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La filière blé dur retient son souffle

La première partie de campagne aura été éprouvante pour les industriels

DUR DUR. Le marché du blé dur semble assagi depuis quelques semaines. Après une folle ascension, le prix de la tonne s’est stabilisé, en départ Sud-est, autour des 460 €/t. Elle s’affichait à 185 €/t un an plus tôt. L’accalmie –passagère ?– n’a pas été effective pour les industriels. Ils ont continué à batailler pour que les hausses se répercutent jusqu’au produit final. Et « le séisme qu’a connu la filière n’a pas révélé toutes ses ondes de choc », comme le redoute le directeur général de la semoulerie Bellevue de Panzani, Jean-Victor Bregliano.

Une filière européenne affaiblie

Les utilisateurs ont dû s’adapter à la nouvelle physionomie du marché. Confrontés à la rétention, ils ont géré leurs approvisionnements sur de plus courtes périodes. « Les Italiens, commandant d’habitude tous les mois, ont, par exemple, acheté chaque semaine », explique le dirigeant de la semoulerie marseillaise. Impossible alors de s’engager sur de longues périodes, d’autant que la prise en compte des tensions par l’aval n’est pas immédiate. Elle est conditionnée aux négociations avec la clientèle. Il faut compter quatre mois pour qu’une hausse des matières premières se traduise sur les prix de vente au consommateur. Ce manque de réactivité est assumé par la filière. Ces derniers mois, les industriels ont passé leur temps à « courir après le marché », résume Jean-Victor Bregliano. « Sur 2007, l’application des hausses des matières premières n’est pas totale ». « Plus de 20 % restent à la charge » des semouliers, qui ont dû augmenter leur besoin en fonds de roulement. Au niveau des pastiers, la hausse a été passée sur la plupart des marques distributeurs. La pression exercée par les Italiens, principaux fournisseurs de ces produits, n’y est pas étrangère. Ceux-ci ont rompu les contrats avec leurs clients refusant de réviser les prix. Les rayons se sont ainsi momentanément vidés… « Sur les marques nationales, les négociations sont beaucoup plus dures », confie Franck Rouard, président du directoire d’Alpina Savoie. « 30 à 40 % sont encore à répercuter » pour tenir compte de la hausse du blé, mais également d’autres postes, comme celui de l’énergie.

Ce décalage permanent entre la hausse des matières premières et les prix en rayons a mis à mal la filière européenne. En Italie, disparitions et fusions de sociétés sont évoquées. En France, les transformateurs, et en particulier les pastiers, sont « confrontés à une situation économique et financière sans précédent », comme le réaffirme Christine Petit, directrice générale du Sifpaf et CFSI, les syndicats de la filière. « La quasi totalité des professionnels aura un résultat 2007 négatif », indique-t-elle, poursuivant : « leur niveau d’endettement dépasse souvent leurs capitaux propres ». Les entreprises ne fabriquant que des pâtes sèches sont les plus exposées. Ces produits à faible marge répondent à un « marché mâture » où l’innovation, qui permet de se démarquer et un gain de valeur ajoutée, est rare.

Le marché manque de visibilité

Faibles récoltes, qualités décevantes et prix hauts ont conduit certains consommateurs, à l’export notamment, à se contenter de blés durs de qualité inférieure à leurs habitudes. En réaction, nos clients sont « d’autant plus attentifs à la qualité », assure Jean-Victor Bregliano. Phénomène nouveau, les industriels de certains pays, africains notamment, qui ne peuvent suivre les prix, tendent à substituer une partie des semoules par du blé tendre. En Amérique du Nord, où la législation l’autorise, cette pratique a aussi cours. Les volumes concernés sont difficiles à quantifier. Quoi qu’il en soit, ce phénomène ne suffira pas à détendre le marché qui, observe Jean-Victor Bregliano, « ne réagit qu’aux éléments de hausse ». Pour exemple, le blé dur n’a pas suivi la détente des autres céréales. La progression des emblavements sud-européens et les intentions de semis en Amérique du Nord ont laissé le marché de glace. Il faut dire qu’en face, la demande des industriels et des exportateurs est là. Elle questionne sur janvier-février. Les opérateurs ont du mal à prévoir l’évolution du marché. « Un manque de visibilité préjudiciable » qui interdit toute anticipation, comme le regrette Franck Rouard. De nombreuses incertitudes persistent : quels sont les besoins restant à couvrir ? Le niveau des stocks des pays fournisseurs ? Comment vont se comporter les différents acteurs ?… Une pénurie de blé dur et de pâtes n’est pas à exclure, selon les professionnels.

La 10 e journée nationale de la filière blé dur, qui se tiendra le 17 janvier à Labège (31), sera l’occasion de tirer les leçons de cette inédite et donc déroutante campagne. Une situation qui pourrait se reproduire : avec des stocks de report au plus bas, le marché est plus que jamais dépendant du moindre événement international, et notamment des caprices de la météo. Le hic, c’est que les opérateurs ne disposent d’aucun outil de gestion des risques. Certains aspirent à la mise en place des systèmes de crédits de campagne accordés par les banques, pour lesquels le gouvernement se porterait garant. Des dispositifs qui ont fait leurs preuves sur d’autres secteurs. Un peu frileux, les banquiers seraient partants, mais les autorités ne semblent pas vouloir entendre les revendications de cette (trop ?) petite filière.

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