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CONCOMBRE
La greffe prend

Le greffage du concombre produit en sol en conventionnel ou en agriculture biologique apporte une sécurité vis-à-vis de certaines maladies mais il engendre un coût de production supplémentaire qu’il faut bien valoriser.

On dit parfois que le concombre est un « colosse aux pieds d’argile ». En effet, le système racinaire ou le collet de cette plante peuvent subir des attaques de différents pathogènes comme Pythium ultimum, Phomopsis slerotioïdes, Dydimella bryoniae ou plus récemment Fusarium oxysporum radicis cucumerinum (Forc) », explique Hervé Floury de Terre d’essais, qui, dans le cadre de son programme expérimental en AB sous abris a fait un point sur la technique du greffage appliquée au concombre(1).

Reconstruire un nouveau système racinaire

Les premiers symptômes de ces maladies sont variables selon le pathogène impliqué, mais ils se manifestent le plus souvent par des flétrissements, d’abord localisés à une zone de la serre ou une partie de la plante puis s’étendent sur des surfaces conséquentes. Ils peuvent aussi êtres intermittents en n’apparaissant qu’aux heures les plus chaudes. « Ces attaques ne sont pas forcément liées à des problèmes de "fatigue" des sols, on peut les rencontrer sur des terrains n’ayant jamais reçu de concombre ou en système hors-sol », relève le spécialiste. Aussi, que l’on soit en conventionnel ou en AB, les moyens de lutte contre ces divers pathogènes sont très limités. En bio, seules des mesures préventives peuvent être appliquées (voir ci-dessous).

Le greffage apporte donc une sécurité vis-à-vis de certaines maladies par une vigueur supérieure, une plus grande tolérance/résistance à certaines maladies. Il permet également à la plante de se développer dans des conditions moins favorables, notamment des températures plus basses. Le greffage du concombre est réalisé sur des variétés populations de courges (notamment courge de « Siam » cucurbita ficifolia), des hybrides interspécifiques de potiron (Cucurbita maxima) et de courge musquée (Cucurbita moscata) ou tout simplement des variétés de concombre ou melon plus résistants, ce dernier cas étant plutôt réservé aux cultures hors-sol. Ces sélections sont le plus souvent d’origine japonaise (tableau 1). La technique de greffage est assez particulière, il s’agit en fait le plus souvent d’une opération double « greffage/bouturage ». En effet, alors que l’on effectue classiquement un greffage en tête avec maintien des parties à « souder » à l’aide d’une pince à greffer, paradoxalement, le système racinaire du porte-greffe est également supprimé et le morceau de tige restant est mis en conditions de bouturage pour reconstruire un nouveau système racinaire. Cette méthode permet une meilleure reprise au greffage et l’obtention d’un plant plus équilibré.

Franc, greffé, une tête, deux têtes ?

Le greffage entraîne des coûts de production de plants plus importants qu’un plant franc classique : main-d’oeuvre, coût de graines, marge d’échec… Ainsi, il faut multiplier par au moins 2,5 le prix du plant franc pour obtenir un plant greffé. A raison de 12 500 plants à l’hectare, la différence n’est pas anecdotique… « Face à ce constat, il était intéressant de tester sur concombre greffé les connaissances acquises en tomate pour optimiser la conduite : plant à deux têtes, conduite sur deux bras… C’est une partie du travail réalisé ces trois dernières années à Terre d’Essais », raconte Hervé Floury.

