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Dossier Poireau : La Flandre, terre de poireaux

Les sols des Hauts-de-France sont un atout pour la culture du poireau. Mais la pénibilité du travail, la difficulté à trouver de la main d'oeuvre et la concurrence belge nuisent à son développement.

La botteleuse
© T.Becqueriaux

De part et d’autre de la frontière franco-belge, un vieux contentieux perdure entre les producteurs de légumes. Ceux-ci ne travaillent pas sur un pied d'égalité, notamment en ce qui concerne la disponibilité et l'usage des moyens de protection. Selon le Pôle Légumes Région Nord (statistiques de janvier 2018), il y a globalement deux à trois fois plus de matières actives homologuées en Belgique qu’en France. La question se pose crûment dans les herbicides où n’existe qu’une seule matière active en France (le pyridate présent dans le Lentagran) là où les producteurs belges disposent de cinq matières actives différentes pour le désherbage de la pépinière ! Même constat pour les fongicides : le producteur belge dispose de sept matières actives différentes pour lutter contre la rouille quand le producteur français ne peut en utiliser que quatre. Et dans le traitement du mildiou, il en a onze à sa disposition contre huit (dont trois cuivre et aucun curatif) en France.

 

 

Installé à Eecke, en plein cœur de la Flandre, Rémi Jourdin confirme cette disparité. « Bien sûr, c’est du côté des herbicides que ça se fait le plus sentir, car sur le plan des fongicides, la recherche variétale a permis de lutter un peu plus efficacement contre la rouille », précise-t-il. Mais ce dernier constate toutefois que « disposer de moins de matières actives accroît le niveau des résistances… et oblige donc le producteur à plus de traitements ». Un cercle vicieux en quelque sorte ! Après avoir obtenu son BTS agricole en 2002, ce jeune agriculteur a repris trois ans plus tard les 40 ha de la ferme familiale située au cœur de la Flandre française. Il y travaille avec son épouse Lydie, « une fille d’agriculteurs de Bambecque dont le père faisait également du poireau » ! Aujourd’hui, ils cultivent 14 ha de poireaux commercialisés auprès de la coopérative « Marché de Phalempin ». « Je dois passer six tonnes de poireaux chaque jour », explique-t-il. Pour ce jeune producteur, le poireau est incontournable pour la bonne marche de son exploitation. Il représente en effet entre 80 à 90 % de son chiffre d’affaires annuel.

Un travail un peu moins pénible

Selon lui, le Nord de la France possède des atouts incontestables pour la culture du poireau. Les sols, riches et peu drainants, permettent des rendements à l’hectare bien supérieurs à d’autres territoires. Leur qualité permet en outre aux producteurs d’être moins exposés à la sécheresse. « En sol sableux, les poireaux doivent être continuellement irrigués », remarque-t-il. La production régionale s’est fortement mécanisée dans les années 2010. Quasiment tous les producteurs de poireaux ont investi dans de nouvelles machines permettant l’arrachage automatique des poireaux tout en préservant au maximum la structure des sols en hiver. Une évolution qui va dans le sens de la diminution des coûts de production. « Avant, on allait arracher à deux ou à trois les poireaux dans les champs. Depuis 2009 et l'acquisition de l’arracheuse automatique Bouckaert et d’un dérouleur de bobines, notre travail est un peu moins pénible et la présentation des poireaux s’est fortement améliorée », constate-t-il.

Une main-d’œuvre polonaise

Dans la foulée, il a construit un nouveau bâtiment de 850 m2 qu’il a consacré uniquement à cette production ainsi qu’au stockage des palettes et emballages. Il a réaménagé sa ligne de lavage et acheté une botteleuse automatique. Le couple emploie cinq salariés pour la saison de poireaux qui s’étend de septembre-octobre jusqu’à mars-avril. Mais trouver du personnel temporaire n’est pas aisé. « C’est même impossible ! », n’hésite-t-il pas à reconnaître. Alors depuis cinq à six ans, il emploie de la main-d’œuvre polonaise. « Ici, ce sont les Polonais qui nous contactent directement en nous demandant s’il y a du travail sur l’exploitation », précise le jeune agriculteur. « Ils viennent par période de six semaines sur l’exploitation, retournant pour un moment de répit dans leur pays et passant le relais à d’autres avant de revenir poursuivre leur mission ». Lydie et Rémi leur ont aménagé un logement. Ils paient leurs charges sociales. « Elles ne sont pas versées dans le pays d’origine, comme c’est le cas avec des sociétés spécialisées implantées à l’Est », note-t-il.

Echanges de terres

Les plants proviennent à la fois de sa pépinière et de ses fournisseurs extérieurs (région de Venlo ou région nantaise). Les plantations s’échelonnent globalement du 15 juin au 15 juillet. « Le 15 mars, on sème 300 000 graines dans notre pépinière d’un hectare pour obtenir une densité définitive des plants de 200 à 250 000 plants/ha. Pour nous, c’est avant tout un avantage économique, car le prix varie entre 14 euros les 1 000 graines dans le cas de la pépinière à 22 euros le mille pour les achats extérieurs », relève-t-il. Par contre, ces derniers permettent de produire ses premiers poireaux dès septembre. Comment produire 14 ha de poireaux sur 40 ha ? « Je fais beaucoup d’échanges de terres et de location, car il importe que la rotation ne soit pas inférieure à cinq ou six ans : c’est important si l’on veut maintenir un bon rendement », précise-t-il. En effet, son rendement frôle les 45 à 50 t/ha en terres vierges, alors qu’il ne dépasse pas les 35 ha dans le cas de rotations trop rapprochées ! « A coûts de production comparables, on peut perdre beaucoup, alors trouver des terres à l’extérieur est excessivement important pour ceux qui ne disposent que de petites surfaces », fait-il remarquer. Quant à la commercialisation, c’est la relation permanente avec la coopérative qui, en fonction de ses marchés, l’orientera vers les différents conditionnements (caisses bois, caisses plastiques, vrac, 5-10 kg ou bottes…). En 2019, Rémi devrait réaménager son atelier conditionnement et renouveler sa laveuse. Ce qui devrait lui permettre de fluidifier encore un peu plus la progression des poireaux sur sa ligne de lavage.

Thierry Becqueriaux

Le poireau du Nord en chiffres

Le Pôle Légumes Région Nord estime à 450 ha les surfaces consacrées aux poireaux en Nord-Pas de Calais, soit une production annuelle de 13 500 t à 14 000 t. Une quinzaine de producteurs commercialise leurs produits via deux coopératives (France Endives et le Marché de Phalempin). On estime leur production entre 5 000 à 5 500 t, soit environ le tiers du tonnage régional produit.

Une production qui n’attire plus

A l’âge de la retraite, les producteurs de poireaux ne trouvent plus de successeurs. Quant aux jeunes, ils hésitent à se lancer devant la pénibilité de cette spéculation. Le travail est dur. Même si l’arrachage a été mécanisé, une fois mis à l’abri sous le bâtiment, il faut laver les poireaux, les éplucher et les conditionner dans des conditions difficiles. De moins en moins de salariés acceptent de telles contraintes. Debout, au froid, travaillant dans la pénombre et avec les mains toujours dans l’eau : le job n’attire plus ! C’est pourquoi les producteurs ne trouvent plus de salariés. Un véritable handicap pour le développement de ce légume. Que ce soit en poireaux, en carottes ou en endives, la problématique est identique. Dans le Nord de la France, on ne trouve pas la solution. Même les groupements d’employeurs agricoles et ruraux ne parviennent pas à pallier ce qui constitue l’un des plus gros points noirs au développement de la filière.

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