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La Gasconne sait crapahuter dans les estives 

Une forte proportion des vaches gasconnes passe la belle saison dans les estives des Pyrénées. Une étude a permis de mieux connaître comment elles se déplacent dans ces parcelles de grande dimension. 

Une des particularités des estives pyrénéennes est leur dimension. Elles englobent souvent de larges pans de montagne et s’étendent sur des surfaces conséquentes avec un dénivelé généralement important entre le point d’altitude le plus élevé et le moins élevé. Les animaux doivent donc crapahuter dans les pentes pour aller pâturer. Idem pour s’abreuver, avec des points d’eau qui sont plus ou moins nombreux et faciles d’accès. Il s’agit le plus souvent d’estives collectives regroupant plusieurs troupeaux. Elles associent parfois plusieurs espèces : bovins et/ou ovins et/ou équins.

Des données captées par des colliers GPS

Pour mieux connaître comment les animaux se déplacent dans ces pâturages d’altitude, un travail a été réalisé en utilisant des données captées par des colliers GPS portés par un petit échantillon d’animaux. Autant de données qui donnent des informations en temps réel sur la localisation des seuls bovins portant ces colliers (voir encadré). Pour la campagne d’estive 2016, les données issues de boitiers GPS placés sur le collier de treize vaches suitées ou génisses gasconnes ont été étudiées avec, pour les vaches, des animaux déjà habitués à passer l’été en montagne. Ces femelles étaient réparties dans quatre estives aux caractéristiques différentes par leur dimension, leur altitude moyenne, leur pente et leur accès à l’eau (voir tableau). « Nous avons récupéré ces données de localisation et nous les avons fait analyser par l’Institut de l’élevage. Les informations que l’on souhaitait récupérer concernaient le nombre de kilomètres et le dénivelé parcourus en une journée, le déplacement sur l’estive au cours de la saison, les zones les plus fréquentées et le niveau de grégarité des animaux », explique le compte-rendu de cette étude. 

Différents problèmes techniques rencontrés en cours d’été (boitier perdus, batteries défaillantes) ont malheureusement limité la quantité de données exploitables. Une fois les animaux descendus des montagnes, les données stockées dans les boitiers GPS ont été récupérées. Elles ont ensuite été compilées par l’Institut de l’élevage et la société Energie Géomatique, spécialiste de l’analyse de ce genre de données. Les distances moyennes parcourues par les animaux en une journée sont pour la majorité comprises entre 6 et 8 km. Les dénivelés positifs sont eux compris entre 250 et 500 m.
 Les altitudes maximum et minimum atteintes au cours de la même journée sont fortement dépendantes du relief de l’estive concernée.

 Jusqu'à 18 km sur une seule journée

« On remarque que l’estive où les animaux marchent le plus et font le plus de dénivelé est l’estive de Mijanès. L’estive avec les distances les plus courtes est l’estive de Quioulès. Cela est dû au fait que c’est une estive très escarpée où les animaux sont déplacés de temps en temps d’une vallée à l’autre par le vacher. Une fois arrivée dans une nouvelle vallée, elles vont y rester plusieurs jours. De plus, l’eau est abondante sur cette estive donc il n’y a pas de grands déplacements à faire pour s’abreuver », précise le compte-rendu expérimental. Si on s’en tient aux données quotidiennes et non plus moyennes, il apparait que certains animaux ont réalisés de « belles randonnées en montagne » certaines journées. Les relevés mettent en avant des journées qui ont dû mettre les organismes à rude épreuve. Par exemple, les relevés font état pour certaines journées de dénivelés positifs parfois supérieurs à 1 000 m, d'animaux qui ont grimpé au-delà de 2 500 m d’altitude et d’autres qui ont parcouru plus de 18 km sur une seule et même journée.

Pour chercher à en savoir toujours davantage sur les allées et venues de ces femelles gasconnes en estives, de multiples données ont été recoupées. Le nombre somme toute limité d’animaux équipés puis de données utilisables a malheureusement réduit le volume d’information disponible. Cela nécessite par conséquent de les interpréter avec une certaine prudence. « Il semble toutefois que l’on puisse mettre en avant deux postulats. » Tout d’abord, il apparaît que les vaches primipares se déplacent davantage que les multipares. « On peut éventuellement l’expliquer par la hiérarchie qui existe dans le troupeau. » Une multipare va faire en sorte de se réserver les trajets les plus faciles à prendre. Ces vaches expérimentées n’hésitent pas au besoin à faire crapahuter leurs cadettes dans la pente en se réservant les sentiers les plus facilement praticables.

Il apparaît ensuite que la présence d’un veau réduit la distance quotidienne de déplacement d’une vache comparativement à une génisse ou une vache non suitée. « On peut supposer que sans veau, elles vont se déplacer davantage pour accéder à la ressource dans la mesure où elles n’ont pas à se soucier de leur progéniture. Nous avons également pu observer que l’altitude n’influe pas sur les distances journalières parcourues par les animaux. Sur des journées passées à plus de 2 000 m d’altitude, les distances étaient comparables aux journées passées en dessous de 2 000 m. Cela renforce l’idée que les gasconnes ne sont pas perturbées par ces changements d’altitude et de conditions de vie en estive. » Elles semblent donc parfaitement adaptées au milieu difficile dans lequel la rusticité de cette vache a été forgée.

