« La Pac-post 2018 se décide maintenant »
Les experts présents au Space le 14 septembre estiment que l'amont doit proposer ses propres solutions à Bruxelles afin que les pouvoirs publics puissent agir pour sortir de la crise actuelle.
« Entre 2008 et 2015, le budget alloué au soutien du secteur agricole a progressé de 145 % en Chine, de 45 % aux États-Unis, et a reculé de 20 % dans l'UE. (…) La Pac européenne va à contresens de ce qui se fait dans le monde », s'est alarmé Jacques Carles, délégué général de Moma-gri, lors d'une conférence au Space à Rennes le 14 septembre. La principale cause “matérielle” de la crise agricole au sein de l'UE est identifiée. Pour la résoudre, il ne faut plus attendre, selon les intervenants présents. « On est à la croisée des chemins. (…) La politique agricole de 2018 se prépare en 2016. (…) Les associations de consommateurs ont déjà fait leurs propositions à Bruxelles. Si l'amont ne fait rien, ce seront plus de normes environnementales, plus de contraintes, sans prendre en considération les besoins réels des producteurs », prévient Yves Madre, cofondateur du cercle de réflexion bruxellois Farm Europe. Même son de cloche du côté de Christian Harbulot, directeur de l'école de Guerre économique. « C'est au monde agricole de fournir les arguments utiles à la réflexion du politique. »
La théorie libérale mal appliquée par Bruxelles
L'autre cause est idéologique. Les spécialistes reprochent à Bruxelles leurs dogmes libéraux mal appliqués, qui veulent par tous les moyens réduire les soutiens publics pour laisser le marché se réguler seul. « L'UE s'enferme dans son dogme qui est que l'intervention crée plus de problème qu'elle n'en résout. Seul les dysfonctionnements de marché justifient l'intervention publique. Le problème, c'est que les marchés agricoles, dont les céréales, ont beaucoup de défaillances, non considérées par Bruxelles », juge Frédéric Courleux, analyste chez Momagri. L'expert rappelle quelques défaillances des marchés agricoles, à savoir leur atomicité, les externalités qu'ils créent et leur dépendance aux aléas climatiques. « Bruxelles applique mal ses propres théories », conclut-il. En plus du livre blanc
publié par Momagri, qui opte notamment pour une aide contracyclique (cf. n°4174), les intervenants ont rappelé l'importance des assurances. Pour résumer, les assurances privées pourront proposer des solutions (assurance aléas cli-matique, assurance du chiffre d'affaire des producteurs, de leurs marges…), à condition que les pouvoirs publics les soutiennent.
Les prix peu élevés actuellement observés, liés au renforcement de l'offre internationale d'après Momagri, pourraient se poursuivre à moyen terme, justifiant d'autant plus une intervention étatique. « À partir de 2006, les investisseurs sont revenus sur les marchés agricoles. Depuis, les pays du globe ont massivement investi dans leurs capacités de production, créant la situation de déprime des prix que l'on connaît aujourd'hui. (…) On parle d'un cycle baissier des cours des céréales de quatre à cinq ans actuellement », analyse Frédéric Courleux. « Le Kazakhstan dispose d'une surface agricole utile supérieure à l'Union européenne. L'Éthiopie va également être un acteur considérable. La question est : quelle sera la place de l'Union européenne ? », alerte, de son côté, Jacques Carles.