Aller au contenu principal

Les adjuvants au rapport

L’utilisation d’adjuvants en complément des produits phytosanitaires permet dans certains cas d’améliorer leur efficacité. Leurs fonctions sont très variables suivant les produits considérés. Si leur utilisation en production de fruits et légumes est plus modérée qu’en grandes cultures, ils sont utiles pour des usages précis.

Certains adjuvants permettent un meilleur étalement des gouttes de produit phytosanitaire sur la végétation.
© Julia Otto

« En France, les adjuvants sont utilisés sur environ 20 % des surfaces agricoles traitées », déclare Jean-Marc Saurel, président de l’Association française pour les adjuvants (AFA). Ils sont très utilisés en grandes cultures, notamment en mélange avec des herbicides, mais qu’en est-il pour la production de fruits et légumes ? Le ministère de l’Agriculture définit les adjuvants comme « des préparations dépourvues d’activité phytopharmaceutique que l’on ajoute aux traitements phytosanitaires afin de renforcer leurs propriétés physiques, chimiques et biologiques ». L’AFA rassemble six fabricants ou metteurs en marché d’adjuvants en France (80 % du marché), promeut l’utilisation des adjuvants et défend leurs intérêts auprès des instances. Selon l’association, les adjuvants sont historiquement classés en trois catégories : les mouillants, les huiles et les sulfates ou les sels (voir encadré). A cette classification s’ajoute désormais la caractérisation des fonctionnalités précises des adjuvants. Ainsi, pour qu’un adjuvant reçoive une AMM il doit présenter au moins l’une des fonctions suivantes : augmenter l’étalement des gouttes de bouillie ; améliorer la rétention des gouttes ; améliorer la qualité de la bouillie (homogénéité, pH, absence de mousse) ; favoriser la pénétration des gouttes ; limiter la dérive ; favoriser le maintien des gouttes après l’impact ; retenir l’humidité et éviter l’évaporation trop rapide des gouttes. Beaucoup de molécules présentant certaines de ces fonctionnalités entrent dans la composition de produits phytosanitaires, en coformulation, et ne sont donc pas considérées comme des adjuvants. Les adjuvants au sens strict sont extemporanés, c’est-à-dire qu’ils sont mélangés aux produits phytosanitaires juste avant leur utilisation. Dans certains cas, l’ajout d’adjuvant est recommandé par les fabricants de produits phytosanitaires. Par exemple, « l’insecticide biologique Mycotal doit être mélangé avec notre adjuvant Squad, à base de triglycérides éthoxylés, pour qu’il soit efficace », indique Maxime Le Moing, responsable technique chez Vivagro.

Tenir compte de plusieurs facteurs

Chaque adjuvant est homologué pour un ou plusieurs types de culture, de produit phytosanitaire et d’utilisation. Attention donc à bien respecter le cadre réglementaire lors du mélange. Prudence également pour des associations entre différentes spécialités phytopharmaceutiques. « Par exemple, pour une préparation incluant un fongicide et un insecticide, un adjuvant associé devra être autorisé pour les deux catégories de produits », détaille Bruno Pitrel, de la station d’expérimentation légumière du Sileban, en Normandie. Pour l’ingénieur, les adjuvants ne sont pas systématiquement nécessaires ; c’est un complément à adapter au cas par cas. En particulier, certains produits déjà optimisés dans leur formulation pour des fonctions équivalentes à un mélange extemporané ne nécessitent pas l’ajout d’adjuvant. Des essais au sein de la station ont été réalisés pour évaluer le gain d’efficacité apporté par des adjuvants (lire « Des adjuvants à l’essai »). Pour Damien Penguilly, de la station expérimentale bretonne du Caté, il faut tenir compte de plusieurs facteurs avant de décider si l’utilisation d’un adjuvant est nécessaire : l’usage de l’adjuvant, la culture, le produit phytosanitaire, le matériel utilisé et les conditions d’application. « Sur les cultures dont j’ai la charge – chou-fleur, brocoli et autres choux – il y a déjà une excellente efficacité des produits phytosanitaires utilisés sans ajout d’adjuvant », confie l’expérimentateur. Selon Anne Le Gallet, directrice marketing chez Action Pin, « l’intérêt principal des adjuvants repose d’une part sur une meilleure couverture de la végétation, notamment lorsque celle-ci est difficile à atteindre lors des traitements, et d’autre part sur la limitation de la dérive par l’amélioration de la rétention des produits et donc un lessivage moins important ».