Le projet e-Pasto

e-Pasto est un projet de recherche et développement visant à concevoir un dispositif de clôtures virtuelles en estives, basé sur un système de géolocalisation des animaux. Le dispositif est constitué d’une balise GPS, que les animaux portent à leur collier dans un boitier robuste. e-Pasto utilise la technologie de communication Sigfox, opérateur de réseau cellulaire basse fréquence permettant une grande autonomie énergétique sans recharge. L’autonomie du système e-Pasto peut varier de 6 à 9 mois. Les données de position (1 position toutes les 10 minutes) sont relevées via le réseau GPS et sont stockées sur le boitier. Si le réseau téléphonique le permet, les dix dernières positions sont transmises toutes les 3 heures sur un site internet et il est ainsi possible de suivre les animaux quasiment en temps réel. Ce sont ces données GPS qui ont été récupérées pour chercher à mieux appréhender comment les animaux se déplacent dans les estives.

Mieux connaître les pratiques dans les estives Pyrénéennes

Un peu plus de 45 % des vaches gasconnes passent la belle saison en estive. Cette utilisation de pâturages d’altitude, souvent de très grandes dimensions, fait partie de la conduite habituelle de nombreux élevages. Elle permet d’économiser la ressource fourragère sur les parcelles proches du siège de l’exploitation et libère du temps pour constituer sur ces mêmes parcelles les stocks fourragers nécessaires pour l’hiver. Il convient donc de conforter l’aptitude de la race à valoriser ces surfaces difficiles (altitude, pente…) tout en maintenant de bons niveaux de performances. Pour mieux connaître et comprendre les pratiques des éleveurs, une enquête a été réalisé auprès de vingt élevages de la chaîne pyrénéenne (Ariège, Aude, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales) qui mettent en estive l’essentiel de leur cheptel.

Estive individuelle ou collective

Il apparaît tout d’abord que la pratique de l’estive s’effectue différemment d’une estive à l’autre et d’une exploitation à l’autre suivant différents critères : caractéristiques de l’estive (individuelle ou collective, présence ou non d’un vacher, accessibilité, taille et profil de l’estive), type d’animaux estivants (âge, vaches suitées ou non), etc. 

La montée se fait généralement en mai pour une descente fin octobre. Les trajets depuis le siège de l’exploitation se font à pied, en camion ou allient les deux suivant les estives. Cet aspect montre une première différence. Les estives accessibles en camion permettent d’amener directement les animaux sur place et de venir les chercher relativement facilement en fin ou en cours de saison si besoin. À l’inverse, des animaux doivent parfois être amenés à pied sur les estives non accessibles à des véhicules motorisés. Cette étape peut s’avérer critique car certains trajets s’effectuent sur des chemins parfois dangereux, augmentant de ce fait les risques de blessures voire de pertes. La surveillance dépend de la présence ou non d’un vacher et peut s’avérer plus ou moins difficile selon les caractéristiques de l’estive. L’implication des éleveurs dans la surveillance varie donc fortement d’une estive à l’autre. 

Sur certaines estives, les animaux sont regroupés une ou plusieurs fois dans la saison (vaccinations, vente des broutards, soins…). Ces regroupements, lorsqu’ils sont possibles et facilement réalisables, permettent un meilleur suivi comparativement à des estives où les bêtes sont davantage « livrées à elles-mêmes ». Toutes les estives ne sont donc pas comparables et on ne peut pas considérer que tous les animaux estivants sont soumis aux mêmes conditions d’élevage.

Gérer la reproduction

Avec la race gasconne, ces estives pyrénéennes sont souvent utilisées pour des vaches suitées mais plus rarement pour les génisses de 1 an. Des taureaux sont présents sur la majorité des estives (sauf sur l’Ouest de la chaîne des Pyrénées). Pour cette raison, les génisses de 1 an restent généralement sur l’exploitation ou sont envoyées sur des « estives à génisses ». Les génisses de 2 ans sont, pour leur part, envoyées sur l’estive déjà saillies. Cela permet de gérer la reproduction avant la montée et d’éviter des accouplements non souhaités avec des taureaux qui pourraient entraîner des difficultés au premier vêlage. 

La gestion de la reproduction fait partie des contraintes. Soit elle est gérée intégralement avant la montée et cela demande alors une certaine organisation mais assure de meilleurs résultats technico-économiques. Soit elle est dépendante des taureaux présents sur l’estive. Cela peut entraîner des paternités inconnues, éventuellement de la consanguinité ou encore des croisements non souhaités.

Les autres contraintes des estives pyrénéennes sont très liées au volet sanitaire. L’estive donne très souvent lieu à un regroupement d’animaux de différents cheptels, avec tous les problèmes qui peuvent en découler. Côté surveillance, selon les caractéristiques de l’estive, les animaux peuvent être plus ou moins facile à approcher pour d’éventuelles interventions. Ces aspects peuvent poser de graves problèmes et entraîner des pertes. La présence de vachers performants, la bonne implication des éleveurs et la présence d’équipements de contention apportent un plus évident mais ils sont encore loin d’être communs. Le fait de valoriser ces surfaces avec des bovins de race rustique est un plus évident. Les personnes interrogées louent les qualités des Gasconne pour ces aspects : aptitude à la marche, adaptation à des ressources fourragères changeantes, tant en quantité qu’en qualité.

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