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Melon : lutter pendant l’interculture contre les nématodes à galles

Les nématodes à galles sont des ravageurs communs à de nombreuses espèces cultivées sous abri dont le melon. Seules des méthodes combinées peuvent permettre de contenir leur présence et leur nuisibilité. A mettre en œuvre pendant l’interculture.

En Provence, les nématodes Meloidogyne incognita et Meloidogyne arenaria sont les espèces les plus couramment identifiées en culture légumière. Le melon fait partie des 5 500 espèces végétales potentiellement attaquées par ces ravageurs et pour lesquels il n’existe pas de résistance génétique.

Lutter contre les formes libres

« Les rotations de cultures sensibles en maraîchage favorisent l’installation des nématodes et les conditions climatiques sous abris aident à leur développement », précise Claire Goillon, APREL. Ainsi, M.arenaria requiert un cumul de température de 350 °C jour et M.incognita de 400°C jour pour se développer. « Cela équivaut à trois semaines en été sous abris dans le sud de la France pour que les nématodes effectuent un cycle complet », explique la spécialiste. De par leur cycle de développement, dont une grande partie s’effectue dans la plante, seuls les œufs et les larves L2 de Meloidogyne sp. peuvent être ciblés par des moyens de lutte dans le sol. Avec la restriction des usages de fumigants chimiques, il faut aujourd’hui mettre en œuvre des méthodes alternatives. Il s’agit essentiellement de la solarisation, de la biofumigation, des produits de biocontrôle, d’apport de matière organique et du travail du sol.

Ainsi, la solarisation peut être mise en place après une culture de melon en août et septembre. Cette technique d’élévation de la température du sol par bâchage cible surtout les larves mobiles L2. « Elle est efficace si la température dépasse les 45°C pendant plus de 4 heures, ce qui est parfois difficile à atteindre en fin d’été et surtout en profondeur. On observe malgré tout un effet à partir de 40°C, lorsqu’on parvient à cumuler plus de 200 heures au-dessus de cette température », rapporte Claire Goillon. Toutefois, l’effet nématicide est peu profond et le résultat peu durable. La biofumigation est un autre moyen d’intervenir sur les formes mobiles dans le sol. Le semis de plantes biofumigantes, comme le sorgho fourrager et la moutarde (variétés spécifiques riches en composés biocides), doit se réaliser rapidement après la culture du melon, tant que les larves de nématodes sont présentes sur l’horizon superficiel. La durée de culture est déterminée par le stade optimal permettant la production de biomasse suffisamment riche en composés biocides : environ cinq semaines pour le sorgho et stade floraison de la moutarde. Le couvert doit être finement broyé et enfoui dans le sol rapidement en favorisant sa fermeture par lissage ou bâchage pour maintenir les effets toxiques des gaz volatils. « Les effets de la biofumigation n’ont pas été démontrés au cours des différentes expérimentations sur le terrain du fait essentiellement d’une mise en œuvre techniquement délicate », commente Claire Goillon.

Piéger les nématodes dans les racines

Une autre façon de réduire la pression des nématodes dans le sol est de les piéger. Certaines plantes « mauvaises hôtes » permettent aux nématodes de pénétrer dans la racine, mais il est ensuite bloqué naturellement dans son développement. C’est le cas de certaines variétés de radis fourrager et de roquette qui permettent ainsi de piéger les larves L2 dans le sol. La stratégie, encore en cours d’expérimentation, consiste à maximiser le nombre de plant/m², de limiter les adventices sensibles et de maintenir la culture le plus longtemps possible. Sans ce mécanisme de résistance, d’autres couverts végétaux, hôtes des nématodes, peuvent aussi servir de piège s’ils sont détruits avant la fin du cycle des nématodes (avant la libération des œufs). Ce sont les cas du sorgho fourrager, millet perlé, moutarde… qui ont aussi été testés dans les programmes d’expérimentation Prabiotel, Gedubat et Gedunem. Cette technique a montré une certaine efficacité avec le sorgho lorsqu’il est positionné rapidement après la culture du melon et détruit au bout de trois semaines en été (équivalent au cumul de 350°C jour dans le sol nécessaire au cycle complet du nématode). « Afin de maximiser le piégeage, les densités de semis peuvent être augmentées et le couvert renouvelé autant de fois que la disponibilité de la parcelle le permet », mentionne la spécialiste. De nombreuses espèces offrent la possibilité de mettre en place cette technique dans les abris au cours de la rotation, en évitant toutefois les espèces trop sensibles aux nématodes qui feraient prendre un risque de développement dans le sol. La difficulté est de connaître le niveau de sensibilité des espèces, voire des variétés utilisées. Des expérimentations en cours à l’APREL cherchent à évaluer cette technique sur des intercultures d’hiver comme l’avoine, le triticale, l’orge… mais la difficulté est qu’en hiver, les nématodes migrent en profondeur et sont moins actifs.

