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Gérer le risque limace

Elles nous en font baver ! Doucement mais sûrement, la problématique limace s’installe en France avec une présence accrue chez les producteurs de légumes en plein champ.

L’augmentation des intercultures, la succession d’hivers doux et humides, la réduction des travaux de sols, le retrait de certaines solutions chimiques semblent expliquer la recrudescence des limaces.
© RFL

« Les dommages causés par les limaces aux cultures légumières sont nombreux : perte de productivité, refus commerciaux et risques de contamination en cas de présence de granulés anti-limace dans les produits récoltés », a décrit François Villeneuve, Ctifl, lors d’un colloque organisé par l’Acta et Arvalis, à Paris.

Dépendant de la température et de l’hygrométrie

La production de salade destinée à la 4e gamme précoce (sous voile thermique) telle que pratiquée dans le grand Ouest en est l’exemple parfait. Les limaces peuvent induire des baisses de densité en consommant les jeunes plantules, entraîner des refus commerciaux de par leur présence dans le produit et/ou la dénaturation de la plante et indirectement entraîner des risques de contamination en cas de présence de granulés anti-limace dans le produit récolté. La production de choux est la seconde filière la plus fortement impactée par cette problématique. L’artichaut, l’asperge, la fraise… subissent aussi des dégâts. Cette problématique récurrente est ressentie comme une pression montante. L’augmentation du nombre de cultures multiplicatrices dans la rotation (notamment les intercultures), la succession d’hivers relativement doux et humides, la réduction des travaux de sols, le retrait de certaines solutions chimiques (spectre d’action plus spécifique) semblent expliquer la recrudescence de ces gastéropodes. Les limaces noires (Arion hortensis) et grises (Deroceras reticulatum) sont les principales espèces mises en cause (voir encadré). D’autres espèces peuvent également faire des dégâts dans les cultures légumières telles que Arion rufus, Arion distinctus, Deroceras laeve, Milax gagates… L’activité polyphage est largement dépendante de la température et de l’hygrométrie. Elle serait maximale pour une température du sol entre 12 et 13 °C et une température de l’air entre 12 et 14,5 °C. En dessous de -4,6 °C, la température du sol est létale pour les limaces adultes (en dessous de -11 °C pour les œufs). De même, une exposition supérieure à dix heures à 32 °C les tue. Une hygrométrie trop faible sur la durée entraîne également leur mort mais ces conditions environnementales sont rares en France métropolitaine. La présence de haies, bandes enherbées ou de talus à proximité des cultures est favorable à la fois au développement des limaces mais aussi à celui de leurs ennemis naturels, comme les carabes. La gestion des abords parcellaires est donc un facteur à prendre en compte pour la gestion des limaces. Toutefois, elle ne permet pas à elle seule de les réguler. D’autant que d’autres pratiques culturales, comme le semis direct, leur sont bénéfiques. Des essais en grande culture ont montré qu’en semis direct, les populations de limaces sont trois fois plus importantes qu’en travail superficiel, et cinq fois plus importantes qu’en labour. En effet, le travail du sol perturbe leur alimentation et leur déplacement par la destruction de leur habitat et permet de réduire le nombre d’œufs en les exposant aux aléas climatiques.

Des granulés plus appétissants et du biocontrôle

En 2017, deux substances actives contre les limaces sont autorisées : le métaldéhyde, utilisé depuis les années 1960, et le phosphate ferrique, utilisable en agriculture biologique (voir encadré). Après leur ingestion, la limace peut mettre une à cinq journées à mourir. Pour que les granulés anti-limace soient efficaces, la culture - ou le couvert en place - doit être faiblement développée : les granulés paraissent ainsi plus appétissants en comparaison. Parmi les solutions de biocontrôle, la principale est le nématode, Phasmarphabditis hermaphrodita, abritant la bactérie Moraxella osloensis dans son système digestif. Le nématode entre par les orifices respiratoires de la limace. Les bactéries provoquent chez la limace une septicémie qui entraîne une réduction marquée de son activité d’alimentation. Après un délai de 4 à 21 jours, selon le nombre de parasites et la température, la limace meurt. Les solutions commerciales à base de P. hermaphrodita sont peu utilisées en production légumière à cause d’une efficacité jugée insuffisante, due peut-être à des conditions d’applications non optimales, et à un coût élevé. Autre voie, l’écologie chimique (l’étude des signaux et médiateurs chimiques émis par les organismes vivants influençant le comportement d’autres organismes de l’écosystème) est un domaine de recherche qui pourrait générer de nouvelles techniques de gestion de ce ravageur. En effet, le mucus déposé par les limaces lors de leur déplacement ou de leur prise alimentaire est composé de nombreuses substances (protéoglycanes, sucres, ions métalliques, enzymes, anticorps). Certaines d’entre elles sont reconnues par la plante (kairomones, action bénéfique pour l’espèce qui reçoit le signal) et induisent une activation des systèmes de défense. D’autres substances présentes vont inhiber les défenses, on parle alors d’allomone (action bénéfique pour l’espèce qui émet le signal). Une connaissance approfondie de ces mécanismes permettrait d’envisager la mise en place de méthode de gestion innovante, par exemple en appliquant des kairomones au champ pour stimuler préventivement les défenses des plantes ou bien en sélectionnant des cultures non sensibles aux allomones.

