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Les noctuelles terricoles

La présence et les dégâts très variables selon les années des noctuelles terricoles en font des ravageurs difficiles à maîtriser.

Tiré de Aujourd’hui & Demain, novembre 2017

Les noctuelles terricoles, connues également sous le nom de "vers gris" (voir encadré), peuvent causer des pertes importantes sur les semis ou jeunes plantations. « Les dégâts sont variables selon les années. L’utilisation de pièges à phéromones permet de prévoir avec quelques semaines d’avance si l’été sera une saison à "vers gris", comme il l’a été en 2017 », mentionne Vianney Estorgues, conseiller légumes de la Chambre d’agriculture de Bretagne.

La noctuelle des moissons en Bretagne

Plusieurs espèces sont potentiellement présentes en Bretagne : la noctuelle des moissons, la noctuelle Ypsilon (Agrotis Ypsilon) et la noctuelle point d’exclamation (Agrotis exclamationis) et sans doute quelques autres puisque le traité d’entomologie de Balachowsky cite 17 espèces principales et 10 espèces secondaires de vers gris en France, la plupart polyphages. Depuis 17 ans, où des suivis sont réalisés chaque année dans le nord Finistère, avec une comptabilisation des dégâts et des piégeages à phéromones, seules cinq années ont été recensées comme des années à dégâts significatifs, à savoir les années 2002, 2003, 2006, 2010 et 2017. Sur ces cinq épisodes, quatre sont dus à la noctuelle des moissons et une (2010) à la noctuelle Ypsilon. Cette détermination est réalisée soit au stade larvaire avec le nombre et disposition des crochets sur les fausses pattes, soit au stade adulte après élevage et émergence. La noctuelle des moissons hiberne dans le sol sous forme de larve et se nymphose en avril. Les papillons éclosent à partir de fin mai et principalement courant juin. Les œufs sont disposés à la face inférieure des feuilles, sur des débris végétaux ou à même le sol, puis les larves continuent leur cycle en terre. Elles ne s’alimentent que pendant la nuit. Lorsqu’elles sont âgées, elles peuvent couper le collet ou le pétiole des plantes. « C’est à ce stade qu’elles sont les plus nuisibles car elles peuvent détruire des dizaines à des milliers de plants de choux par parcelle. Dans la journée, elles se dissimulent au pied des plantes », précise le conseiller légumes spécialiste des choux. La croissance larvaire se fait en 35-40 jours. Fin juillet – début août, les larves s’enfouissent profondément dans le sol jusqu’au printemps suivant. Les noctuelles des moissons peuvent consommer presque toutes les plantes cultivées : en Bretagne des dégâts ont été observés sur choux, drageons, fenouil, salade, endive, courgette, oignons, etc. La noctuelle Ypsilon a le même comportement, mais contrairement à la noctuelle des moissons qui semble sédentaire, l’Ypsilon est une espèce migratrice.

Des phéromones pour prévoir les années à risques

La stratégie de lutte contre les noctuelles terricoles est un choix entre deux alternatives aussi peu satisfaisantes l’une que l’autre. « Soit le producteur réalise un traitement préventif inutile sur de nombreuses parcelles et 11 années sur 17, soit il attend d’avoir des dégâts parfois importants pour intervenir », commente Vianney Estorgues. Pour affiner cette stratégie, l’antenne de Saint-Pol de Léon des Chambres d’agriculture de Bretagne a testé depuis 2001, l’utilisation de pièges à phéromones. Le principe de ces pièges est d’attirer les papillons mâles avec la substance que les femelles émettent pour faciliter leur "rencontre" et leur accouplement. Au bout de 17 ans d’observation, il n’a pas été possible de corréler le piégeage d’une parcelle avec les dégâts observés dans celle-ci. En revanche, il existe une très bonne corrélation entre le niveau moyen de captures de l’ensemble des pièges (5 à 16 selon les années) et l’observation de dégâts dans la zone légumière. « Au fil des années, nous n’avons pas pu faire de corrélations entre les précédents culturaux, les types de travail du sol et le niveau de dégât », précise également le technicien.

Ne pas les confondre avec les tipules

Les vers gris sont des chenilles de papillons nocturnes. Leurs larves (2 à 4 cm de long) sont des chenilles reconnaissables à leur couleur grise, la présence d’une tête sclérifiée, brun/rougeâtre et de six fausses pattes. Quand on les dérange, elles s’enroulent sur elles-mêmes. L’ensemble de ces caractères permettent de les différencier des larves de tipules (qui sont un asticot, larve d’un "gros moustique" ou "cousin") qui sont sans tête apparente, sans pattes et qui ne s’enroulent pas quand on les touche. D’autre part, les tipules sont plutôt présentes au printemps (de mars à mai), alors que les vers gris sont plutôt observés de juin à août. Les papillons d’environ 4 cm d’envergure sont de couleur terne, brunâtre à grisâtre, avec des ornementations spécifiques à chaque espèce. Leur activité est nocturne, c’est la raison pour laquelle ils sont rarement observés par la journée, uniquement si on les dérange, par exemple en marchant dans une parcelle.

Des chenilles dans des têtes de brocolis

Depuis la découverte d’une chenille morte dans des brocolis bio et surgelés dans une école maternelle, les producteurs bretons d’où provenaient ces produits subissent une forte pression de la part des industriels de la surgélation pour livrer des brocolis indemnes de chenilles. Aussi, les stations d’expérimentation bretonnes et les Chambres d’agriculture de Bretagne ont mis en place différents travaux. Un premier travail d’inventaire en 2014 a montré que la présence de chenilles (noctuelles et pyrales du chou, piéride de la rave) dans les têtes avait été sous-estimée. Elle varie en moyenne de 14 à 23 % selon les années et de 0 à 51 % entre parcelle. La répartition des espèces est également très variable selon les années avec par exemple 53 % de noctuelles de chou en 2014 contre 7 % en 2016. Il est également possible de trouver d’autres « corps étrangers » dans les têtes de brocolis : des larves et cocons de teignes, les larves et pupes de syrphes (auxiliaires qui mangent les pucerons), des limaces… Mais les différents surgélateurs semblent être dans l’incapacité de gérer la présence de ces intrus. Les critères agréages, qui peuvent varier selon les années et les industriels, sont d’une tête avec noctuelle pour 40 têtes et de deux têtes avec pyrales ou piéride pour 40 têtes. Deux approches ont donc été testées pour protéger les parcelles et surtout éviter des traitements systématiques, souvent inutiles. L’une utilise des pièges à phéromones et l’autre le contrôle des chenilles sur les plantes en cours de culture. Pour les phéromones, pendant trois ans, aucun lien entre piégeage à la parcelle et présence de noctuelle du chou n’a pu être démontré. Pour le comptage en parcelles, il a permis de conclure que pour les pyrales et les piérides de la rave, seuls les traitements systématiques peuvent être préconisés. Pour les noctuelles, l’absence de ponte ou chenilles quatre semaines avant serait un bon indicateur pour ne pas traiter. Ces stratégies vont donc dépendre de ce que les industriels sont prêts à accepter.

En pratique, la Chambre d’agriculture en 2015 et 2016, par le Caté en 2016 et Terres d’essais en 2016, ont testé deux produits en agriculture biologique, le Success 4 (Spinosad) et le Bactura DF (Bacillus thuringiensis). Sur les quatre essais, trois ne montrent pas de différences d’efficacité entre les deux produits alors qu’un essai montre une efficacité supérieure du Spinosad. En agriculture conventionnelle, la comparaison des insecticides montre une bonne efficacité du Karaté Zéon et de l’Altacor et une moindre efficacité du Steward. Pour le nombre de traitements à réaliser, quels que soient les produits utilisables en agriculture biologique ou en conventionnelle, deux applications sont toujours plus efficaces qu’une seule (première application entre 11 et 20 jours avant la première récolte et la seconde entre trois et dix jours avant la première récolte). Si une seule application est réalisée, deux fois sur trois, l’efficacité est meilleure si le traitement est fait plutôt tardivement (sur des têtes de 5 à 11 cm). Dans ce cas, il faut veiller à bien respecter le délai avant récolte. Des perspectives de maîtrise de chenilles des têtes de brocoli existent donc, aussi bien en agriculture conventionnelle que biologique, même si les résultats ne sont pas encore parfaits (présence de 1 à 4 % de chenilles malgré deux traitements).

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