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Le nouvel envol des Canaries

L’agriculture des Canaries est centrée sur la production de fruits et légumes vendus dans l’Archipel ou exportés en Espagne et en Europe du Nord. La culture des fruits tropicaux a le vent en poupe.

Composé de sept îles volcaniques au climat subtropical, l’archipel des Canaries tire l’essentiel de ses revenus du tourisme. Si l’agriculture ne compte que pour 1,2 % du PIB, elle n’en reste pas moins bien visible dans le paysage avec une SAU de 130 000 ha, soit 18,7 % de sa superficie. Cependant, seuls 45 000 ha répartis entre 13 442 exploitations sont aujourd’hui cultivés. Avec d’un côté de grosses structures tournées vers l’exportation et à l’autre extrême de petits agriculteurs ayant souvent moins d’un hectare pour plus de 70 % de pluriactifs. Les fruits et légumes dominent et leurs surfaces ont légèrement augmenté ces dernières années. « La crise économique a engendré un retour à la terre et une remise en culture de terres abandonnées », précise Javier Gutierrez, de l’ASAGA (Asociacion de agricultores y ganaderos) des Canaries. La Région a par ailleurs initié des programmes de relance du secteur dont la promotion des productions locales auprès des consommateurs et des établissements touristiques. Mais peu de jeunes se tournent vers l’agriculture. « Ils sont rebutés par la paperasserie administrative et les problèmes d’accès au foncier car trouver des terres à louer est compliqué et le prix au mètre carré à l’achat, atteint 10 à 20 € », témoigne Javier Gutierrez.

Les Espagnols apprécient sa saveur

En tant que Région Ultra Périphérique de l’UE, l’agriculture canarienne bénéficie de subventions du POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), lesquelles se monteront à 231 M€ en 2019. Une manne indispensable à sa survie. « Morcellement des terres, déclivité des sols et parcelles en terrasses empêchent souvent la mécanisation. D’où des coûts de production élevés alors qu’avec la globalisation, nous devons faire face à des importations provenant de pays comme le Maroc qui n’ont pas les mêmes contraintes réglementaires et disposent d’une main-d’œuvre bon marché ». Entre 500 m et 1 200 m d’altitude, sont produits légumes et tubercules adaptés aux climats tempérés notamment de petites pommes de terre rondes très proches de celles ramenées du Pérou par les Conquistadors. Près du littoral, la principale culture est la banane avec 8 967 ha répartis entre 7 886 exploitations en majorité situées sur les îles de Tenerife, La Palma et Gran Canaria. Employant de manière directe et indirecte 15 000 personnes, elle a vu sa production passer de 350 000 t en 1993, à 437 782 t en 2017. Ce volume est commercialisé par six organisations de producteurs. Mais lors des dernières campagnes, il a fallu retirer 12 000 à 17 000 t du marché pour maintenir les prix. Car la banane canarienne se vend peu en dehors de la région et de l’Espagne continentale qui absorbe 99,8 % des exportations. « Les Espagnols apprécient sa saveur plus douce et sont prêts à payer plus cher. Les autres consommateurs européens privilégient le prix », souligne Francisco Echandi, directeur de l’entreprise Bonnysa de Tenerife qui la cultive sous serre sur 115 ha. Avec des prix au kilo fluctuant de 0,30 € à 1,10 €, les producteurs dépendent des aides du POSEI, de 0,35 € du kg pour la culture sous serre à 0,41 € à l’air libre à titre d’incitation à préserver le paysage. Soit une enveloppe totale qui sera de 141 M€ en 2019.

