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Colletotrichum fait frémir les pommiers

Les symptômes pré-récolte du champignon Colletotrichum explosent dans certains vergers de pommiers en Occitanie. Les stations d’expérimentation sont sur le pont pour trouver les meilleures stratégies de lutte.

Dans la famille maladie de conservation, j’appelle le Colletotrichum. Jusqu’à récemment englobé dans le groupe des gloeosporioses, le colletotrichum se démarque aujourd’hui sur pommier par la recrudescence de ses symptômes au verger dans le Sud-est de la France. « En 2016, il a causé la perte de 90 % de la récolte d’un de nos vergers de Joya qui a dû être arraché », insiste Xavier Crété de Sud-Expé Marsillargues. Colletotrichum étant le nom d’un grand nombre d’espèces de champignon (voir encadré), la première difficulté est la méconnaissance de l’espèce précise présente dans les vergers languedociens. « S’il s’agit de Gloeosporioides et/ou une de ses sous-espèces, son profil de sensibilité aux fongicides n’est pas connu a priori, et peut être notablement différent du groupe C.acutatum…. ! », insiste l’ingénieur. La deuxième complexité, est la reconnaissance de ce pathogène. « Ses symptômes sont variables, évolutifs et facilement confondus avec ceux d’autres maladies », souligne Michel Giraud, Ctifl (voir encadré) lors de la rencontre technique conservation pomme en décembre dernier. La troisième est la période de sensibilité qui s’étale de la chute des pétales à la récolte. « Mais les symptômes ont tendance à exploser après une pluie d’été », témoigne Xavier Crété.

Diminuer la pression par la prophylaxie

« Avant d’envisager une protection chimique, il est nécessaire de systématiser la prophylaxie, insiste l’expérimentateur de Sud-Expé Marsillargues. Avec le passage d’urée à l’automne, l’andainage et le broyage des feuilles et fruits, l’objectif est de détruire au maximum les fruits contaminés du verger ». L’humidité et la chaleur le favorisant, la situation est aggravée en verger sous aspersion sur frondaison. « Le passage des vergers en irrigation localisée permet de réduire la pression et donc de diminuer le nombre de traitements », conseille l’ingénieur. Ces mesures ont déjà fait leurs preuves au Canada où cette maladie est un gros problème en agriculture biologique. Des essais ont été conduits au Ctifl de Lanxade (Dordogne), à Sud-Expé Marsillargues (Hérault) et au Cefel (Tarn-et-Garonne) pour établir l’efficacité des fongicides disponibles et leur positionnement. « Un screening de produits en conditions contrôlées a permis au Ctifl de montrer l’efficacité des produits Bellis, Geoxe, Luna expérience, Merpan (captane) ou Ordoval (thirame) », analyse Ghislaine Monteils du Cefel. En revanche, aucun des produits utilisables en agriculture biologique n’a montré d’effets (cuivre, soufre, bicarbonate de potassium, Bacillus subtilis QST 713, bouillie sulfo-calcique). « Le Topsin n’a montré aucune efficacité, analyse l’expérimentatrice. L’espèce C. acutatum est résistante aux benzimidazoles ».

