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Pour bien démarrer en bio

La gestion du pâturage et du parasitisme sont à bien appréhender pour se lancer en bio. L’allaitement des chevrettes aussi.

Le dimensionnement du système fourrager est la première chose à bien appréhender en bio. « Avec l’obligation de pâturer, il faut bien caler les équilibres entre le nombre de chèvres, les surfaces pâturées et les surfaces fauchées pour sécuriser l’autonomie fourragère, décrit Philippe Desmaison, conseiller technique élevage à Bio Nouvelle-Aquitaine. On attend une vraie contribution du pâturage dans l’alimentation des chèvres, pas seulement une surface pour promener les chèvres ». Même si l’intensité de pâturage n’est pas précisément cadrée par le cahier des charges, l’éleveur devra démontrer sa démarche sincère d’alimenter ses chèvres par ce biais.

Les journées où le pâturage est possible, un système pâturant bien calé peut raisonnablement apporter quotidiennement deux tiers des fourrages sous forme d’herbe pâturée au printemps, et un tiers à l’automne. Pour une chèvre à 3 kilos de lait, les deux tiers des fourrages au pâturage représentent 1,4 kg de matière sèche d’herbe ingéré par jour. Mais pour lui faire ingérer cela, il va falloir, selon les expérimentations du Pradel en Ardèche, lui en proposer un tiers de plus, soit 2 kg MS d’herbe. En effet, la chèvre a tendance à gaspiller plus d’herbe que les brebis ou les vaches. Il faudra aussi lui laisser 7 à 8 heures de pâture pour qu’elle puisse ingérer cette herbe. Avec de bonnes prairies multiespèces de Centre-Ouest, au bon stade de végétation, il faut compter de l’ordre de 17 m² par chèvre par jour pour satisfaire cet objectif.

Des stratégies d’évitement et d’évasion pour limiter l’exposition aux strongles

Au-delà de cette quantité d’herbe offerte et de l’organisation spatiale et temporelle du pâturage, il faut aussi anticiper au maximum le parasitisme. Animal naturellement davantage mangeurs de broussaille que d’herbe, la chèvre est intrinsèquement plus sensible aux parasites gastro-intestinaux que les ovins ou les bovins. L’éleveur bio doit donc mettre en place des stratégies pour réduire l’exposition des chèvres aux larves infectantes.

Une règle de base sera de ne pas faire pâturer à l’automne, une parcelle pâturée au printemps et vice-versa. Une rupture longue sans pâturage, idéalement avec du gel ou des sécheresses (peu souhaitée…), est nécessaire pour assainir partiellement la parcelle. Mais, du fait de larves transhivernantes, le travail du sol permettra d’assainir la prairie. Plus finement, en plein pâturage, une technique est d’introduire une rupture entre deux cycles de pâturage de 45 à 60 jours, soit en alternant fauche et pâture, soit en alternant chèvres et bovins ou équins. Cela demande donc deux fois plus de surfaces pâturables…

Une empreinte foncière non négligeable

Autre technique, la méthode des blocs. Elle consiste à contrôler la durée de séjour globale des animaux sur un bloc de parcelle sur lesquels les animaux évoluent en pâturage rationné (fil avant/arrière) ou tournant. Le bloc étant constitué par la somme des parcelles où le temps de retour des animaux entre deux pâturages est inférieur à 45 jours. L’idée est de rester sur des fenêtres d’exploitation où le risque parasitaire est modéré sur le bloc et de mettre à disposition un bloc neuf dès que la pâture est infestée de multiples générations de larves. Cette durée de séjour maximum sur le bloc est fonction de l’état d’infestation parasitaire des animaux et des pâtures. En début de saison de pâturage, sur des blocs assainis, les repères de pâturage en sécurité sont de 90 jours. Fin mai, avec l’entrée sur un bloc neuf enrubanné, mais avec des animaux inéluctablement infestés (plus de 500 œufs par gramme), la fenêtre de pâturage en sécurité n’est plus que de 45 jours.

