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La renaissance du cacao guyanais

Depuis quelques années, la production de cacao refait surface en Guyane. Les producteurs ont pour particularité de transformer leur production eux-mêmes en chocolat pour garder la valeur ajoutée.

Certains des arbres sur lesquels sont récoltées les cabosses sont aujourd'hui presque centenaires.
© T. Dhelin

Encore très confidentiel dans les années 2000, le chocolat fabriqué à partir de cacao guyanais se réinstalle doucement dans le paysage. Cette culture tropicale a eu sa période de gloire en Guyane au XVIIIe siècle. Elle a ensuite été abandonnée progressivement après l’abolition de l’esclavage et le démarrage de l’activité aurifère. « A cette époque, on pouvait produire jusqu’à 50 tonnes par an », retrace Yves Delecroix, l’un des quatre producteurs qui a relancé cette production. Comme ses confrères, il travaille sur d’anciennes plantations qui ont résisté au temps. Certains des arbres sur lesquels sont récoltées les cabosses sont aujourd’hui presque centenaires. « J’ai deux sites de récolte, dont un uniquement accessible en pirogue. J’ai juste averti l’ONF que je ramassais les cabosses sur ces anciennes parcelles », explique Drupa Angénieux, productrice de cacao à Saint-Laurent-du-Maroni. A l’autre bout de la bande littorale, Olivier Dummett récolte 45 ha d’une ancienne plantation, avec un modèle plus philosophique qu’économique. « Les cacaoyers ne sont plus alignés et il y a une grande diversité d’arbres qui a poussé », décrit-il. Depuis trois ans, le producteur a commencé à entretenir des puits de lumière dans la forêt pour les cacaoyers. Il taille également les arbres pour optimiser la production. « On diminue les gourmands pour favoriser un tronc », témoigne-t-il. Didier Rostaing, le seul producteur à ne pas être installé sur la bande littorale, reconnaît que ces travaux peuvent parfois être éprouvants. « J’arrive dans la plantation à 6h30 et je repars à 13h, après il fait trop chaud, ce n’est plus possible », raconte-t-il.

De nouvelles parcelles implantées

Si elle s’est d’abord appuyée sur d’anciennes plantations pour renaître, la filière cacao guyanaise se tourne maintenant vers l’implantation de nouvelles parcelles. Drupa Angénieux, Yves Delecroix et Didier Rostaing ont chacun planté 3 ha de cacaoyer. Toutes ces plantations se font en agroforesterie. « Je ne détruis pas la forêt lors de la mise en place des cacaoyers. Quand je défriche, je laisse 100 arbres à l’hectare », rapporte Didier Rostaing. « J’associe mes cacaoyers à des bananiers », précise de son côté Drupa Angénieux. Un autre projet devrait voir le jour sur 40 ha en associant cacaoyers et palmiers açaï. « Cette plante supporte les sols inondés contrairement au cacaoyer. Sur les terrains en bordure de rivière, c’est intéressant d’avoir les deux », analyse, Brice Epailly, conseiller agronome qui porte ce projet. « A raison de 1 000 pieds par hectare, il faut que je produise 40 000 pieds pour implanter toute la surface. C’est un projet qui va se faire sur plusieurs années. Il faut que je mette en place une pépinière en parallèle », détaille le Guyanais.

La recherche se porte sur la variété Guiana

 

Parmi ces surfaces réimplantées, certaines vont l’être à partir de greffon de la variété Guiana, fourni par le Cirad. Cette variété découverte dans la forêt guyanaise suscite l’enthousiasme des producteurs. « Parmi la centaine de type de Guiana de la collection du Cirad, on en a sélectionné huit à douze qui pourraient être intéressantes à cultiver », détaille Stéphane Saj, en charge du projet au sein de l’organisme. La variété semble avoir de bonnes qualités organoleptiques et une résistance aux maladies accrue. Un flou subsiste sur la capacité de production de cabosse en nombre suffisant. « Pour l’instant, on a des chiffres sur dix ans, mais relevés sur très peu d’arbres. Il est compliqué de les extrapoler à l’ensemble de la production », résume Stéphane Saj.

