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Biostimulants : sortir du flou

Fourre-tout terminologique ou véritable aide à la nutrition et à la protection des plantes, les biostimulants divisent. Des projets sur leurs aspects technique et réglementaire pourraient prochainement clarifier les choses.

UNE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES RÉCOLTES est une des revendications agronomiques associée aux biostimulants.
© FRANCK PETIT

Un marché en pleine croissance mais un flou persistant concernant leur efficacité et leur réglementation. Les biostimulants attirent de nombreux utilisateurs, conseillers et fabricants. Mais il existe une confusion sur la notion même de biostimulant, qui ne possède pas encore de définition réglementaire officielle en France. L’Ebic (European biostimulants industry council, Conseil européen de l’industrie des biostimulants), qui promeut l’utilisation des biostimulants en Europe, les définit ainsi : « Des substances et/ou micro-organismes qui ont pour fonction, lorsqu’ils sont appliqués aux plantes ou au sol, de stimuler les processus naturels pour accroître l’absorption et l’efficience des nutriments, la tolérance aux stress abiotiques et améliorer la qualité des récoltes. » Cette définition englobe une grande diversité de produits de natures très différentes. Selon les travaux de recherche de Zhang et Schmidt, « les biostimulants sont définis par ce qu’ils font, plus que par ce qu’ils sont ». Tous les types de cultures peuvent être la cible d’application de biostimulants. Selon l’Afaia, syndicat professionnel qui représente 65 sociétés, fabricants ou metteurs en marché de supports de culture, fertilisants organiques, paillages et biostimulants, les cultures spécialisées (arboriculture, maraîchage, vigne, horticulture ornementale) concernent deux tiers des produits commercialisés en France, contre 20 % pour les grandes cultures (en valeur).

Les biostimulants ne remplacent pas les fertilisants traditionnels

La variété des types de produits inclus dans les biostimulants explique en partie l’abondance de la terminologie utilisée sur le marché : « phytostimulants », « activateurs de sol », « stimulateurs de croissance »… Toutes ces appellations décrivent au moins une des actions que sont susceptibles de réaliser les biostimulants. Les extraits d’algues sont la catégorie d’extraits végétaux la plus présente sur le marché. Ils sont utilisés depuis longtemps en agriculture et peuvent avoir des effets positifs variés : sur l’assimilation des nutriments, la tolérance à des carences en azote, la croissance des plantes, la photosynthèse, la résistance au stress hydrique… Les biostimulants peuvent aussi être composés d’acides aminés, de substances humiques, d’éléments minéraux, de substances de synthèse ou de micro-organismes. Certains produits revendiquent également un effet positif sur les caractéristiques physiques et biologiques des sols. Ni produits phytosanitaires, ni fertilisants, ils ne sont surtout pas censés remplacer ces derniers car ils n’apportent pas en eux-mêmes des éléments nutritifs à la plante – mais ils sont souvent mélangés à des macro ou micro-nutriments.

La confusion sur la définition des biostimulants se retrouve au niveau réglementaire. Ils pâtissent en effet d’un flou législatif. En France, ils font partie de la catégorie des MFSC (matières fertilisantes et supports de culture). Leur commercialisation peut passer par la voie de l’homologation en obtenant une autorisation de mise sur le marché par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Chaque spécialité reçoit une AMM avec une dénomination qui lui est spécifique, car le terme biostimulant n’est pas encore reconnu par le Code Rural, ni par l’Anses.

En Europe, la définition des biostimulants est variable d’un pays à l’autre » KRISTEN SUBALAC, European biostimulants industry council (Ebic).

« La seule mention officielle de ce terme en France associe les biostimulants avec les Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), ce qui constitue une source de confusion entre les biostimulants et les produits phytosanitaires », déplore Laurent Largant, de l’Afaia.

Clarifier les frontières avec les produits phytosanitaires

Toutefois, l’AMM n’est pas la seule voie possible avant la commercialisation. En effet, selon l’Anses, les MFSC peuvent être commercialisés sans AMM par dérogation, « s’ils sont conformes à une norme rendue d’applications obligatoires ou au règlement européen (CE) n°2003/2003 relatif aux engrais ». Ce système est déclaratif et permet une commercialisation plus rapide et moins coûteuse qu’avec une AMM. Selon une étude de 2015 menée par le cabinet d’audit Deloitte et le centre de recherche Rittmo sur les biostimulants et les stimulateurs de défense des plantes, commanditée par le ministère de l’Agriculture, « une proportion importante de produits revendiquant des effets biostimulants sont mis en marché de manière irrégulière par le biais des systèmes déclaratifs ». « En Europe, la définition des biostimulants est variable d’un pays à l’autre », indique Kristen Subalac, Ebic. Les fabricants de biostimulants attendent beaucoup du projet réglementaire européen sur l’harmonisation des matières fertilisantes. En particulier, ce projet place clairement les biostimulants du côté des matières fertilisantes au sens large, et clarifie les frontières entre biostimulants et produits phytosanitaires. Il définit également les critères pour l’obtention de la marque CE, en fonction des composants et des catégories fonctionnelles des produits. Ce projet est actuellement en cours de travail au sein du Parlement européen, la première version du texte de loi devant être votée par le Parlement en septembre prochain. « Nous espérons un texte définitif en 2018, pour une mise en application au plus tôt fin 2019 », mentionne Laurent Largant.

