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Mildiou de la salade : l’éternel casse-tête Bremia

Le mildiou reste le principal problème en salade. Entre course aux résistances et exigences croissantes des distributeurs et de la société pour réduire les produits phytosanitaires, l’équation est parfois difficile à résoudre.

L’IBEB A DÉNOMMÉ UNE NOUVELLE RACE DU MILDIOU de la laitue, Bl 33, associant le suffixe EU pour préciser son origine européenne.
© G. DUBON

En 2016-2017, les producteurs de salade, notamment sous abri, ont à nouveau subi des attaques de mildiou. En Île-de-France, le plein champ a été touché à l’automne 2016 et les dégâts sous abri ont été très importants au printemps 2017. « Presque toutes les variétés ont été touchées », indique Stéphane Rolland, de la chambre d’agriculture d’Île-de-France. Les attaques ont aussi été assez fortes dans le Sud-est, notamment en Roussillon. « En zone littorale, les entrées maritimes porteuses d’humidité sont favorables au mildiou, souligne Emmanuel Dorel, de Green Produce. Le risque est élevé sous abri mais aussi en plein champ pour la 4ème gamme, car les producteurs, qui sont payés au poids, poussent les cultures le plus loin possible. En 2016-2017, la pression mildiou a été forte d’octobre à juin. » Là aussi, la plupart des variétés ont été touchées. Le mildiou a également frappé en Rhône-Alpes, en plein champ et sous abri à l’automne 2016 et sous abri au printemps 2017, et en Normandie, où des attaques ont été notées dès les premières plantations de printemps et où la pression est en général également importante d’août à fin octobre.

Des attaques sur des variétés Bl 16-33

Ces attaques ont touché même les variétés désormais déclarées résistantes à Bl33. En mai 2017, la race 33 de Bremia lactucae a en effet été officiellement nommée par l’Ibeb, s’ajoutant aux 32 races identifiées depuis les années 1960. Le mildiou étant un problème récurrent en salade, les producteurs, en plus d’associer plusieurs variétés sur chaque créneau, choisissent le plus possible des variétés résistantes à toutes les races de Bremia. L’enjeu étant stratégique, les semenciers font donc régulièrement évoluer leur gamme. La saison dernière, la race 33 n’étant pas nommée, les producteurs ont utilisé en majorité des variétés Bl 16-32 dont une partie ont été depuis déclarées Bl 16-33. La race étant connue depuis deux-trois ans, les sélectionneurs l’avaient déjà intégrée dans certaines variétés. Mais même sur ces variétés, des attaques de mildiou ont été constatées.

« En plus des races officiellement nommées, il y a toujours des isolats locaux de Bremia, plus ou moins virulents, plus ou moins localisés et qui pour la plupart ne persisteront pas, précise Hervé Bonich, chef produit salade sous abri chez Syngenta. Les attaques de la saison dernière ne signifient donc pas qu’il y ait une nouvelle race ni que la résistance à Bl33 ait été contournée. L’utilisation de variétés Bl 16-33 et la prophylaxie permettront de retarder l’apparition d’une nouvelle race ou d’isolats locaux ». Dans leurs préconisations salade sous abri 2017-2018, la Sica Centrex et l’Aprel ont toutefois enlevé les variétés très touchées par le mildiou en 2016-2017 et indiqué dans les variétés préconisées celles qui ont eu des taches de mildiou. « L’utilisation de variétés résistantes reste le premier moyen de se préserver du mildiou », insiste Benjamin Gard, ingénieur Ctifl à l’Aprel. Selon les créneaux, la disponibilité en variétés résistantes varie cependant. « Nous produisons une quinzaine de types de salade pour la 4ème gamme, indique Philippe Fraisse, d’Agrial OP légumes. Il n’est pas évident pour tous les types de trouver des variétés ayant à la fois toutes les résistances et toutes les qualités requises par le cahier des charges ». « Il manque des variétés résistantes en batavia, type très cultivé en France », estime Emmanuel Dorel.

Bonnes pratiques et traitements raisonnés

En accompagnement du choix variétal, la protection repose d’abord sur la prophylaxie, notamment sur de bonnes pratiques d’aération et d’irrigation. Mais le mildiou de la salade bénéficie aussi de produits phytosanitaires efficaces et en nombre suffisant. Le Rhodax, qui était très utilisé, a été supprimé. En revanche, une nouvelle spécialité intéressante a été homologuée cet hiver : Zampro Max, qui associe deux matières actives et présente un délai avant récolte de sept jours, alors que jusqu’à présent, le délai avant récolte minimum des anti-bremia disponibles était de 15 jours au mieux avec les stimulateur de défenses naturelles (SDN), et plus avec les autres anti-bremia.

La protection repose sur des traitements préventifs alternant les matières actives. Les calendriers sont parfois raisonnés à partir du modèle laitue-mildiou Bremcast, même si son utilisation est limitée par la nécessité de disposer d’une station météo à moins de 1 km de la parcelle. Les producteurs utilisent aussi de plus en plus des SDN. Et la tendance est à la réduction des traitements phytosanitaires. Plan Ecophyto, attentes sociétales, exigences des distributeurs, coûts des traitements, tout concourt à alléger la protection. « Il y a quelques années, la fiche de protection laitue Aprel/Serail/Sica Centrex préconisait quatre traitements systématiques, note Daniel Izard, de la chambre d’agriculture du Vaucluse/Aprel. Aujourd’hui, elle préconise 4 traitements maximum et incite à utiliser le biocontrôle. Elle indique aussi les produits CMR (*) et incite à les remplacer autant que possible ».

