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Avec la génétique moléculaire
Connaitre et éradiquer les anomalies génétiques

L’émergence d’anomalies génétiques est inévitable. Depuis 2002, on dispose en France d’un observatoire pour les repérer le plus tôt possible. Grâce aux progrès de la génomique, élaborer des tests génétiques permettant de dépister les animaux porteurs est maintenant plus rapide.

Dès qu'une dizaine de cas est recensée et qu'une origine génétique est soupçonnée, des analyses génétiques peuvent être lancées.
Dès qu'une dizaine de cas est recensée et qu'une origine génétique est soupçonnée, des analyses génétiques peuvent être lancées.
© J.M. Nicol

L’apparition épisodique d’anomalies génétiques est malheureusement inéluctable. C’est même normal! Ce phénomène est le lot de toutes les races sélectionnées, du fait des pratiques d’élevage qui consistent à utiliser largement certains reproducteurs parce qu’ils sont les meilleurs. En effet, on sait aujourd’hui que tous les animaux sont porteurs d’une ou plusieurs mutations susceptibles d’être à l’origine d’une anomalie génétique. Pour la plupart, ces anomalies sont dues à un seul gène (monogénique) et ont un mode de transmisson autosomal récessif (cf aussi encadré).

Dans ce cas de figure, un reproducteur porteur d’une mutation ne sera à l’origine d’une anomalie génétique que si son descendant hérite de cette mutation et qu’il hérite de la même mutation de son autre parent. Il est heureusement très rare qu’une telle situation se présente. Pourtant, cela arrive. L’insémination animale n’est que le vecteur de ce phénomène. Par contre la consanguinité a une influence sur l’importance des maladies génétiques : plus elle est importante et plus on a de risques de faire naître des veaux homozygotes qui développeront la maladie.

Ces maladies génétiques occasionnent des pertes économiques importantes en élevage, et elles nuisent à l’image d’une race. La bonne nouvelle, c’est que l’on dispose aujourd’hui des méthodes et des outils pour pouvoir s’y attaquer, sans tabou. L’Observatoire national des anomalies bovines a été mis en place en 2002, à l’initiative de l’Inra avec la participation des organisations professionnelles nationales impliquées dans la sélection bovine.

DÉTECTER TÔT POUR RÉAGIR À TEMPS

Dans les années 1990 et début 2000, on avait observé l’émergence rapide de plusieurs anomalies en race Prim’Holstein, parmi lesquelles l’anomalie létale « Bulldog », qui se manifeste entre autres par une croissance réduite des os des membres et de la face, ou le CVM (Congenital Vertebral Malformations). Létale également, cette anomalie se traduit par des malformations de la colonne vertébrale. « Dans le cas du CVM, les Danois, qui possédaient déjà un observatoire des anomalies génétiques, ont pu réagir très vite et nettement mieux gérer cette crise que nous. La nécessité de se doter d’un tel outil en France est alors apparue très clairement », explique Amandine Duchesne de l’Inra de Jouy- en-Josas, co-animatrice de l’Onab.

Le rôle de l’observatoire est d’abord de recenser toutes les formes d’anomalies observées en élevage, chez les veaux à la naissance ou plus tard au cours de leur développement. Le recueil de l’information est le seul moyen de détecter l’émergence éventuelle d’une nouvelle anomalie génétique. « Il est primordial de réagir le plut tôt possible. Pour une anomalie donnée, le nombre de cas déclarés à l’Onab est souvent extrêmement faible. Ce n’est en quelque sorte que la partie émergée de l’iceberg. Mais la fréquence de certaines mutations peut évoluer de façon très rapide à certains moments. C’est ce que nous ont enseigné notamment le cas du BLAD (Bovine Leucocyte Adhesion Deficiency) et du CVM en race Prim’Holstein », explique Amandine Duchesne.

A partir d’une dizaine de cas pour une même anomalie, une étude peut être lancée. La première étape consiste à évaluer la possibilité d’une origine héréditaire au vu de la généalogie des animaux atteints. « Si l’hypothèse d’un déterminisme génétique est validée, une description précise de la maladie est réalisée le plus souvent en collaboration avec les écoles vétérinaires. Puis nous passons tout de suite aux prélèvements d’échantillons biologiques et au génotypage sur puce ADN haute densité. » Cela peut aboutir rapidement à l’obtention d’un test de dépistage génétique.

En effet, le génotypage permet de localiser plus ou moins précisément la portion d’ADN où se situe la mutation. Les chercheurs peuvent alors proposer un test génétique indirect, basé sur les marqueurs de la région contenant la mutation. Même s’ils ne sont pas fiables à 100 % comme peut l’être un test direct basé sur la mutation, ces tests permettent en général de faire le tri efficacement entre les animaux porteurs et nonporteurs. « Par exemple un test sur marqueurs a permis d’éradiquer l’anomalie SHGC en race Montbéliarde (Syndrome d’hypoplasie généralisée capréolifirme) avant même que la mutation ne soit trouvée », explique Amandine Duchesne. Pour identifier la mutation causale — et ainsi disposer d’un test direct — des études complémentaires peuvent être poursuivies, comme le séquençage comparatif d’animaux sains et malades, pour la région contenant la mutation.

GESTION OU ÉRADIQUATION

Quand une anomalie est identifiée, qu’un test génétique est mis au point, c’est à l’organisme de sélection de la race de se prononcer sur les actions à mettre en place. Celles-ci seront fonction de la fréquence de l’anomalie dans la population, et de l’incidence économique de la maladie.