Introduire des plantes de coupure pour freiner les populations

Il existe un gradient de sensibilité des plantes aux nématodes déterminé par le niveau de reproduction sur les racines. En choisissant les plantes les moins sensibles, que ce soit pour des cultures en production ou des couverts d’interculture, la dynamique de développement du nématode sera naturellement freinée. Malheureusement, le choix n’est pas immense pour les cultures maraîchères. Des travaux du GRAB ont mis en évidence des possibilités pour les cultures d’hiver avec la roquette, la cébette, la coriandre, l’oignon, le fenouil, la mâche et le poireau. Le choix est plus vaste pour les couverts d’interculture mais le niveau de sensibilité peut être très variable d’une variété à l’autre. De rares plantes « non-hôtes » existent, sur lesquelles les nématodes ne parviennent pas à pénétrer. Certaines comme les Tagetes (T.minuta, T.erecta) et le sésame sécrètent des exsudats nématicides qui agissent contre les Meloïdogynes, mais leur utilisation n’a pas encore été mise au point sur le terrain.

Ainsi, la mise en culture de couverts végétaux assainissants offre plusieurs modes d’action contre les nématodes : biofumigation, plantes pièges et plantes de coupure. Pour un système spécialisé dans le melon, sans résistance génétique disponible et sans produit nématicide homologué efficace, l’intercullture est vraiment la période où il est possible d’agir pour freiner les nématodes à galles. Le choix d’un couvert assainissant doit répondre à plusieurs conditions. « C’est là, la première difficulté », commente Claire Goillon (voir encadré). Mais dans tous les cas, le couvert végétal présente aussi d’autres intérêts agronomiques avec la biomasse produite qui a valeur d’engrais vert, le bénéfice des racines sur la structure du sol, l’enrichissement en azote pour les légumineuses, la diversification des familles végétales (graminées, légumineuses, asteracées, hydrophyllacée) qui favorise la diversification microbienne des sols dans des systèmes maraîchers peu diversifiés.

Maîtriser sur le long terme

« Aucune de ces méthodes n’est efficace rapidement et demande une certaine adaptation des systèmes de culture. L’objectif est de maîtriser les populations de nématodes sur le long terme et de maintenir leur présence dans les sols en dessous d’un seuil de nuisibilité pour les cultures », résume Claire Goillon. Pour cela, il est nécessaire d’intégrer d’autres leviers : principalement la prophylaxie avec un diagnostic précoce, l’isolement des foyers, le retrait des adventices, le nettoyage des outils… Le travail du sol doit être repensé de façon à activer et diversifier la vie microbienne du sol pour une meilleure alimentation de la plante et pour créer une concurrence spatiale grâce aux antagonistes.

5 questions pour choisir son couvert 

1/ Quel créneau disponible ?

Selon la saison été/automne/hiver => choix de l’espèce adaptée aux T°C

Selon la durée 1 mois/3 mois/6 mois => choix de l’espèce et de la variété pour un mode d’action bien précis

2/ Quelles contraintes techniques ?

Disponibilité de travail, arrosage possible ou non

3/ Quelles cultures en rotation ?

Eviter les maladies et ravageurs en commun avec les cultures (Sclerotinia)

4/ Quel niveau d’adventices ?

Efficacité réduite si présence d’adventices sensibles aux nématodes (sauf pour le piégeage). Envisager un faux semis

5/ Quels types de couverts ?

Pour l’aspect sanitaire, privilégier des couverts (espèce, variété) dont le mode d’action est bien connu. Les mélanges d’espèces déjà préparés peuvent être intéressants pour l’aspect agronomique mais il manque souvent des références sur leurs sensibilités respectives aux Meloidogynes

Apprendre à suivre les parcelles infestées

L’observation des systèmes racinaires en fin de culture permet d’anticiper des problèmes sanitaires, nématodes et autres pathogènes. Pour les premiers, un échantillonnage de plantes dans la parcelle permet d’évaluer leur présence en utilisant un indice de galles (IGR) sur l’échelle de Zeck : 0 (aucune galle) à 10 (plante morte).

 

Retrouvez tous les articles de notre dossier Melon :

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