EN CHIFFRES

Marché européen : 578 M€, 250 M€ à l’export Prévision 2019 : 1 milliard d’euros (Ebic)

Marché français : +10 % entre 2014 et 2015 (Afaia)

2/3 des produits pour les cultures spécialisées (Afaia)

82 % des produits sont d’origine organique (Afaia)

Aperçu des revendications agronomiques associées aux biostimulants

Meilleure qualité des récoltes

- Organoleptique (teneur en sucre et autres molécules)

- Nutritionnelle (teneur en vitamines, protéines, nutriments, sucres, etc.)

- Visuelle (couleur des fruits)

- Amélioration de la fermeté des fruits pour le stockage

Résistance aux stress abiotiques

- Tolérance accrue au froid ou au chaud

- Tolérance à la salinité

- Tolérance aux stress oxydatifs

- Tolérance à la sécheresse ou à l’excès d’eau

Croissance et développement

- Augmentation du taux de germination

- Développement favorisé des bourgeons

- Stimulation de la croissance végétative

- Stimulation du développement racinaire

- Augmentation de la teneur en chlorophylle

Meilleure absorption des éléments nutritifs

- Amélioration de la nutrition des plantes

- Optimisation de la libération des éléments nutritifs

- Amélioration de la structure physique des sols

- Formation de mycorhizes

- Stimulation de l’activité microbienne du sol

(Rapport Deloitte / Rittmo sur les produits de stimulation)

Biostimulants ou SDP ?

Parfois confondus dans l’esprit des utilisateurs, les biostimulants et les stimulateurs de défense des plantes (SDP) ne possèdent pas de définition réglementaire à l’heure actuelle. Cependant, les acteurs des filières de la stimulation des plantes s’accordent sur le fait que ces deux types de produits n’agissent pas sur les mêmes leviers. Les biostimulants, outre leur action sur l’amélioration de l’absorption et de l’efficacité des nutriments, permettent une meilleure tolérance aux stress abiotiques (stress hydrique, salin, thermique…). Les SDP, ainsi que les autres terminologies associées (stimulateurs des défenses naturelles, eliciteurs) sont des substances ou micro-organismes capables d’induire des réponses de défense conduisant à une meilleure résistance de la plante face à des stress biotiques (définition Elicitra). Les SDP permettent donc une activation des mécanismes de défense de la plante contre les ravageurs des cultures, macro-organismes, bactéries, champignons et virus. Ce qui les place du côté des produits phytosanitaires, même s’ils n’ont pas une action biocide directe. Ils sont appliqués en prévention. Certains produits pourraient être considérés à la fois comme SDP et biostimulants si leur action porte sur les stress biotiques comme abiotiques.

AVIS D’EXPERT

Marie-Noëlle Brisset, chercheuse à l'Inra d'Angers

Des méthodes d’évaluation adaptées sont très attendues

« Il manque actuellement des moyens rapides et objectifs pour mesurer les effets des biostimulants afin de les évaluer, et éventuellement de les classer par type d’action. Le projet de LabCom Estim (pour Evaluation des stimulateurs de vitalité des plantes), financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche) a pour objectif de diversifier les méthodes d’évaluation des stimulateurs des plantes, incluant biostimulants et stimulateurs de défense des plantes (SDP), pour repérer des produits candidats en amont et en dériver des outils d’aide à la décision (OAD) de terrain pour mieux intégrer les traitements dans les systèmes de culture et vérifier leurs effets. Il associe l’IRHS (Institut de recherche en horticulture et semences), regroupant des chercheurs ou enseignant-chercheurs de l’Inra, d’Agrocampus Ouest et de l’Université d’Angers, avec la société Arexhor Pays de la Loire. Les cultures visées sont essentiellement la tomate et la vigne. Nous devons mobiliser les technologies à notre disposition pour caractériser :

- L’état physiologique de la plante et donc son niveau de réceptivité optimal à un stimulateur, pour déterminer le bon positionnement du produit

- Les changements des mécanismes physiologiques provoqués par un biostimulant ou un SDP et leur sensibilité aux conditions environnementales. Cela constituera une aide pour savoir si le produit a bien fait effet et avoir une indication de la persistance de son action.

- Les conséquences de l’application de ces actifs sur la microflore non cible associée à la plante hôte. Les stimulants, qu’ils soient biostimulants ou SDP, englobent une grande diversité de produits aux actions multiples. Leur caractéristique commune est qu’ils impliquent la plante en tant que partenaire actif pour aboutir aux effets escomptés (à l’inverse des pesticides classiques notamment). Afin de caractériser leur effet, il est indispensable d’élaborer un outil d’évaluation moléculaire qui permettrait de mesurer rapidement et objectivement l’efficacité de ces produits. Le projet doit permettre la mise au point d’outils de laboratoire permettant le criblage des produits biostimulants, et d’en déduire des outils de terrain. Plusieurs méthodes vont être explorées, notamment les réponses moléculaires de la plante (analyse d’expression de gènes), ses réponses physiologiques (techniques d’imagerie) ou encore sa capacité à modifier sa flore de surface. Des méthodes d’évaluation adaptées sont très attendues par la profession. Elles permettraient aux industriels d’accéder à de nouveaux types de criblage, et seraient utiles aux prestataires de service qui réalisent des essais pour les industriels. Débuté il y a un an, le projet Estim est actuellement en période de mise en place. »

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