Nutrinoë : « Se battre pour les productions animales »
La Dépêche - Le Petit meunier : L'industrie de la nutrition animale bretonne voit-elle encore ses tonnages se réduire ?
Laurent Morin : La conjoncture de la nutrition animale est évidemment liée à celle des productions animales. La tension dans les élevages de porcs est très inquiétante. Nous payons dix ans de perte de compétitivité. Nutrinoë alerte depuis longtemps sur les baisses de volume en aliments pour porcs, qui signalent la rétraction des cheptels et, donc, de la compétitivité. Nous sommes face à des concurrents, comme l'Allemagne, qui progressent. Or, dans un marché libre, toute perte de compétitivité entraîne la disparition de l'acteur concerné. La nutrition animale veut pourtant se battre : il faut notamment lever les freins qui pèsent de façon différente sur nos filières françaises. La situation en bovin lait devient également difficile à l'heure où le secteur entre sur un marché plus libéral, avec des prix sous aléas des marchés. Le lait est, de fait, confronté à une mauvaise année. La volaille envoie, en revanche, des signaux plus positifs, après plus de dix ans de descente aux enfers, avec une perte de plus d'un million de tonnes d'aliments volaille en Bretagne depuis l'an 2000. L'export se confirme et toute la filière est en ordre de marche pour reconquérir le marché national. L'espoir renaît donc même si cette logique de reprise, qui ne se traduit pas encore dans les tonnages, demande à être confirmée.
LD-LPM : Quelles solutions les fabricants d'aliments apportent-ils concrètement aux éleveurs des filières en difficulté ?
L. M. : Ils apportent déjà des aides conséquentes à la trésorerie des élevages afin d'éviter qu'ils ne mettent la clé sous la porte massivement. Près de 130 M€ sont apportés en aide de trésorerie sous forme de délais de paiement, d'aides à l'investissement, d'avances de céréales... c'est 40 M€ de plus que l'an dernier. Le délai de paiement moyen se stabilise aux environs de 50 jours depuis juillet. Mais les entreprises font bien plus. Ainsi, l'indice de consommation se réduit encore, à 2,72 pour le porc charcutier contre 2,94 en 2003, soit une amélioration de 7,4 %. Et le coût Matière reste performant en Bretagne comme le montre notre étude collective. Il n'y a donc pas de dégradation des performances techniques des élevages, au contraire.
LD-LPM : N'y a-t-il donc plus rien à faire ?
L. M. : Bien sûr que si. Les fabricants croient en l'avenir des productions animales en Bretagne. Au niveau du maillon nutrition animale, la lutte pour la compétitivité est quotidienne. Notre association travaille par exemple avec les administrations territoriales. Le dossier logistique n'est qu'un élément, mais il est emblématique de ce que nous pouvons faire avec elles. C'est ainsi que nous avons pu négocier des autorisations de circulation le samedi en Bretagne avant qu'elles ne soient également autorisées en Normandie. Tout assouplissement des contraintes devient un levier de compétitivité. Il ne s'agit pas évidemment de s'affranchir des contraintes imposées par la réglementation, notamment sur la sécurité sanitaire, mais d'alléger les modalités d'application des directives européennes au niveau de ce que pratiquent nos voisins.
LD-LPM : Vous parliez d'une dynamique positive en volaille, est-ce possible dans les autres filières ?
L. M. : Les consommateurs ont vraiment pris conscience de la problématique de l'importation en volaille et de la nécessité de reconquérir le marché national. Ce n'est pas encore le cas en porc mais il me semble que cela commence. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère et les fabricants d'aliments croient dans le développement du “manger français”. Il faut cependant dépasser le discours purement incantatoire et cela passe par des efforts soutenus de communication. Pour faire connaître les filières, nos métiers et faire le lien entre prise de conscience et changement du comportement d'achat des consommateurs. Il faut trouver les moyens de faire face à ce grand défi car y répondre va dans le sens de la compétitivité française qui peut se différencier par rapport aux importations.