Les objectifs des expérimentations de Terre d’Essais étaient de vérifier l’intérêt du greffage en culture sol et de réduire le surcoût engendré par la technique. Par ailleurs, une comparaison de porte-greffe a également été réalisée. En 2014 et 2015, l’intérêt du greffage a été évalué sur deux modalités, plant franc vs plant greffé en culture de printemps, plantation début mars, récolte de mi-avril à début juillet. « La différence de potentiel agronomique est très nettement en faveur du greffé, même sans problème sanitaire sur le plant franc », analyse l’expérimentateur. Ainsi, sur les deux années d’essais, le greffage apporte 6,5 et 5,3 fruits supplémentaires par mètre carré sur un total de 38,7 et 42,8 fruits, soit 3,4 et 2,3 kg/m2. « Compte tenu de la différence de coût de plant et des prix moyens de vente constatés sur les trois dernières campagnes, il faut produire au minimum 1,5 à 2 fruits de plus par mètre carré pour amortir le surcoût lié au greffage. Rien d’impossible », commente Hervé Floury. En 2016, quatre porte-greffes hybrides ont été comparés lors d’une culture de printemps, plantation le 18 février, récolte du 25 mars au 4 juillet 2016. En termes de nombre de fruits récoltés, les écarts entre porte-greffes sont assez limités : de 44 à 46,7 fruits par mètre carré. RS 841 (Séminis) est toutefois un peu plus productif, Rout power (Sakata) est légèrement en retrait. Au niveau qualitatif, les écarts sont là aussi peu importants : de 80 à 83 % de fruits en cat extra selon les porte-greffes. Azman (Rijk Zwaan) est le moins qualitatif avec aussi une proportion de déchets plus élevée. En termes de développement racinaire, l'appréciation basée sur la plus ou moins grande difficulté à arracher les plants en fin de culture n'a pas révélé de différence majeure.

Le greffage tient la route

Enfin, la réduction du coût du plant greffé a pu être évaluée avec un essai à trois modalités : greffé une tête ; greffé deux têtes en pépinière ; greffé une tête conduit sur deux tiges (tableau 2). Les résultats ont montré le bon comportement du greffé « deux têtes issues de la pépinière » et du greffé « une tête conduit sur deux bras » qui sont tous les deux plus productifs que les plants francs en assurant une sécurité supplémentaire vis-à-vis des pathogènes du sol. Toutefois, une perte de précocité vis-a-vis du « greffé une tête » est observée. Celle-ci est liée à la nécessité de supprimer plus de fruits en début de culture pour équilibrer les deux têtes. « La deuxième tête du plant "greffé une tête conduit sur deux bras" n'est pas toujours facile à sortir à cause d’une vigueur aléatoire du jet conservé », mentionne Hervé Floury. En effet, selon les cas, il faut supprimer plus ou moins de fruits, voire décaler d’un jet pour obtenir une deuxième tête suffisamment vigoureuse. Le plant « 2 têtes issues de la pépinière » est sur ce point plus homogène (variation d’un lot à l’autre possible). En fin de saison, le différentiel de production avec le plant « une tête » est important en 2014 sur Aramon, mieux maîtrisé en 2015 sur Proloog mais dans le pire des cas, les plants greffés, qu’ils soient conduits sur « deux tiges » ou « deux bras » ressortent toujours mieux que les plants francs.

Le greffage appliqué au concombre est une technique qui tient la route en termes agronomique et économique. En assurant une protection vis-à-vis de pathogènes pouvant engendrer des pertes de plants importantes, il génère aussi un potentiel supérieur au plant franc qu’il faut toutefois bien valoriser car le surcoût n’est pas négligeable. Néanmoins, son surcoût peut être limité par la conduite sur deux têtes, bien que celle-ci s’adresserait plutôt aux cultures courtes d’été automne par exemple. « Le greffage permet de prévenir plutôt que guérir, oui… mais à condition de réussir », conclut Hervé Floury.

(1) Paru dans Aujourd’hui & Demain

AVIS D’EXPERT

Tout doit être mis en oeuvre pour permettre un démarrage rapide

« Rotations culturales, mise en place de plants sains, soins apportés à la préparation du sol : humidité optimale, température suffisante, structure aérée… bonne gestion du climat (limiter la condensation), bonne gestion de l’irrigation doivent assurer une croissance optimale de la culture. Une plante qui végète sera beaucoup plus sensible aux pathogènes qui se conservent et/ou se transmettent par le sol particulièrement pour les plantes de la famille des cucurbitacées. »

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