Les cultures tropicales assurent une bonne rémunération

« Produire sous serre est plus coûteux mais se justifie économiquement dans les zones aux forts coups de vent et là où la température descend parfois sous les 10°C, car feuilles endommagées et fraîcheur affectent la productivité de la plante », explique Carlos Melguizo responsable du domaine Herederos de Francisco Ortega. Le plus gros poste de dépense est la lutte par confusion sexuelle contre le charançon noir dont la larve attaque le bulbe et la tige de la plante. Vient ensuite l’irrigation par goutte-à-goutte via laquelle sont apportés les fertilisants, car le m3 d’eau vaut 0,40 €. « La majorité de l’eau provient d’usines de désalinisation », révèle Francisco Echandi dont l’entreprise cultive aussi sous serre 20 ha de papayes, 20 ha de concombres et 47 ha de tomates. Jadis très importante, la culture de la tomate a fortement reculée. « Cette baisse est due à la concurrence du Maroc qui a des coûts de production plus bas et aux progrès de la culture sous serre en Europe qui ont permis d’allonger la période de production », note Francisco Echandi, président de l’association des exportateurs de tomates de l’île qui ne regroupe plus que quatre membres, expédiant 7 000 t contre 99 000 t en l’an 2000. Grâce aux aides de l’UE, le déclin est aujourd’hui enrayé. Francisco Echandi réfléchit à en replanter sur des parcelles libres. Mais il hésite avec une extension de sa surface de papaye, culture qu’il a débutée il y a 7 ans. Une production vers laquelle se sont tournés de nombreux agriculteurs. Depuis quelques années, d’autres cultures tropicales ont également leurs faveurs car elles assurent pour l’heure une bonne rémunération. Principalement avocat et mangue, mais aussi fruit du dragon, chérimole, goyave, carambole, litchi.

Thierry Joly

"La crise économique a engendré un retour à la terre et une remise en culture de terres abandonnées ", Javier Gutierrez, de l’Asociacion de agricultores y ganaderos.

Les débouchés locaux dopés par le tourisme

Les 14 millions de touristes annuels constituent un gros débouché pour les agriculteurs locaux. En particulier pour ceux engagés dans des productions dont l’importation est interdite pour des raisons sanitaires et éviter l’introduction de maladies. A savoir banane, ananas, avocat, salade. « 30 % de nos ventes aux Canaries leur sont in fine destinées », estime ainsi Francisco Echandi. Mais, cette demande supplémentaire fait que l’archipel n’est autosuffisant qu’en fruits tropicaux, concombres, tomates, légumes-feuilles et salades. Agrumes, raisin de table, fruits tempérés comme pomme et poire doivent être importés ainsi qu’haricot, carotte, petits pois et même des pommes de terre provenant de Grande-Bretagne et d’Israël.

Ruée sur l’avocat

Les surfaces dédiées à l’avocat atteignent aujourd’hui 1 607 ha contre 815 ha en 2017 et la production 11 000 t. Une progression particulièrement sensible à La Palma et Tenerife où il est cultivé à l’air libre sur des parcelles auparavant abandonnées ou occupées par la vigne ou des serres. Et ce n’est pas fini. « Car il faut cinq ans à un arbre pour donner sa pleine mesure et les surfaces augmentent au rythme de 100 ha par an. La demande est telle que les agriculteurs nous demandant des plants doivent patienter un an », note Wenceslao Martinez, gérant d’Agrorincon qui en produit 24 000 par an. Basée près de La Orotava, sur la côte nord de Tenerife, la société commercialise également 1 800 t d’avocats récoltés par 200 agriculteurs. « Dont une petite partie exportée en Espagne et en Suisse ». Cet engouement s’explique par le prix qui, en été, atteint voire dépasse 5 €/kg alors que les rendements peuvent atteindre 12 000 kg/ha. La facilité de la culture est une autre raison. « Je m’occupe seul de 5 ha et à deux on récolte sans problème 1 000 kg en une journée », souligne Mamadou Issa responsable de plantations appartenant à Agrorincon. Mais les prix baissant à 3 € du kg en hiver, certains agriculteurs récoltent trop tôt au détriment de la qualité. Une pratique que la filière veut voir disparaître car elle souhaite obtenir une IGP.

A savoir

En chiffres

Surfaces 2017

5 963 ha de légumes

4 585 ha de pommes de terre

14 578 ha de fruits

Production 2017

261 129 tonnes de légumes

72 205 t de pommes de terre

485 970 t de fruits dont 421 297 t de bananes

Exportations

383 460 t de bananes en 2017

54 701 t de tomates et 18 545 t de concombres pour la campagne 2016 / 2017

Source : Instituto Canario de Estadistica

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