Avec cette méthode, pour un objectif de pâturage de 100 chèvres se voulant couvrir deux tiers des fourrages de la ration au printemps, il faudra sur le papier mobiliser un bloc de 5 ha en début et milieu printemps pour un pâturage de trois cycles, puis remettre à disposition un bloc de 5 ha en fin de printemps. À l’automne, avec un objectif d’un tiers de la ration au pâturage, il faudra en gros un autre bloc de 5 ha pour 60 à 75 jours de pâture. Au total, 15 ha de pâtures accessibles sont mobilisées pour 100 chèvres sur la campagne. « Mener un pâturage caprin efficace techniquement a donc une empreinte foncière à ne pas négliger », observe Philippe Desmaison qui recommande aux nouveaux convertis d’avancer par pallier. D’autant que, sans fertilisation minérale, il faut anticiper que la productivité des prairies soit moindre. L’éleveur peut alors délaisser la culture du ray-grass italien ou hybride pour évoluer vers des multi-espèces de plus longue durée riches en légumineuses plus souples d’utilisation, plus équilibrées et plus économes.

Les traitements antiparasitaires restent possibles après un examen coprologique ou sanguin. Sans en attendre des effets curatifs, un soutien par les plantes riches en tannins condensés (sainfoin, lotier chicorée, plantain, etc.) ou le pâturage de ligneux sont des leviers mobilisables.

Des achats d’aliments bio plus coûteux

L’autonomie fourragère demande donc une certaine surface. Il est certes toujours possible d’acheter des fourrages à l’extérieur mais ils peuvent être coûteux en période de pénurie comme le foin de luzerne bio qui peut largement dépasser les 200 euros la tonne pendant la sécheresse. Même topo pour les concentrés où, là aussi, les prix peuvent être 1,8 à 2 fois le prix du conventionnel. On trouve ainsi du maïs grain à plus de 400 euros la tonne ou du correcteur azoté à 38 % de MAT à 750 euros. Produire une part de ses concentrés peut être intéressant selon les potentialités de la ferme mais gare aussi à la surface disponible. Là où l’on produisait 60 quintaux d’orge par hectare avec des engrais et des phytosanitaires, on ne produit plus que 30 voire 25 quintaux en bio. Les méteils grains permettent heureusement d’espérer un peu plus de rendement. « Il faut vraiment baser son système alimentaire sur des fourrages de qualités pour atteindre une productivité plancher avec une quantité de concentrés par chèvre maîtrisé », insiste Philippe Desmaisons.

Avant de vous lancer, prenez le temps de la réflexion et faites-vous accompagner par des conseillers techniques.

L’allaitement des chevrettes passe au 100 % bio en 2021

Le cahier des charges impose que les chevrettes soient nourries, pendant au moins 45 jours, avec du lait maternel, avec du lait de vache bio ou avec de la poudre de lait bio. Jusqu’à récemment, on ne trouvait pas de poudre de lait bio. On en trouve désormais et la dérogation d’alimenter ses chevrettes avec de la poudre non bio (sur motifs sanitaires avec présentation d’un certificat vétérinaire) ne sera plus possible à partir de janvier 2021. En conduite d’allaitement classique avec poudre de lait, la différence de prix (près de 5 000 euros la tonne contre 2 000 euros la tonne en conventionnel) implique une bonne technicité pour maîtriser les coûts tout en conservant de la croissance.

En savoir plus

Le guide éleveur Élever des chèvres bio, rédigé par la Coordination agrobiologique des Pays de la Loire, liste conseils et présentations d’élevages bio sur 52 pages.
produire-bio.fr/articles-pratiques/elever-des-chevres-bio-le-guide-de-la-cab/
Le site produire-bio.fr, animé par la Fnab, indique comment passer ou s’installer en bio. Il met à disposition une série d’articles techniques et pratiques par filière, dont le lait.

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