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Pomme-Poire : Maîtriser le feu bactérien

La maîtrise du feu bactérien passe par une combinaison de mesures, la plus importante restant l’inspection régulière des arbres. En Belgique, des essais sont menés pour faciliter la maîtrise de cette maladie très dommageable en poire et en pomme.

Causé par une bactérie, Erwinia amylovora, le feu bactérien est une maladie grave des arbres fruitiers à pépins. Elle se traduit d’abord par un dessèchement des fleurs, feuilles, fruits, jeunes pousses. La maladie progresse dans les rameaux, les branches, le tronc, jusqu’aux racines, entraînant la formation de chancres orangés et pouvant causer la mort de l’arbre, notamment sur jeunes plantations. « En Belgique, les producteurs rencontrent chaque année cette maladie qui peut causer des pertes économiques majeures en pomme et poire, indique Hilde Schoofs, du centre d’essais PC Fruit. Les coûts de surveillance et élimination des foyers infectieux peuvent atteindre 1 000 €/ha par saison, auxquels s’ajoutent les pertes d’arbres et de production. Elle affecte aussi l’export, certains pays, notamment la Chine, exigeant une absence totale d’E. amylovora, classée comme organisme nuisible réglementé. » La bactérie devient active quand la température dépasse 18°C et est favorisée par l’humidité. Le poirier y est globalement plus sensible que le pommier. La sensibilité varie aussi selon les variétés, les variétés principales en Belgique, Conférence en poire et Jonagold en pomme, y étant très sensibles. La bactérie passe l’hiver dans des chancres qui se forment sur les rameaux, les branches, le tronc. Au printemps, les exsudats s’écoulant des chancres sont très concentrés en bactéries qui peuvent alors être transmises par les insectes, l’homme, la pluie, le vent. L’entrée dans la plante se fait par une ouverture existante, le plus souvent le style des fleurs, mais aussi les plaies de taille, fentes de croissance, impacts de grêle… Lors de la floraison primaire, les poires y échappent souvent du fait des basses températures. « Et le changement climatique tendant à avancer la floraison, le risque est limité sur cette première floraison, précise Hilde Schoofs. Il est plus élevé en pomme pour les variétés à floraison tardive et après des plantations tardives, la floraison intervenant alors quand il fait plus chaud. » La 2e vague de floraison du poirier et l’été, assortis de températures plus élevées, voient le développement à la fois des infections primaires et d’infections secondaires, plusieurs parties de plante pouvant alors être infectées (nouvelles fleurs, pousses en croissance, jeunes fruits), notamment après les orages et la grêle qui créent des portes d’entrée pour la bactérie. Différents modèles existent pour prédire le risque d’infection (Maryblyt…). Des méthodes qPCR sont aussi utilisées pour quantifier l’inoculum bactérien.

Inspecter régulièrement les arbres

La protection passe par une combinaison de mesures pour empêcher les attaques importantes. Une première mesure est l’utilisation de matériel végétal sain, avec des porte-greffes tolérants au feu bactérien, l’instauration de zones tampons de démarcation autour des pépinières, revues annuellement, et des contrôles systématiques de l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire. Le contrôle passe ensuite par une inspection régulière des arbres pour détecter et supprimer les symptômes de feu bactérien. « Des inspections doivent être faites dans et autour des pépinières et vergers, insiste Hilde Schoofs. De nombreuses rosacées sont hôte de la bactérie, comme l’aubépine, les cotonéasters, les sorbiers, le buisson ardent… » Des contrôles sont nécessaires pendant toute la période critique, d’avril à fin août, et avant la taille d’automne, pour supprimer les chancres hivernants. « En cas d’infection, le verger doit être inspecté au moins deux fois par semaine pour enlever les infections. Il faudra aussi y revenir l’année suivante. » L’intervention consiste à couper les organes atteints au moins 50 cm en dessous des symptômes, voire parfois toute la branche ou même l’arbre si nécessaire. La désinfection du matériel entre deux arbres est cruciale pour ne pas disséminer la bactérie. « On peut utiliser un produit comme le Dettol, indique Hilde Schoofs. L’eau de Javel est par contre très corrosive pour le matériel. Le mieux est d’avoir deux sécateurs pour laisser un temps d’action suffisant au désinfectant. On peut aussi utiliser un produit en spray pour désinfecter les grosses plaies. » Les organes contaminés (bois, fruits…) doivent être emportés puis brûlés, pour le verger comme pour les alentours.

Drones et caméras pour surveiller les arbres

L’inspection totale de certains vergers peut s’avérer difficile. Des essais ont été menés en Belgique de 2014 à 2017 pour voir s’il était possible d’utiliser des drones pour détecter rapidement et efficacement le feu bactérien. Deux types de drones ont été testés, équipés de caméras multi et hyperspectrales. La précision de détection des symptômes n’a toutefois été que de 56 % parce que les drones ne donnent qu’une vue du dessus des arbres. D’autres essais ont donc été engagés sur 2019-2022, avec de nouvelles caméras embarquées sur le tracteur donnant des images sur le côté des arbres.

Cuivre, SDP, biocontrôle

L’usage de la streptomycine, autorisée dans certains pays contre le feu bactérien (Suisse, Nouvelle-Zélande…), est interdit en Belgique depuis 2005. Aucune autre solution curative n’existe. Des alternatives utilisées en préventif permettent toutefois de limiter le risque d’infection ou de ralentir la propagation de la maladie. Le cuivre appliqué au débourrement et à la chute des feuilles crée un environnement défavorable au développement de la bactérie. Des Stimulateurs de Défenses des Plantes (SDP) utilisés en préventif peuvent aussi modifier la sensibilité de l’hôte. Des essais ont été menés par PC Fruit sur des SDP autorisés en Belgique (fosethyl-AI (Aliette), laminarine (Vacciplant)) et sur du manganèse en pulvérisation foliaire. « Les essais montrent notamment l’intérêt d’Aliette, rapporte Hilde Schoofs. Le produit limite les écoulements sur les fleurs, tiges et fruits et réduit rapidement la progression de la maladie. » La protection lors de la floraison reste toutefois essentielle, les fleurs étant la principale porte d’entrée des bactéries. Plusieurs produits de biocontrôle à base de levures ou bactéries antagonistes présentent de l’intérêt. « Elles agissent par compétition pour les ressources et parfois par production de peptides antimicrobiens, indique la chercheuse. Les bactéries colonisent préférentiellement le stigmate, les levures préférant l’hypanthium. Dans tous les cas, les antagonistes doivent être installés avant E. amylovora. » Blossom Protect, homologué en Belgique, basé sur le champignon Aureobasidium pulullans, peut être utilisé. « Attention au risque de russeting sur les cultivars sensibles. Il faut aussi ne pas utiliser de fongicide un jour avant et deux jours après l’application. » Des essais ont été faits avec des Flying Doctors. « Mais ils n’apportent pas assez de produit. Il est donc nécessaire de le pulvériser quand les modèles prédisent un risque important. »

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