Le problème des résidus

Une préoccupation essentielle est de respecter les normes résidus mais aussi de répondre aux exigences des distributeurs et industriels. De plus en plus, les distributeurs, notamment allemands et suisses, imposent un taux de résidus inférieur aux normes européennes, souvent de 30 à 50 % des LMR. Certains aussi demandent un nombre de matières actives limité dans les résidus, de trois à cinq en général, et parfois interdisent l’emploi de produits CMR. « Les limites de LMR ne posent pas trop de problèmes car les taux constatés sont en général inférieurs, analyse Daniel Izard. Un nombre limité de matières actives est beaucoup plus problématique car cela conduit à ne pas alterner les matières actives, ce qui peut accélérer l’apparition de résistances ».

Ces exigences des clients allemands et suisses, sur lesquelles les distributeurs français commencent à s’aligner, associées à des seuils de détection de plus en plus bas, amènent à revoir la protection Bremia. Si elles incitent à être plus vigilant sur la prophylaxie et à utiliser davantage les produits de biocontrôle, qui pour la plupart ne laissent pas de résidus, elles rendent aussi la protection beaucoup plus complexe, notamment sur les cycles longs d’hiver. « La marge de manoeuvre est très limitée, note Emmanuel Dorel. Le bremia n’est pas le seul problème de la salade. De plus, les anti-Bremia les plus efficaces associent souvent deux matières actives ». Les différentes matières actives se dégradant plus ou moins vite à la lumière et à la chaleur, cela incite aussi à raisonner le positionnement des produits non pas seulement pour leur efficacité ou leur profil environnemental mais aussi pour leur rapidité de dégradation. « La salade est un produit sensible sur le plan médiatique, note Daniel Izard. Si le concept de "zéro résidu" n’est pas encore développé pour cette espèce, il est de plus en plus dans l’air du temps et pourrait être un vrai enjeu mais aussi un sacré défi technique. »

(*) Cancérogènes, Mutagènes, Reprotoxiques

 

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Une nouvelle race nommée

L’Ibeb, International Bremia Evaluation Board a officiellement désigné une nouvelle race de Mildiou de la laitue : Bl : 33EU. Cette nouvelle race de mildiou de la laitue s’est largement répandue en France. Ce nouvel isolat a aussi été identifié en Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Scandinavie et en Belgique lors de la campagne précédente, ce qui a poussé l’Ibeb à le dénommer en tant que nouvelle race. Le suffixe EU est associé à sa dénomination. En effet, à partir du 1er septembre 2017, toutes les races officielles européennes seront identifiées avec le suffixe – EU. Alors que les races californiennes seront elles indiquées avec le suffixe – US. Des études détaillées n’ont pas mis en évidence la propagation à longue distance des isolats de Bremia entre les deux continents. De fait, la dénomination des isolats européens et américains est réalisée par deux groupes de travail distincts, l’Ibeb-EU et l’Ibeb-US.

Importance des bonnes pratiques

La protection contre le mildiou repose d’abord sur les bonnes pratiques. « Cela passe par les rotations, l’élimination rapide des déchets de culture, une aération rigoureuse, une irrigation le matin pour que le feuillage sèche vite, des apports azotés raisonnés et fractionnés, souligne Nicolas Mansouri, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. La solarisation développée pour lutter contre les agents telluriques a aussi des effets sur les formes de conservation du bremia ». Ces pratiques sont aujourd’hui adoptées par les producteurs. « Mais les petits maraîchers sont parfois moins vigilants sur l’aération et l’irrigation, note Stéphane Rolland. Et comme les récoltes se font moins vite, les déchets de culture restent en place plus longtemps ». Des producteurs, comme ceux du groupe Dephy Fermes de Provence, réduisent aussi les densités de plantation. « Et attention à bien vérifier les plants à réception, souligne Aude Lusetti, de la Sica Centrex. En 2016- 2017, des producteurs ont reçu des plants déjà infectés par le bremia ».

Intérêt des SDN

Le LBG 01F34 ou Etonan, à base de phosphonate de potassium, qui protège la culture du mildiou avec une action préventive, est jugé très efficace et est de plus en plus utilisé en remplacement ou en complément d’un traitement conventionnel. « En Normandie, ces produits sont utilisés en fin de cycle et en complément de doses réduites de produits conventionnels », précise Pauline Boutteaux, du Sileban. Le Vacciplant, à base de laminarine, est par contre peu utilisé. « Nos essais n’ont pas montré d’efficacité du Vacciplant en conditions de forte pression », indique Alexandre Burlet, de la Serail. Des producteurs utilisent aussi le Kendal, fertilisant conçu pour aider les plantes à être vigoureuses en conditions hostiles et qui montre une certaine efficacité sur le mildiou.

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