Un marché de niche

Si cette variété locale intéresse tant les producteurs, c’est que leur objectif n’est pas de produire de la quantité mais de la qualité. « On ne sera jamais compétitif face à l’Afrique ou au reste de l’Amérique latine. Si on ne vise pas le haut de gamme, on ne sera pas rentable », expose Yves Delecroix. Les quatre producteurs se retrouvent aussi sur l’importance de transformer eux-mêmes la matière première. « Ce n’est pas le producteur de cacao qui gagne de l’argent mais le chocolatier », résume Olivier Dummett. Pour cette étape de transformation, les acteurs du cacao guyanais ne s’interdisent pas des mots comme « outil de transformation commun » ou « coopérative » pour l’avenir. « Avec un produit homogénéisé, on pourrait créer une IGP, mais pour être crédible, il faudrait produire au moins 200 tonnes de cacao », se fixe comme objectif Yves Delecroix. Didier Rostaing vise, lui, une production de 30 000 à 40 000 tablettes de chocolat à horizon de dix ans. « Je garderai toujours une partie de ma production ici pour bénéficier de l’appellation du parc national amazonien de Guyane. Mais si les collègues du littoral mettent en place un outil collectif je participerai forcément », assure-t-il. Pour arriver à ces niveaux de production, les surfaces vont devoir largement augmenter. « L’implantation de la variété Guiana, c’est une première étape. Après on pourra servir de pépinière pour de futures plantations, s’enthousiasme Yves Delecroix. Notre rôle va être de motiver de nouveaux producteurs ». La filière pourra également compter sur l’envie de partager des producteurs. « Tout ce que j’ai appris, c’est grâce à la transmission, c’est normal de faire pareil. On fait beaucoup d’ateliers avec des scolaires », raconte Olivier Dummett. Le Cirad n’est pas en reste. Un projet de partenariat est en cours avec le lycée agricole de Guyane pour implanter une parcelle de cacaoyer sur les terrains de l’établissement scolaire.

Tanguy Dhelin

Du cacao au chocolat

 

« Je fais mon chocolat de l’arbre à la tablette », annonce fièrement Drupa Angenieux. La productrice réalise toutes les étapes de la fabrication sur le terrain autour de son habitation. Un laboratoire de transformation flambant neuf y attend sa mise en service. Une fois le cacao arrivé sur place, la première étape consiste à décabosser les fèves puis à les mettre en fermentation. « On met les fèves sous des feuilles de bananier pendant une semaine en remuant tous les jours. Cette étape est importante pour faire ressortir toute la saveur du cacao », explique Drupa Angenieux. Les fèves sont ensuite séchées à l’extérieur jusqu’à atteindre moins de 7 % d’humidité. Elles sont ensuite torréfiées entre 130 et 140°C pendant 30 à 40 minutes, puis broyées. « Les déchets de cosse sont éliminés à l’aide d’un aspirateur industriel », décrit la productrice. Après le broyage, le cacao passe dans un hachoir à viande et ressort sous forme de spaghetti. Ces dernières sont mélangées au sucre de canne et au beurre de cacao pendant le conchage. « Après le conchage, on fait le tempérage. Pour le chocolat noir, il faut d’abord monter entre 45 et 50°C avant de redescendre à 27°C puis de revenir à 31°C pour la cristallisation. Enfin le moulage se fait à température ambiante avant que le chocolat ne soit réfrigéré. »

En chiffres : le cacao en Guyane

4 producteurs de cacao

1 à 2 tonnes de cacao marchand par an

50 à 75 ha d’anciennes plantations exploitées

10 ha de nouvelles plantations

Diversifier la production

Pour gagner en valeur ajoutée, Yves Delecroix réfléchit à d’autres productions à base de cacao. Le vinaigre de cacao est l’une de ces diversifications. Il est fabriqué à partir de l’alcool produit lors de la fermentation des fèves. Le producteur teste déjà la conception de ce produit mais ne le commercialise pas encore. « Je surveille aussi la tendance actuelle autour du cacao cru qui peut permettre de dégager de belles marges », précise-t-il. Dernier arrivé sur le marché des produits dérivés du cacao, les infusions à base de membrane de cacao se développent en Europe. « Il y a aussi des choses à faire autour du choco-tourisme avec des visites de plantation », s’enthousiasme Yves Delecroix.

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