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Arboriculture : l’expérimentation mobilisée pour diminuer les IFT

Les premiers projets d’expérimentation du réseau Dephy Expé mis en place depuis 2012 arrivent à leurs termes. Ils montrent globalement qu’une réduction conséquente des produits phytosanitaires en arboriculture est possible, mais celle-ci s’accompagne souvent d’une baisse de rendement.

La pose de bâche tissée sur le rang fait partie des leviers mobilisés pour réduire l'utilisation d'herbicides dans certains systèmes économes en intrants (ici, projet Ecopêche).
© Inra

« Quels sont les systèmes qui permettent de réduire l’usage des produits phytosanitaires par deux, tout en conservant, voire en améliorant les performances économiques et sociales ? Telle est la question que le plan Ecophyto pose aux réseaux Dephy », résument des expérimentateurs membres du dispositif Dephy Expé Arboriculture. Le réseau Dephy Expé, composante expérimentale du dispositif Dephy, a piloté 41 projets lancés en 2012 et 2013, dont six concernent l’arboriculture. D’une durée de cinq ou six ans, ils touchent aujourd’hui à leur fin. Si les résultats finaux de chacun des projets ne sont pas encore publiés – ils le seront dans les mois qui viennent – le réseau d’expérimentation a fait paraître en juillet une synthèse nationale. Celle-ci présente les performances des systèmes de culture testés, à travers une évaluation des leviers alternatifs à l’usage des produits phytosanitaires mis en œuvre. Vingt-huit sites expérimentaux ont participé aux projets Dephy Expé Arbo, répartis dans les grandes régions fruitières françaises. Au total, 65 systèmes de culture innovants ont été testés, dont on peut distinguer deux groupes : les systèmes de culture ECO, pour économes en intrants, conduits en agriculture conventionnelle (74 % des systèmes testés) et les systèmes de culture AB conduits en bio (26 % des systèmes testés). En complément, 41 systèmes de référence REF, représentatifs des pratiques locales, permettent de comparer les performances des systèmes ECO et AB testés.

Une forte réduction des IFT pour toutes les espèces

Six espèces fruitières sont concernées par les systèmes de culture testés, qui sont pour la plupart monospécifiques : la pomme (projets Expé Ecophyto et Bioreco), la pêche (projet Ecopêche), la cerise, l’abricot et la prune (projet Capred), le kiwi et la clémentine (projet Cors’expé). Le sixième projet arbo, Vertical, associe des espèces fruitières à d’autres cultures : pêcher + cultures associées et poirier-pêcher-pommier-prunier-abricotier-cerise + maraîchage. Les systèmes de culture AB concernent la pomme, la pêche, le kiwi et la clémentine (pas de système AB pour l’abricot, la cerise et la prune). Les objectifs de réduction des indices de fréquence de traitement (IFT) ne sont pas les mêmes selon les systèmes de culture expérimentés. Pour 13 systèmes, cet objectif de réduction est inférieur à 50 % de la référence, pour 42 il est égal à 50 % de la référence et pour 10 il est compris entre 50 et 75 % de la référence. « D’un point de vue général, les systèmes ECO ont plutôt réussi à atteindre l’objectif d’une réduction conséquente des IFT, indique la synthèse nationale. […] Une forte réduction des IFT hors biocontrôle [qui dénombrent les traitements réalisés avec des produits phytosanitaires classiques, NDLR] est constatée pour les systèmes ECO pour toutes les espèces : 43 % de réduction pour la pomme, au-delà de 50 % de réduction pour la pêche, l’abricot et la prune, et au-delà de 75 % de réduction pour le kiwi et la cerise. » Pour les systèmes AB, la réduction des IFT en comparaison avec les systèmes REF est encore plus marquée : -87 % pour la pomme, -77 % pour la pêche, -81 % pour le kiwi et la clémentine.

Mobiliser plusieurs leviers d’alternative

Les systèmes de culture qui permettent une forte baisse de l’IFT sont généralement ceux qui mobilisent plusieurs leviers d’alternative aux produits phytosanitaires, que les réseaux Dephy Expé ont regroupés en sept catégories : contrôle génétique (variétés et porte-greffes tolérants, voire résistants à certains bioagresseurs), lutte physique (désherbage mécanique, filets contre certains insectes, bâches contre certaines maladies), lutte biologique (par conservation et par lâchers d’auxiliaires), contrôle cultural (suppression des organes contaminés, broyage des feuilles, maîtrise de la vigueur, aération des arbres…), efficience de la lutte chimique (réduction des doses, raisonnement sur les seuils d’intervention, utilisation d’OAD) et produits alternatifs (produits de biocontrôle, stimulateurs de défense des plantes…). « Parfois, la mobilisation d’un seul levier peut expliquer l’essentiel de la baisse d’usage des produits, précisent les auteurs de la synthèse. C’est le cas par exemple des variétés résistantes à la tavelure sur pomme qui permettent de réduire l’IFT de l’ordre de 40 %. Mais la construction de stratégies autour d’un seul levier s’avère risquée : nous avons observé, pendant la durée de l’expérimentation, des contournements de résistance sur deux systèmes de culture mobilisant ce type de variétés. »

Un écart de rendement marqué en pomme

Si les systèmes de cultures innovants mis en place permettent bien une baisse conséquente de l’IFT, c’est au prix d’une baisse de rendement, parfois liée à une moins bonne maîtrise des bioagresseurs et des adventices que dans les systèmes REF. L’écart de rendement est le plus marqué pour la pomme, avec un rendement commercialisable en frais autour de 42 t/ha pour les systèmes REF, de 33 t/ha pour les systèmes ECO et de 18 t/ha pour les systèmes AB. Certains systèmes ECO affichent cependant un rendement proche de ceux des systèmes REF. C’est notamment le cas pour le kiwi. En termes de chiffres d’affaires, ceux des systèmes ECO sont moins élevés que ceux des systèmes REF, une conséquence directe de la baisse de rendement commercialisable. En revanche, les systèmes AB compensent la perte de rendement par une meilleure valorisation. « Il apparaît clairement que les niveaux de performances imposés par le marché aux systèmes conduits en conventionnel réduisent considérablement les marges de manœuvre à disposition pour réduire les IFT, analysent les auteurs du document. Si la valorisation du produit permet de compenser la baisse de rendement, de fortes réductions des IFT deviennent alors possibles. C’est ce que nous observons avec les systèmes AB. » Huit systèmes ont été identifiés comme étant performants d’un point de vue à la fois agronomique et économique. « Cela représente peu sur l’échantillon de systèmes analysés, mais […] de nombreux systèmes n’ont pas encore atteint leur plein potentiel de production », conclut la synthèse. De nouveaux projets d’expérimentation vont suivre les projets mis en place en 2012 et 2013, et devraient être lancés ces deux prochaines années.

Trois indicateurs de performance des systèmes de culture

L’indice de fréquence de traitement (IFT). L’IFT permet d’évaluer l’usage des produits phytosanitaires. Il correspond au nombre de traitements réalisés à la dose homologuée. L’IFT total se décompose en IFT « hors biocontrôle », qui dénombre les traitements réalisés avec des produits phyto classiques, et en IFT biocontrôle, qui comptabilise les traitements faits avec des produits de biocontrôle. L’IFT est très variable selon les espèces considérées. Il est le plus élevé pour la pomme et la pêche, et le moins élevé pour le kiwi et la clémentine.

Crédit photo : Fotolia

 

 

La maîtrise des bioagresseurs. Dans le réseau Dephy Expé, la maîtrise des bioagresseurs peut se caractériser de deux façons selon les projets, sur les vergers d’au moins trois ans. Soit par un niveau de dommages, exprimé en pourcentage moyen de dommages pour chaque ravageur (projets sur la pomme : Bioreco et Expé Ecophyto) ; soit par une appréciation de l’état sanitaire de la parcelle, exprimé par une note de 0 à 3 pour chacun des bioagresseurs considérés (projets fruits à noyau, kiwi et clémentine : Capred, Cors’Expé et EcoPêche).

Crédit photo : Sud Expé Saint-Gilles

 

 

Le chiffre d’affaires. Pour chaque système de culture expérimenté, les auteurs de la synthèse nationale ont calculé un chiffre d’affaires par hectare. Celui-ci est un indicateur de la performance économique des systèmes de cultures qui intègre le rendement, la part pour l’industrie et le niveau de valorisation de la production. Les auteurs ont fait l’hypothèse d’une valorisation du kilo de fruit équivalente en systèmes de culture REF et ECO et identique entre les années et les variétés. Pour les systèmes AB, l’hypothèse est d’une valorisation autour du double de celle des autres systèmes.

Crédit photo : RFL

Des stratégies zéro herbicide à l’épreuve

Certains sites du réseau Expé ont choisi de se passer totalement d’herbicides. C’est le cas de la totalité des systèmes de culture AB et d’une majorité (58 %) des systèmes de culture ECO. Pour pouvoir afficher un IFT herbicide nul, les systèmes ont le plus souvent pratiqué un désherbage mécanique. Ce levier est toujours mis en œuvre dans les systèmes AB et l’est souvent dans les systèmes ECO. « Dès lors que le levier désherbage mécanique est mobilisé dans les systèmes de culture, l’IFT herbicide est fortement réduit, note la synthèse. Il est même égal à zéro lorsque le désherbage mécanique est mis en œuvre totalement. » D’autres techniques alternatives, consistant à recouvrir le rang (recouvrement de BRF, de bâches tissées, de mulchs de luzerne…) ont été mobilisées dans plusieurs systèmes. Une baisse globale de la productivité est observée chez les systèmes sans herbicide par rapport aux systèmes avec herbicides. Mais cette baisse est la conséquence de l’ensemble des leviers mis en œuvre pour réduire l’IFT global. « La combinaison de prises de risque sur la gestion de maladies et ravageurs, d’objectifs de production moins importants en AB, le manque de maîtrise sur d’autres leviers expliquent plus largement les différences de rendement constatées dans les systèmes sans herbicide », mentionne la synthèse.

Des résultats en accès libre

Les ressources produites par le réseau Dephy Expé sont accessibles gratuitement sur le portail EcophytoPIC. Des fiches synthétiques de présentation des projets, des sites et des systèmes de culture testés sont progressivement ajoutées au portail. Les fiches système, qui présentent les caractéristiques des systèmes de culture testés, les stratégies de gestion des bioagresseurs mises en œuvre et les résultats et enseignements des projets, seront mises en ligne dans les mois à venir.

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