C’est essentiellement sur la voie mâle que les actions vont porter. Il peut s’agir de retirer purement et simplement du catalogue les taureaux d’insémination qui se révèlent porteurs de l’anomalie. Si la valeur génétique de taureaux porteurs hétérozygotes d’une mutation est très élevée, il est toujours possible de mettre en place une gestion de l’anomalie. Des accouplements raisonnés visent à éviter le plus possible la naissance de veaux malades et diminuent progressivement la fréquence de la mutation dans la population.

Le "veau tourneur" en en race Rouge des Prés en bonne voie d'éradication


La Rouge des Prés est la première race allaitante française qui ose s’attaquer à l’éradication d’une anomalie génétique. Il s’agit pour le coup d’une maladie complexe, qui n’a pas encore livré tous ses secrets aux chercheurs, et qui reste très rare dans la race. Le syndrome du « veau tourneur » est une maladie nerveuse dégénérative. Elle est apparue il y a une dizaine d’années et des cas ont été décrits à partir de 2009 par Oniris(1). Le veau a une naissance et un développement normaux jusque vers l’âge de 1 à 3 mois. Alors apparaissent une ataxie (incoordination) et une parésie (faiblesse) des membres postérieurs qui l’entraînent dans un mouvement tournant quand il se déplace, jusqu’à le faire tomber. Ceci s’aggrave progressivement en un à trois mois, jusqu’au moment où l’animal ne se lève plus. Il s’agit d’une maladie létale, les veaux atteints sont généralement euthanasiés avant l’âge de 4 mois. De telles lésions de la moelle épinière ne peuvent être soignées.

UNE MALADIE PRISE À TEMPS

« Nous avons décidé de prendre très au sérieux cette maladie. Il y avait alors très peu de cas de ‘veaux tourneurs’, mais nous savons que cette maladie aurait pu prendre beaucoup d’ampleur », explique Ghislain Aminot de la Sica Rouge des Prés. L’organisme de sélection, en collaboration avec l’Inra de Jouy-en-Josas et Oniris, a alors appelé les éleveurs à témoigner sur ce sujet. Quelques éleveurs se sont manifestés et une dizaine de veaux ont été étudiés. Ils ont permis de déterminer une origine génétique à cette maladie, et d’identifier une souche fondatrice de la maladie. Un génotypage des animaux malades a alors été entrepris. Cette étude a permis de mettre au point un test ADN indirect, qui permet de répondre à la question de savoir si l’animal est porteur de l’anomalie « veau tourneur » ou pas (haplotypes). Les chercheurs de l’Inra poursuivent leur travail pour pouvoir proposer un test plus précis. Ces premiers résultats ont déjà permis à l’OS Rouge des Prés de définir une stratégie de lutte contre l’anomalie « veau tourneur », un an seulement après le début de l’étude. Le conseil d’administration de l’OS a décidé d’éradiquer cette maladie génétique. Pour ceci, le plus facile est d’agir sur la voie mâle. En 2010, quatre taureaux d’insémination porteurs de l’anomalie ont été retirés du catalogue (Ino,Versoir, Sarazin et Tendon). Il reste au catalogue un seul taureau porteur, Bouba, qui n’était alors pas encore entré en diffusion et qui est génétiquement intéressant. Il a fallu vivre durant une campagne avec un catalogue d’insémination un peu réduit, et le réétoffer l’année suivante. En 2011, le catalogue fait figurer le statut des taureaux par rapport à l’anomalie « veau tourneur ». Environ la moitié des taureaux sont encore indéterminés, les autres sont qualifiés non porteurs. « Nous sommes en bonne voie. La maladie a été prise à temps: le risque d’une expansion de la maladie est déjà écarté et le nombre de cas devrait commencer à baisser avec les naissances de cet automne. »

TRANSPARENCE

Un test de dépistage des animaux porteurs de l’anomalie génétique rapide et peu coûteux est espéré pour 2012. Il permettra de tester en ferme des taureaux de monte naturelle.«A l’avenir, nous pensons que les veaux seront testés avant leur entrée en station d’évaluation. » On ne devrait plus entendre parler de « veau tourneur » d’ici quatre à cinq ans. Les éleveurs de Rouge des Prés sont très satisfaits de la façon dont a été traité ce problème. Être informé en toute transparence, mieux comprendre le fonctionnement de l’anomalie génétique est en fait très rassurant.



En pratique

Déclarer la naissance d’un veau « anormal »

Tous les éleveurs peuvent déclarer la naissance d’un veau qui leur paraît « anormal » à l’Observatoire national des anomalies génétiques bovines, directement ou en faisant appel à leur technicien ou à leur vétérinaire. Une fiche de recueil d’informations simple à utiliser est disponible sur le site internet de l’Observatoire (rubrique « déclarer une anomalie »). Il est important de faire cette déclaration le plus tôt possible pour que l’Observatoire puisse jouer son rôle d’alerte. Toutes les informations intéressent les animateurs de l’Onab, du simple défaut de pigmentation au syndrome neurologique le plus complexe, que l’origine génétique soit connue ou non. Les anomalies à apparition plus tardive, comme les maladies neuro-dégénératives telles que certaines ataxies ou axonopathies, sont également à déclarer à l’Observatoire. http://www.onab.fr

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