae, un auxiliaire contre D.suzukii

Contre Drosophila suzukii, un parasitoïde vient de recevoir son autorisation de mise sur le marché : Trichopria drosophilae. Des essais vont être mis en place au domaine expérimental La Tapy en 2019.

Des Trichopria drosophilae seront lâchés toute les semaines dès le mois de mars, dans les haies qui bordent les vergers de cerisier dans l'essai de la Tapy
© Bioplanet

Les dégâts causés sur cultures fruitières par la drosophile invasive Drosophila suzukii sont en augmentation depuis son arrivée en France en 2009. Certaines années, comme 2018, ont été particulièrement difficiles pour les producteurs de cerises qui doivent faire face, dans le même temps, aux aléas climatiques. Face à ce ravageur, la liste des produits phytosanitaires disponibles diminue. La recherche s’oriente donc vers des solutions alternatives telles que la lutte biologique par des auxiliaires parasitoïdes.

Deux espèces de parasitoïdes

A l’heure actuelle, deux espèces de parasitoïdes sont intéressantes pour apporter des solutions à moyen terme contre D. suzukii. Le premier, Ganaspis brasiliensis, est un parasitoïde exotique ramené du Japon par les organismes de recherche, et qui devrait être relâché en France dans les prochaines années. Pour le moment, il est encore confiné en conditions de quarantaine afin de s’assurer de son efficacité et de sa spécificité. Cette forme de lutte biologique par introduction ponctuelle dans un nouvel environnement est appelée lutte biologique classique ou inoculative.

Le second, Trichopria drosophilae, est largement répandu dans le monde. En Europe, il fait partie du cortège des parasitoïdes indigènes de D. suzukii, c’est-à-dire qu’il n’a pas été introduit artificiellement. Ces « micro-guêpes » cherchent les pupes de la drosophile et les utilisent pour se multiplier. Mais ses populations naturelles sont trop faibles pour réguler les pullulations de la drosophile. Il est d’ailleurs surtout présent en automne. Pour augmenter artificiellement son efficacité, il faut donc procéder par des lâchers massifs et réguliers de cet insecte, à un moment où les drosophiles sont encore en faible nombre dans l’environnement : c’est le principe de la lutte biologique augmentative (ou inondative).

Une AMM pour T. drosophilae

Techniquement, cela est possible grâce à des élevages de masse en laboratoire. Ces élevages sont actuellement établis, en routine, par la firme Bioplanet qui commercialise un produit nommé Trichopria 500, des flacons de parasitoïdes prêts à l’emploi. Bioplanet vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, Trichopria 500 pourra donc être commercialisé en France en 2019. En Italie, l’utilisation de T. drosophilae en plein champ depuis deux ans, a permis de diminuer effectivement les dégâts de D. suzukii autour des points de lâcher. Ces diminutions peuvent aller jusqu’à 30 % de dégâts en moins. Mais cette efficacité est bien plus réduite dès lors que la culture est protégée par des insecticides puisque le parasitoïde y est très sensible. Partant de ce constat, l’utilisation de Trichopria 500 semble incompatible avec une protection phytosanitaire classique. Il est alors indispensable de reconsidérer la stratégie d’application pour conjuguer les effets des méthodes actuellement disponibles.

Prévenir plutôt que guérir

La stratégie à envisager découle de ce que l’on connaît de la biologie de D. suzukii. Il a été montré que celle-ci se développe sur de nombreux fruits, dont beaucoup sont des plantes hôtes « sauvages », non cultivées (sureau, cornouiller…) (voir RFL n°370). On sait également que les adultes peuvent survivre l’hiver, en petit nombre, sous une forme adaptée au froid. Ces réservoirs « sauvages » n’abritent donc qu’un faible inoculum de drosophiles qui recolonisent les cultures au printemps, et lorsqu’elles ont commencé à pulluler la situation devient très vite incontrôlable. Lâcher les parasitoïdes à ce moment-là, de façon curative, revient donc à lutter contre un incendie avec un verre d’eau. Trichopria 500 est un outil qui doit d’abord être considéré comme préventif en ciblant les faibles populations de D. suzukii présentes au sortir de l’hiver dans les zones réservoirs qui deviennent alors des foyers de multiplication du parasitoïde. Comme le précise Bioplanet, Trichopria 500 est un outil complémentaire qui vient renforcer les moyens de lutte actuellement disponibles contre D. suzukii, mais qui ne pourra pas à lui seul résoudre le problème. Les essais qui débutent en 2019 au domaine expérimental de la Tapy (Vaucluse) (voir encadré) permettront de préciser comment utiliser cet outil dans une logique de protection intégrée des vergers face à D. suzukii. En parallèle, les efforts conjoints de la recherche et de l’expérimentation continuent, afin de développer d’autres innovations dans la lutte contre ce fléau.

Pascal Rousse

Qu’appelle-t-on un parasitoïde ?

Un parasitoïde est un insecte qui va pondre sur ou dans un autre insecte (l’hôte), le développement de l’œuf du parasitoïde provoquant au final la mort de l’hôte. L’action d’un parasitoïde est en général bien plus ciblée que celle d’un prédateur. Ils sont donc privilégiés pour des programmes de lutte biologique afin de minimiser les risques d’impact « collatéraux » sur l’environnement.

Une efficacité testée en 2019

Afin d’affiner la stratégie préventive avec Trichopria drosophilae, des essais coordonnés par le Domaine expérimental de La Tapy (Vaucluse) sont planifiés pour le printemps 2019, en partenariat avec le CTIFL, le Grab, la Draaf et le lycée agricole Louis Giraud. Ces essais cibleront, dans le temps et dans l’espace, les populations encore faibles de D. suzukii afin de retarder et/ou de limiter les attaques sur cerisier. La stratégie retenue est d’effectuer, dès le mois de mars, des lâchers hebdomadaires de parasitoïdes dans les haies qui bordent les vergers de cerisier. A ce moment, les températures sont assez élevées pour permettre aux parasitoïdes de s’installer mais encore trop faibles pour que les drosophiles se multiplient en masse. Cette expérimentation a donc pour objectif de voir si effectivement le parasitoïde T. drosophilae est actif à ces températures et s’il freine la pullulation de D. suzukii. Dans cette idée, les haies deviendraient donc des réservoirs d’ennemis naturels de la drosophile qui protégeraient le verger en complément de la lutte phytosanitaire habituelle.

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