Entreprises
« Nous voulons faire émerger une référence française de qualité et technologie du blé dur »
Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint "Agriculture" de l’Inra
La Dépêche-Le Petit meunier : La Plateforme blé dur, récemment lancée vise un gain de compétitivité et durabilité…
Christian Huyghe : … Et de cohérence ! Aujourd’hui on tend à réfléchir production hors transformation, ce qui peut engendrer des freins pour l’aval, et inversement. Nous souhaitons que les professionnels de la filière définissent, ensemble, les points d’optimisation pour développer la recherche, de la génétique aux sciences agroalimentaires, mais aussi économiques et sociales. Cette synergie permettra également d’éviter les dépôts de projets concurrents et d’optimiser les financements. C’est une révolution des mentalités.
LD-LPM : Pourquoi souhaitez-vous mettre l’accent sur la formation ?
C. H. : Pour préparer la relève, mais pas seulement. Deux tiers des blés durs français partent à l’international. Au-delà de la compétitivité, nous devons maintenir un lien fort avec les clients, notamment en y formant les cadres. Et ce, à tous niveaux.
LD-LPM : Qu’entendez-vous par votre leitmotiv d’éco-conception ?
C. H. : Les taux protéiques demandés sur les blés durs sont élevés pour faciliter le traitement industriel, comme le rendement semoulier, mais aussi la tenue à la cuisson. Obtenir cette qualité nécessite un apport azoté et une couverture phytosanitaire importants au champ. Si l’on parvient à améliorer la technologie en aval, on pourrait donner plus de liberté en amont. C’est cela l’éco-conception. Les éventuelles évolutions ne devront néanmoins pas affecter la qualité des produits finis, ni la compétitivité de nos blés durs sur le marché mondial.
Autre exemple, la fabrication de couscous consomme beaucoup d’énergie. Une semoule peut rester jusqu’à 3 h dans le circuit ! On va également s’interroger sur les moyens de diminuer le taux de recyclage. Des process sont aussi à l’étude pour améliorer la qualité sanitaire, par le biais du dépelliculage par exemple. Disposant par ailleurs d’une variabilité génétique importante, nous pouvons chercher à créer un matériel végétal qui coûte moins cher à broyer.
Il faut réinventer à tous les niveaux. Trois projets portant sur l’ensemble des disciplines ont déjà été déposés.
Par ces évolutions de petits pas, nous voulons faire émerger une référence française en termes de qualité de produit comme de technologie. Et cela passera par la diffusion des acquis.
LD-LPM : Un peu comme le duo baguette / blé français ?
C. H. : Oui. Il est aussi important de mieux comprendre et identifier les marchés qui seront porteurs. Savoir où investir, notamment en formation. L’Afrique du Nord s’impose évidemment. La Turquie constitue aussi un grand secteur émergent. Mais il ne faut pas négliger le marché intérieur, où l’innovation est essentielle.