« L’utilisation d’adjuvants répandue en arboriculture »

Le choix de l’adjuvant à utiliser est à déterminer en fonction de l’utilité du produit phytosanitaire. « Il y a une adéquation à trouver entre l’usage (herbicide, fongicide, insecticide/acaricide ou régulateur de croissance) et la fonctionnalité (pénétration, limitation de la dérive…), estime Alexis Canot, responsable technique et développement chez Agridyne, la gamme d’adjuvants du groupe De Sangosse. Par exemple, un fongicide doit couvrir la plus grande surface de végétation possible. Un adjuvant de type mouillant est bien adapté à cet objectif : il permet à la fois au fongicide de mieux coller et d’augmenter son étalement, et donc d’optimiser la surface de couverture ». En maraîchage, les adjuvants aux fongicides sont les plus représentés dans la gamme d’Agridyne. « En arboriculture, l’utilisation d’adjuvants est répandue, mais elle est ciblée à un certain nombre d’usages », décrit Pascal Borioli, directeur du GRCeta de Basse-Durance, groupement de 200 arboriculteurs du Sud-est de la France. Ce sont pour les insecticides et les acaricides, majoritairement des huiles blanches qui permettent d'améliorer leur efficacité. Pour les herbicides, leur utilisation a pour vocation, d'une part, l'amélioration de leur efficacité, et d'autre part, la limitation de la dérive. Dans ce cadre, les possibilités sont multiples : d'un simple sel d'ammoniaque à une spécialité commerciale complexe. Globalement, l’ajout d’adjuvant est à combiner avec l’utilisation de buses adaptées et un bon réglage du pulvérisateur ». Selon le spécialiste, également ingénieur réseau Dephy fermes, les adjuvants sont aussi utilisés en arboriculture pour augmenter l’efficacité de l’éclaircissage chimique. « L’éclaircissage est un axe historique de l’utilisation des adjuvants en arboriculture, note Alexis Canot. Mais nous travaillons aussi la partie fongicide contre la tavelure en fruits à pépins, l’optimisation des herbicides et la limite de la dérive ».

Trois catégories d’adjuvants

Les huiles

Majoritaires dans les utilisations d’adjuvants il y a quinze ans, les huiles agissent sur la cuticule des feuilles qui a la particularité d’être lipophile. Elles améliorent la pénétration des produits auxquels elles sont mélangées ainsi que l’étalement des gouttes. Elles sont très utilisées avec des herbicides sur céréales. Dans le commerce il y a des huiles végétales (Actirob, Actilandes TM, Vegestar, Dispos…) et minérales (Végélux Pro, Actiplus, Banole, Herbidown…).

Les mouillants

Beaucoup de produits entrent dans la catégorie des mouillants : Héliosol, Li700, Silwett l-77, Surf 2000, Hurricane, Biofix, Trader Pro… Ils sont utilisés pour améliorer la rétention des gouttelettes sur les feuilles par un effet antirebond ou une meilleure adhésivité. Ces mouillants augmentent également l’étalement des gouttelettes pour une meilleure couverture de la surface des organes végétaux, une action importante pour les produits de contact en particulier.

Les sels ou sulfates

Les sulfates d’ammonium (Actimum, Jonxion…) et de magnésium ont un effet hygroscopique sur les gouttelettes de bouillie. Ces sels retiennent l’humidité et évitent aux gouttes de s’évaporer trop rapidement sur la feuille sans laisser le temps aux substances actives d’agir. Cet effet est recherché dans des situations de bas volume de pulvérisation et de conditions limites en termes d’hygrométrie lors du traitement. Le sulfate d’ammonium est utilisé aussi pour corriger la dureté de l’eau qui pèse sur l’action du glyphosate.

Christian Gloria

Des adjuvants à l’essai

Les adjuvants aussi font l’objet d’essais expérimentaux, comme à la station légumière du Sileban, en Normandie.