Deux principales espèces à risques

La limace grise (Deroceras reticulatum)
Son corps est long de 40 à 60 mm, mou et de coloration jaunâtre à gris brunâtre avec des tâches allongées contrairement au corps du jeune qui est rouge violacé. Le mucus est blanchâtre. Cette espèce vit en surface et peut se déplacer de six à sept mètres par nuit. Elle présente une voracité importante en consommant la moitié de son poids en une nuit et peut s’attaquer aux racines en condition sèche. Espèce hermaphrodite, elle pond 300 à 400 œufs sous des abris à moins de 10 centimètres de profondeur. La ponte peut avoir lieu toute l’année, une à deux générations se succèdent par an. Un individu de cette espèce peut vivre de 8 à 13 mois.

© De Sangosse

 

La limace noire (Arion hortensis)
Son corps est assez allongé bleu noir à olivâtre de 30 à 40 mm au stade adulte, avec des bandes rougeâtres sur les flancs et le dos parsemé de points jaunes. La sole (pied) est orangée. Le mucus est jaune ou incolore. Elle vit dans le sol et se déplace de trois à cinq mètres par nuit. Omnivore, elle peut consommer 40 % de son poids en deux heures. Les individus hermaphrodites pondent de 150 à 300 œufs au fond de galeries souterraines de mai à novembre. Une et plus rarement deux générations peuvent être observées par an. Sa durée de vie est de 12 à 18 mois. Cette espèce est néfaste surtout aux cultures d’automne par temps pluvieux et persistant.

© De Sangosse

Un piège pour surveiller les limaces

L’activité des limaces se vérifie à l’aide de pièges constitués d’une feuille aluminium, d’un textile absorbant et d’un film microperforé de 0,25 m². Les pièges sont imbibés d’eau et déposés sur le sol le soir. Le comptage du nombre d’individus le matin permet d’avoir une idée de la population active de la parcelle. Mais cet indicateur ne peut pas servir de façon absolue pour raisonner une intervention. Son intérêt réside dans le suivi de population dans le temps et ne doit donc pas être utilisé de façon ponctuelle. Lors de l’interprétation de ces résultats, il est important de prendre en compte les conditions climatiques et de sol au moment du relevé, et d’observer en parallèle l’évolution des signes de l’activité des limaces.

© Sileban

 

Les moyens de contrôle actuels

 

La protection chimique, le travail du sol et la rotation sont les trois leviers de gestion des limaces déjà mobilisés en production. Depuis la découverte fortuite de l’efficacité du métaldéhyde en 1934, les connaissances sur les moyens chimiques de gestion des limaces en production ont grandement évolué. Toutefois de quatre substances actives en 2000 (le métaldéhyde, le méthiocarbe, le thiodicarbe et bensultap), seules deux sont autorisées en 2017, le phosphate ferrique (utilisable en agriculture biologique) et toujours le métaldéhyde. Afin d’améliorer l’efficacité et limiter les risques pour l’environnement et le consommateur, la formulation des produits à base de ce dernier a évolué, ils contiennent désormais des appâts à base de farine, des répulsifs à animaux, des antimoissures et d’autres ingrédients innovants.

Améliorer l’homogénéité de l’application

D’un point de vue réglementaire, toutes les solutions à base de métaldéhyde sont limitées à 700 g de métaldéhyde par culture et par hectare (840 g pour le phosphate ferrique). Des stades culturaux encadrent désormais les périodes d’application du métaldéhyde. Selon les spécialités, il reste possible de réaliser des applications en l’absence de culture, il faut alors se référer à l’étiquette pour connaître ces conditions spécifiques. Le phosphate ferrique ne fait pas l’objet de restriction réglementaire particulière concernant les stades culturaux ou la période de culture. Les marges de progrès quant à l’utilisation de ces substances actives se situent désormais dans l’optimisation de l’application des granulés tant dans l’espace (qualité de l’épandage) que dans le temps (période et conditions d’épandage). Ainsi, un nouvel épandeur, Spando®, a été développé par l’Irstea et la société De Sangosse. Il permet d’améliorer grandement l’homogénéité de l’application en évitant les sur/sous dosages et les contaminations des bordures. Les chercheurs et expérimentateurs du projet Resolim ont cherché à développer une approche multi-critères du risque limace à l’aide du logiciel Dexi. En se basant sur la succession culturale, les interventions agronomiques, l’environnement de la parcelle, le climat et la population initiale, ils cherchent à pouvoir prédire la pression limace et donc aider les producteurs dans leurs décisions d’intervention. A l’heure actuelle, cet outil ne prend pas en compte la population initiale ni le climat. Ce modèle incomplet permet tout de même d’apprécier des tendances globales mais nécessite d’être adapté et interprété au regard des conditions locales.

Tiré de Infos Ctifl juin 2017 n°332

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