Des fongicides à positionner avant pluie

Un essai d’efficacité a aussi été conduit en 2017 à Sud-Expé Marsillargues (Hérault). « Nous avons traité avant chaque pluie depuis la chute des pétales sur une parcelle de Joya en aspersion sur frondaison pour toutes les modalités (soit 14 applications) et tous les 7 à 10 jours pour les modalités phosponate de potassium (KHP) et Dithianon + KHP (soit 18 applications) », explique Xavier Creté. Les produits qui ont maintenu le pourcentage de fruits touchés sous la barre des 2 % ont été ceux à base de thirame (Ordoval), pyraclostrobine (substance non homologuée seule sur pommier) et dithianon + KHP (Delan Pro). « Ce dernier a montré la meilleure efficacité parmi toutes les modalités », conclut le spécialiste. Les deux IBS testés ont décroché : fenbuconazole et myclobutanil. Le KHP, utilisé comme stimulateur des défenses naturelles, a des résultats intermédiaires. La modalité stratégie qui alternait les six produits testés a aussi de très bons résultats. Au Cefel (Tarn-et-Garonne), c’est le positionnement des traitements qui a été évalué avec du Geoxe sur une parcelle de Golden. « La double application de Geoxe avant pluie en juillet et août a donné les meilleurs résultats, rapporte Ghislaine Monteils. Mais nous étions en conditions de faible pression : 7,4 % de fruits attaqués sur le témoin. Nous avons aussi conduit un essai en post-récolte sur Goldrush ». Une atmosphère très riche en éthylène (plus de 100 ppm, modalité expérimentale) et le trempage à l’eau chaude à la récolte à 50°C durant 2 minutes ont eu les meilleurs résultats avec un taux de dégâts maintenus sous la barre des 2 %.

Une stratégie de lutte pour 2018

Pour 2018, en attendant de plus amples résultats, la stratégie de lutte conseillée par l’équipe de Sud-expé Marsillargues est de couvrir tous les épisodes pluvieux à partir de la chute des pétales, lorsque le verger a un historique avéré. « Pour les vergers de variétés tardives ou sensibles sans historique, situés dans une zone où la présence de Colletotrichum est avérée, nous conseillons de traiter les épisodes pluvieux estivaux », avance Xavier Crété. Les variétés les plus sensibles connues sont Joya, Pink Lady®, Granny Smith, Ariane et Goldrush. Golden l’est aussi mais dans une moindre mesure. Pour les autres parcelles, seule la prophylaxie est conseillée. « Pour combiner les protections Colletotrichum et tavelure, nous conseillons de garder les fongicides inefficaces contre le Colletotrichum : cuivre, mancozèbe, soufre, dodine, ANP (dithianon + pyriméthanil) pour les applications avant la chute des pétales. A la chute des pétales, un Topsin + thirame est préconisé pour lutter contre le botryris de l’œil. Après la chute des pétales, les produits à base de thirame, captane, de la famille des strobilurines ou Delan Pro sont à utiliser au plus près de la pluie. Avant la récolte, privilégier Geoxe et Bellis ».

Les signes pour le reconnaître

En juin, de petites taches marrons sont observées. Confusions possibles avec Elsinoe pyri, du "lenticel breakdown", ou une sorte de bitter pit associé à une réaction au soleil.

En été ou pendant la conservation, des taches circulaires de pourriture avec des anneaux de fructification plus sombres au centre apparaissent. Confusions possibles avec l’anthracnose, Neofabrae (gloeosporiose classique) et le black rot.

Colletotrichum passe l’hiver dans les bourgeons ou les fissures de l’écorce ou sur les fruits laissés au verger. Son passage sur les feuilles se fait très précocement. Ils provoquent des taches discrètes sur feuilles. Les symptômes de type Glomerella Leaf spot sont rares. L’infection sur les fruits commence dès la chute des pétales jusqu’à la récolte. « Ce champignon est favorisé par les étés chauds et pluvieux, détaille Michel Giraud. Les conidies se disséminent par effet splash. Elles ont besoin d’une humectation d’environ 5 heures pour se développer. »

Un complexe de champignon multi-hôte

Sous le nom de Colletotrichum se cache un groupe de plusieurs espèces de champignons provoquant des symptômes en recrudescence sur de nombreuses cultures dans le monde entier. Il est la cause de gros dégâts sur noix mais aussi sur fraisier puisqu’il s’agit de l’agent de l’anthracnose du fraisier. Les travaux en cours ont identifié deux complexes d’espèces de Colletotrichum. Le premier, Colletotrichum acutatum comprend 31 espèces. Il est dominant en France et son développement est optimal à des températures autour de 18-20°C. Le second complexe, Colletotrichum gloeosporioides comprend 22 espèces dont la température optimale est comprise entre 22 et 28°C, plus adapté au climat méditerranéen.

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