La station d’expérimentation légumière du Sileban a réalisé des essais d’adjuvants, comme en 2012 dans la lutte contre la rouille sur poireau et en 2014 en désherbage post-levée sur carottes. Sur poireau, le fongicide utilisé a été testé seul et en association avec trois adjuvants différents de type mouillant : ils sont censés améliorer la rétention et l’étalement des gouttes sur les feuilles. « L’efficacité du fongicide a été significativement renforcée en cas d’association avec un adjuvant, observent Bruno Pitrel et Pauline Boutteaux, dans Jardins du Littoral. Cette différence d’efficacité s’est également manifestée par une régression des symptômes de rouille plus rapide en cas d’utilisation d’adjuvant et s’est traduite par une amélioration du rendement net commercialisable ».

Attention au risque de phytotoxicité en désherbage

En revanche, en désherbage post-levée de carottes, la réussite de l’association a été dépendante du type d’adjuvant utilisé. En association avec un adjuvant dont une des fonctions est d’acidifier la préparation, l’herbicide s’est montré sélectif et son efficacité a été légèrement améliorée. Mais dans le cas de l’herbicide associé à un adjuvant de type pénétrant, l’effet d’amélioration d’efficacité s’est accompagné d’un manque de sélectivité. « Il faut donc être particulièrement vigilant au risque de phytotoxicité pour la culture, avertit Bruno Pitrel, en particulier pour les herbicides. En situation de maîtrise de ce risque, l’emploi d’adjuvant peut alors être judicieux, pour améliorer l’efficience d’un traitement qui reste avant tout liée à l’efficacité propre de la ou des substances actives utilisées. L’expérimentation est un moyen indispensable pour évaluer leur intérêt technique ».

Quel marché des adjuvants en fruits et légumes ?

Si l’adjuvantation est répandue en agriculture, les grandes cultures se taillent la part du lion. « Presque 90 % de nos adjuvants sont utilisés pour le désherbage des grandes cultures », estime Maxime Le Moing, responsable technique chez Vivagro. « Globalement, le marché des adjuvants est en croissance, assure Jean-Marc Saurel, président de l’AFA. Il y a une prise de conscience que les adjuvants sont un des leviers pour une meilleure protection des cultures ». Pour les fruits et légumes en particulier, la taille du marché est difficile à quantifier. « Il est compliqué d’avoir une répartition des ventes de nos produits par type de culture, confirme Anne Le Gallet, directrice marketing chez Action Pin. Des adjuvants, comme notre produit Héliosol, sont homologués pour toutes cultures. » Selon Maxime Le Moing, « le marché des adjuvants en fruits et légumes est assez réduit, le besoin en adjuvants est moins fort car les surfaces sont généralement plus faibles qu’en grandes cultures et le désherbage n’est pas forcément chimique. C’est un marché conservateur avec peu de place pour les nouveautés ».

Les plus lus

Changement climatique : pour Serge Zaka, « il faut sortir de la stratégie de pansement avec une vraie diversification fruitière »

Avec le changement climatique, à quoi ressemblera la France fruitière et légumière en 2050 ? Le salon Medfel, ces 24 et 25…

Les chaufferettes Wiesel commercialisées par Filpack permettent un gain de température à l'allumage supérieur à celui des bougies.
Chaufferettes contre le gel en verger : un intérêt sur les petites parcelles très gélives

Le risque de gel fait son retour sur cette deuxième quinzaine d'avril. Plusieurs entreprises proposent des convecteurs à…

Parsada : ouverture ce 12 avril d'un appel à projets porté par FranceAgriMer

Initié au printemps 2023, le Plan stratégique pour mieux anticiper le potentiel retrait européen des substances actives et le…

verger abricot Drôme - Emmanuel Sapet
En Ardèche, de fortes pertes dans les vergers d'abricotiers sont à déplorer

Des chutes physiologiques importantes de fleurs sont à déplorer dans des vergers d'abricotiers d'Ardèche, de la Drôme et de l'…

Prix des fraises françaises : il n'est « pas lié aux faibles quantités espagnoles », revendique l’AOPn

Les fraises espagnoles sont pour le moment quasi absentes de nos étals français. Pourtant, ce n’est pas cette absence ou cette…

Loi Agec et emballage plastique des fruits et légumes : le Conseil d’Etat rejette le recours, Plastalliance va porter plainte devant l’UE

Suite à l’audience du 4 avril, le Conseil d’Etat a rejeté, par ordonnance du 12 avril 2024, la requête de Plastalliance aux…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 354€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes